Rues piétonnes

Rues piétonnes : L'enjeu crucial de l'espace public

 Le 23 septembre prochain, les citoyen·ne·s de la ville de Genève se prononceront sur un crédit pour la réalisation de 50 rues (ou tronçons de rues) piétonnes. Ce scrutin est une première étape de la mise en œuvre de l’initiative « 200 rues sont à vous », lancée par Les Verts en 2008 avec le soutien de solidaritéS.

 

Le projet, accepté à une large majorité du Conseil municipal, a été attaqué par un référendum initié par l’UDC, le MCG, le PLR et les milieux patronaux et probagnole (TCS, ACS, etc.). Tout à leur obsession motorisée, les référendaires prétendent que ce projet mettrait à mal le commerce. Mais cette hantise est absurde. Les multiples exemples de zones piétonnes dans les villes d’Europe démontrent pourtant que c’est exactement l’inverse qui se produit : là où les piétons peuvent flâner, le commerce est florissant.

 

Contre la privatisation de l’espace public

Mais l’essentiel n’est pas là. Il faudrait bien sûr rappeler les bienfaits en terme d’environnement, de qualité de l’air et de sécurité qu’apporterait la piétonnisation. Mais ces débats importants cachent un autre enjeu politique crucial : il s’agit ici de décider à qui appartient notre espace public, et quel usage doit en être fait. Car, in fine, qu’est-ce que la présence massive de véhicules individuels dans nos rues sinon une privatisation de celles-ci ?

     Chaque voiture occupe environ 10m2 d’espace au sol, reste immobile 95 % du temps et lorsqu’elle roule ne contient que 1,2 personne en moyenne. C’est donc un objet essentiellement individuel et surdimensionné… d’ailleurs de plus en plus délaissé par les citadins (près de 40 % des ménages en ville de Genève n’en possèdent pas). La rue, cet espace qui devrait être commun à toutes et tous, est ainsi privatisée et marchandisée pour le mésusage de certains. Ce lieu élémentaire de création du lien social, où l’on devrait pouvoir déambuler sans se soucier en permanence de sa sécurité, est devenu un espace essentiellement consacré à la circulation et au stockage de boîtes de tôle surdimensionnées.

 

Un projet modeste pour un signal fort

À défaut de supprimer totalement la bagnole individuelle de la ville, ce projet demande qu’une partie au moins des 600 rues que compte la ville de Genève (aujourd’hui presque toutes inondées de trafic motorisé et de stationnement) soit rendue aux piétons. Le projet cible donc en priorité des rues (ou tronçons) à proximité d’écoles, d’EMS ou de lieux de flux piétons importants. Chaque quartier est concerné, et ces tronçons seront aménagés à l’essai pour une année, au bout de laquelle on déterminera si elles doivent ou non être piétonnisées de manière définitive.

     Dans l’absolu, le projet sur lequel nous voterons n’est pas parfait. Il est le résultat d’un compromis politique entre Verts et centre droit, sur la base d’un projet issu de bureaux d’ingénieurs. Le volet sur la « compensation » des places de parking laisse d’ailleurs implicitement la porte ouverte à la création de nouveaux parkings souterrains au centre-ville pour remplacer des places supprimées en surface. Mais c’est peut-être paradoxalement ce qui le rend potentiellement acceptable pour une partie au moins des accros au volant… et donc potentiellement « gagnable » en septembre.

     Malgré ces (modestes) réserves, ce projet est clairement un pas dans la bonne direction. Surtout, nous avons à nouveau (après l’initiative 144 « pour la mobilité douce » il y a un an) l’occasion de donner un signal politique fort pour sonner la fin de l’ère du tout-bagnole. Bref : une campagne importante pour faire un pas vers une autre vi(ll)e !

 

Thibault Schneeberger