Marche massive sur Mühleberg

Deux raisons pouvaient faire craindre pour la mobilisation en vue de cette marche qui a abouti le dimanche 11 mars devant la centrale nucléaire de Mühleberg (BE).

Premièrement, la plupart des grands médias ont éloigné leurs projecteurs du Japon, sauf à l’occasion du premier anniversaire de la catastrophe. Pourtant, elle est toujours en cours, au sens où la contamination se poursuit et s’amplifie chaque jour. Les révélations se succèdent quant aux manquements en termes de prévention et de gestion de la série d’accidents à Fukushima en mars 2011, sans compter la traditionnelle rétention d’information par les autorités. Celle-ci a tout de même choqué l’opinion nippone et provoqué des mobilisations importantes à Tokyo notamment, ainsi que la ruée sur les laboratoires indépendants pour fournir des mesures que le gouvernement japonais est incapable ou peu pressé de donner.

     Deuxièmement, la réjouissante annonce – à quatre jours de la manif – du jugement du Tribunal administratif fédéral (TAF) a pu donner l’impression que le travail était fait. Cependant, s’il s’agit d’une victoire d’étape importante, en ce sens que le jugement stipule que l’exploitation de la centrale de Mühleberg ne sera plus autorisée au-delà du premier semestre 2013, l’exploitant (BKW, les Forces motrices bernoises) a décidé d’interjeter un recours au Tribunal fédéral au prétexte délirant que, selon leur président Urs Gasche, les FMB seraient « mieux à même de contribuer à l’utilisation d’énergies renouvelables si elles peuvent exploiter ‹ quelques années encore › la centrale de Mühleberg ». Mais surtout la fermeture de Mühleberg ne doit être qu’un premier pas suivi de celle des autres centrales helvétiques à commencer par la plus vieille centrale du monde en exploitation, à Beznau.

     Mais malgré ce contexte potentiellement démobilisateur, l’affluence fut forte ce dimanche, puisqu’organisateurs et police ont dénombré à l’unisson 8000 participant·e·s.

     L’impressionnante cohorte de militant·e·s portant pancartes, drapeaux bariolés, etc. s’égrenait à flanc de coteau et se déversait en continu pendant des heures dans un vaste terrain situé à 200 m de la centrale. A signaler une organisation « tip-top », à majorité alémanique, qui n’a pas vu se reproduire le problème rencontré en mai dernier devant Beznau, où le flot de marcheurs arrivant croisait un flot contraire de personnes en partance, empêchant de jauger l’ensemble de la mobilisation.

     Un moment d’émotion lors de la montée sur scène d’une délégation de militant·e·s japonais, suivie d’une minute de silence impressionnante vu le nombre de personnes. L’un d’entre eux, Atsushi Nojima, a brossé un tableau de la situation au Japon après un an de catastrophe continue, dénonçant notamment le fait que toujours plus d’eau contaminée soit encore aujourd’hui impunément rejetée dans l’océan.

     Un autre moment fort fut celui de l’Intermezzo annoncé, avec l’arrivée au micro de la présidente de ContrAtom Anne-Cécile Reimann, dont la voix puissante était à peine entamée par les nombreuses répétitions de sa chanson dans le train qui l’amenait de Genève, à 150 km de là.

     Anne-Cécile en a profité pour saluer l’important succès que constitue le jugement du TAF et l’implication dans cette procédure des autorités de la Ville de Genève, ceci par un soutien financier conséquent, au nom de l’article 160E antinucléaire de la Constitution genevoise, grâce notamment à notre camarade Rémy Pagani, présent sur place.

     A signaler a contrario que les autorités de l’Etat de Genève, pourtant constitutionnellement censées tout mettre en œuvre pour contrer les risques que représentent les «vieilles casseroles» comme la centrale de Mühleberg, ont refusé quant à elles de s’impliquer !

 

Sébastien Bertrand

 


 

France: succès des chaînes humaines pour sortir du nucléaire ! 

En France, à l’appel des collectifs Sortir du nucléaire et Réaction en chaîne humaine, 60 000 ma­ni­fes­tant·e·s ont formé ce 11 mars une chaîne humaine sur les 230 km entre Lyon et Avignon.

 

   Cette impressionnante démonstration, à laquelle solidaritéS a modestement participé, a eu lieu le long du Rhône, sur la N7, dans cette région voisine la plus nucléarisée d’Europe, qui compte 14 réacteurs sur les 58 de France, pays le plus nucléarisé au monde, dont 75 % de l’électricité vient de cette industrie au potentiel dévastateur.

   Avec l’objectif d’une sortie rapide du nucléaire, la date anniversaire de la catastrophe de Fukushima a largement mobilisé les citoyen·ne·s d’Europe, particulièrement en Allemagne, en Belgique, en Suisse, et en France où des chaînes humaines ont été réalisées par ex. à Bordeaux, à Bayonne, et en Bretagne. Mais le projet de chaîne humaine dans la vallée du Rhône a nécessité le plus fort degré d’organisation, tant pour la logistique des transports (des centaines de cars), mais aussi pour réaliser des éléments de chaîne qui, en se déployant sur des kilomètres, cherchaient à se rejoindre. Il a fallu trouver de nombreux lieux de rassemblements adéquats le long de la N7 pour réaliser ces jonctions.

   La Drôme a connu le plus grand succès sur ses 124 km. La police y a compté plus de 16 000 par­ti­ci­pant·e·s, mais en réalité bien plus de vingt mille s’y sont donné la main. Dans l’ensemble, de très nombreuses chaînes souvent ininterrompues sur des dizaines de km ont longé la route ! L’effet a été spectaculaire et symboliquement très fort, car la mise en place de ces cordons humains, main dans la main, dégageait une solidarité évidente. Les consignes pour la sécurité étaient importantes, car nous nous trouvions au bord d’une route très fréquentée : réunir ainsi 60 000 personnes sans accident ni incident est un exploit!

   Nul doute que le mouvement antinucléaire en France sort renforcé de cette mobilisation réussie : l’urgence d’une sortie la plus rapide possible du nucléaire, avec un programme de transition énergétique est actuellement déjà réalisable. L’engagement de Hollande pour un passage de 75 % à 50 % d’électricité issue du nucléaire d’ici 2025 est, quant à lui, totalement insuffisant. Sans parler de la « sarko­nucléo­cratie », cela justifie la poursuite déterminée d’un combat anti-nucléaire transfrontalier !

 

Gilles Godinat