Les diamants de conflit d'Israël

Le diamant est une pierre qui évoque des émotions et des images très fortes : pour certains, gage d’amour et d’engagement, il symbolise la pureté. Pour d’autres, il réveille le souvenir douloureux des enfants soldats
et des mineurs sacrifiés pour le profit de quelques-uns.

Les diamants de sang on fait couler beaucoup d’encre, et l’extraction de pierres dans certaines mines d’Afrique continue à alimenter la polémique. Pourtant, d’une manière générale, tout porte à croire que le problème des diamants de sang a été réglé par les différentes institutions chargées de nettoyer le marché et de rassurer les consommateurs. La réalité est tout autre.

En 2000, l’industrie mondiale du diamant a mis sur pied le Conseil Mondial des diamants (World Diamond Council, WDC) en réponse à l’indignation du public face à l’utilisation de diamants bruts pour financer des conflits en Afrique. Ce dernier avait pour mission de développer un système de traçabilité des diamants bruts pour prévenir leur utilisation à des fins illicites telles que la guerre.

 

En 2003, le WDC a introduit un système d’auto-régulation appelé Processus de Kimberley, censé enrayer le flot de diamants de sangs, appelés aussi diamants de conflit. Cet objectif louable a malheureusement été biaisé par la définition étriquée d’un diamant de conflit, ou diamant de sang, choisie par les différents protagonistes : «diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles ou leurs alliés pour financer un conflit visant à renverser des gouvernements légitimes». Le commerce lucratif des diamants polis et taillés échappe donc aux restrictions qui s’appliquent aux diamants bruts en matière de droits humains.

 

Le rôle d’Israël dans l’industrie diamantaire

Les gens ignorent souvent qu’Israël est un des principaux exportateurs de diamants taillés du monde, et une plateforme importante pour le commerce de diamants bruts . Sa place dominante dans l’industrie mondiale contribue à maintenir le silence autour des failles du Processus de Kimberley : Israël est membre du WDC, et a présidé le Processus de Kimberley en 2010.

Les diamants taillés n’étant pas marqués, il est impossible de distinguer un diamant taillé en Israël d’un diamant taillé ailleurs, et le consommateur risque d’alimenter, sans le savoir, les caisses d’un Etat accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, nettoyage ethnique, apartheid, violations des Conventions de Genève, etc. !

L’industrie du diamant est un pilier de l’économie d’Israël : en 2008 la valeur ajoutée à l’économie israélienne grâce à leur exportation était de presque 10 milliards de dollars (voir info-­palestine.net). Les compagnies israéliennes importent des diamants bruts pour les tailler et les polir, augmentant ainsi leur valeur avant de les exporter.

Les Etats-Unis représentent le principal marché des diamants d’Israël (environ 50 % des diamants vendus aux US viennent d’Israël), et 8 % de la production israélienne aboutit en Suisse?, où ils sont consommés par l’horlogerie et la bijouterie.

 

Un lien direct avec l’armée

Les diamants en provenance d’Israël ne sont pas des diamants de sang au sens où l’entend le Processus de Kimberley car ils ne sont pas bruts. Pourtant, en alimentant l’économie de l’occupation, ils contribuent à financer des violations des droits de l’homme et une politique de colonisation et de nettoyage ethnique. 

Dans son témoignage pour le Tribunal Russel sur la Palestine en 2010, l’économiste politique israélien Shir Hever a déclaré : «De manière générale, l’industrie du diamant israélienne participe aux industries militaro-sécuritaires d’Israël à hauteur de 1 milliard de dollars chaque année… chaque fois que quelqu’un achète un diamant qui a été exporté d’Israël, une partie de cet argent finit dans l’armée israélienne, donc le lien économique est tout à fait clair».

Les profits générés par la vente de diamants contribuent, par le biais de l’impôt, à financer l’armée. Le marché des diamants est donc contaminé par des pierres travaillées dans une zone de conflit, alimentant un système d’oppression et d’apartheid.

Que les diamants en provenance d’Israël soient ou non reconnus officiellement comme des diamants de sang ou de conflit ne doit pas nous empêcher d’informer la société civile et de l’encourager à agir. L’appel au boycott (BDS) s’applique en effet à n’importe quel produit, des fruits aux légumes à l’industrie pharmaceutique, en passant par l’électronique et les diamants. En ciblant un pilier fondamental de l’économie israélienne, la campagne BDS pourrait mettre en péril la capacité d’Israël à financer l’occupation et la colonisation des Territoires palestiniens.

Les diamants sont très présents dans l’économie suisse, alimentant la bijouterie et l’horlogerie, des secteurs commerciaux importants pour notre pays. En avril 2011, un « courrier des lecteurs » publiée dans le magazine Retail Jeweller a suscité la colère dans l’industrie du diamant, et a mené au retrait du magazine de la foire de l’horlo­gerie Baselworld à Bâle. L’auteur, un activiste irlandais, demandait, que les diamants taillés en Israël soient considérés comme des diamants de sang. Les réactions virulentes à la publication de la lettre mettent en évidence la sensibilité du milieu à une révélation des liens entre les diamants et les crimes de guerre d’Israël.

L’éclat des créations réalisées avec des diamants en provenance d’Israël est terni par la souffrance et l’humiliation du peuple palestinien, et les salons de l’horlogerie et de la bijouterie qu’accueille la Confédération contribuent à maintenir le silence autour des diamants de conflit d’Israël. Il est temps que la société civile suisse s’engage pour faire cesser cette complicité !

 

Pascaline Fahy

Membre du Comité Urgence Palestine

Intertitres de la rédaction