Grèce

Grèce : «Nous nous approprions ce dont nous avons besoin»

Dans la ville portuaire de Thessalonique (Grèce), des travailleurs-euses ont remis en marche leur usine. Nous publions ci-dessous des extraits de l’entretien réalisé par Wladek Flakin avec Theodoros Karyotis, enseignant de langues et militant du Comité de solidarité avec la lutte des salarié·e·s de Vio.Me.

Il y a deux semaines, les quarante sa­larié·e·s de l’entreprise de matériaux de construction Vio.Me, alors à l’arrêt, ont repris la production à Thessalonique sous leur propre contrôle. Comment en est-on arrivé là?

 

Vio.Me a été abandonnée par ses propriétaires en mai 2011, bien que l’entreprise soit rentable. A partir de là, le syndicat indépendant des tra­vail­leurs·euses a occupé l’usine, afin d’empêcher l’évacuation des machines et des matériaux. Les em­ployé·e·s ont ensuite exigé le payement des salaires encore pendants. Après plusieurs négociations sans résultat avec la direction, ils ont décidé de prendre eux-mêmes en main l’usine. Les préparatifs ont duré environ un an.

 

En quoi ont-ils consisté?

 

Il est rapidement devenu clair que l’Etat allait plutôt entraver le processus. Les collègues n’ont donc pas voulu attendre plus longtemps une autorisation ou l’octroi d’une éventuelle aide financière étatique. Ils ont repris la production en s’appuyant sur les dons offerts par un grand mouvement de solidarité populaire. 

 

D’où vient le capital d’exploitation?

 

Les rentrées d’argent proviennent d’un concert de solidarité et de dons reçus, ce qui permettra à l’usine de boucler les prochaines fins de mois. Nous essayons de trouver des possibilités de financement sur le long terme. Vouloir revenir sur le marché dans une période de récession est un énorme défi. Mais nous sommes optimistes. Les produits pourront êtres vendus dans tout le pays grâce au mouvement de solidarité, et éventuellement aussi dans d’autres régions des Balkans.

L’entreprise produit des matériaux de construction (mortier, crépi, colle pour les dallages, etc.). Il est aussi prévu de produire des produits de nettoyage respectueux de l’environnement pour usage domestique. Ce sont les sa­la­rié·e·s qui savent le mieux comment améliorer la qualité. De plus, comme la marge bénéficiaire accaparée par l’employeur a disparu, les coûts de production vont baisser.

 

De quels soutiens bénéficiez-vous au sein de la population et de la part des grands syndicats?

 

Une partie importante de la population est derrière nous. Les principales faîtières syndicales, contrôlées par des partis politiques, n’ont jusqu’à présent pas montré d’intérêt pour l’expérience?; certaines se sont même montrées hostiles. Les syndicats indépendants nous ont en revanche beaucoup soutenus. Pour les ha­bi­tant·e·s du pays, la restructuration néolibérale imposée par l’Union européenne est synonyme de chômage galopant, de coupes dans les retraites et les salaires, de restrictions des droits des tra­vail­leurs·euses, de démolition du système de santé et d’éducation, ainsi que de graves atteintes à l’environnement. Dans ce contexte, nous avons appris que seuls les travail­leurs·euses organisés pouvaient se défendre. Les dirigeants prennent peur quand ils apprennent que nous ne les implorons pas, mais que nous prenons ce dont nous avons besoin.

 

Vio.Me n’est pas la seule entreprise qui fonctionne sous contrôle des salarié·e·s. Y a-t-il des échanges d’expériences entre les sa­la­rié·e·s concernés?

 

Depuis le début, les tra­vail­leurs·euses de Vio.Me ont été en contact avec des salarié.e.s menant des expériences semblables en Grèce et à l’étranger, avant tout avec l’usine Zanon en Argentine, où les sa­la­rié·e·s ont pris les commandes il y a 12 ans. Nous travaillons à la mise sur pied d’un réseau international : pour plus d’informations, voir notre site internet bilingue : viome.org

 

Entretien réalisé par la rédaction du site islinke.de. Traduit de l’allemand par Hadrien Buclin, adaptation et coupes de notre rédaction.