Prévoyance vieillesse 2020

Prévoyance vieillesse 2020 : Alain Berset planifie un nouveau «vol des rentes»

Le 21 juin, le conseiller fédéral socialiste Alain Berset présentait en conférence de presse ses orientations en matière de « prévoyance vieillesse ». Pour l’essentiel, son projet vise à étendre le 2e pilier (LPP) financé par le système de la capitalisation et à affaiblir le premier pilier (AVS) financé par le système de la répartition. L’orientation annoncée va contre les intérêts de la très grande majorité de la population et doit être combattu. Pour que la « prévoyance vieillesse » remplisse le mandat constitutionnel (art 112 et 133 Cst), soit couvrir les besoins vitaux et maintenir de manière appropriée le niveau de vie antérieur des as-suré·e·s, le renforcement de l’AVS est une priorité et la fusion des 2 piliers en un seul système d’assurance la manière la plus efficace pour y parvenir.

Depuis la 10e révision de l’AVS en 1997 (splitting des rentes, bonifications pour tâches éducatives et d’assistance, rente de veuf, mais au prix du relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 62 à 64 ans), aucune amélioration de l’AVS n’a été entreprise. La 11e révision de l’AVS qui prévoyait une baisse des prestations, notamment l’augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes, a été rejetée par le peuple en 2004, puis définitivement par le Parlement en 2010. Quant au second pilier, l’abaissement du taux de conversion a lui aussi été nettement rejeté par le peuple en 2010. Aujourd’hui, Alain Berset et le Conseil fédéral tentent de renouveler leur rhétorique dans l’espoir de faire passer une contre-réforme conjointe des deux piliers de la prévoyance vieillesse. 

Le taux de conversion des rentes du 2e pilier passerait de 6.8 % (7.2 % jusqu’en 2005) à 6 %, soit une réduction de 12 % des rentes LPP, le double de ce que le peuple avait rejeté en 2010. C’est donc à juste titre que l’USS a annoncé qu’elle la combattra. Pour amortir cette baisse des rentes du second pilier, le Conseil fédéral veut augmenter la durée des cotisations en diminuant l’âge minimum d’entrée dans le système (actuellement 25 ans). Autrement dit, les sa­la­rié·e·s à bas et moyens revenu seront appelés à compenser la baisse des rentes en cotisant davantage pour gonfler un système, celui de la capitalisation, intrinsèquement peu sûr. Pour améliorer les conditions de retraites des catégories à faible revenu, c’est pourtant l’inverse qu’il faudrait faire, à savoir augmenter fortement la rente AVS.

Le Conseil fédéral s’obstine à nouveau à vouloir augmenter l’âge AVS des femmes de 64 ans à 65 ans. Cette mesure doit également être fermement combattue. En raison des interruptions de carrière, des salaires plus bas que ceux des hommes, celles-ci reçoivent des rentes nettement plus faibles que celles des hommes (AVS et 2epilier) et c’est à ces inégalités qu’il faut s’attaquer. 

On le voit, le projet du Conseil fédéral ne vise qu’à réduire les prestations des deux piliers notamment par une augmentation générale de l’âge de la retraite. Ainsi en va-t-il de l’augmentation de 58 ans à 62 ans de l’âge minimum de la pension de la prévoyance professionnelle, d’une part, et  la transmutation de « l’âge légal » de retraite AVS à 65 ans en « âge de référence » afin d’« encourager » la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’a 70 ans, d’autre part.

 

Le Conseil fédéral du côté du bloc bourgeois

Côté financement, il n’est pas question de concevoir la moindre augmentation des cotisations, lesquelles n’ont plus été relevées depuis 1975 (4,2 % à la charge du·de la sa­larié·e et 4,2% à celle de l’employeur) et à laquelle les organisations patronales sont farouchement opposées. La contribution de l’Etat à l’AVS (19,55 % des dépenses AVS) serait modifiée en recourant au financement par la fiscalité indirecte (TVA) pour la moitié de celle-ci. Cela entrainerait une augmentation du taux de la TVA pour compenser un supposé manque d’environ 550 millions jusqu’en 2030. La TVA étant un impôt foncièrement antisocial, cette mesure devra aussi être combattue.

Alain Berset envisage de surcroît d’introduire un mécanisme d’intervention dans la loi, sorte de frein à l’endettement, comme l’exige le bloc bourgeois. Ce mécanisme définirait, à partir de quel seuil d’un éventuel endettement de l’AVS, le Conseil fédéral devrait automatiquement prendre des mesures pour rééquilibrer les comptes. Cette mesure vise évidemment et en priorité à torpiller l’adaptation bisannuelle des rentes AVS à l’évolution des prix et des salaires.

 

Des arguments fallacieux 

Pour justifier l’ensemble de ces mesures, Alain Berset réchauffe les mêmes arguments déjà utilisés par ses prédécesseurs radicaux Pascal Couchepin et Didier Burkhalter. Le financement à moyen terme de deux piliers de la prévoyance vieillesse ne serait plus garanti en raison de l’évolution démographique et de l’augmentation de la longévité (un mois supplémentaire chaque année). Pourtant, bien que les cotisations AVS n’aient pas augmenté depuis 1975 et que le rapport démographique ait passé de 4 actifs pour un retraité en 1960 à 3 actifs pour un retraité en 2010, les rentes AVS ont été régulièrement augmentées, certes insuffisamment, passant de 1000 fr. (1975) à 2340 fr. (2013) sans que l’AVS ne tombe dans les chiffres rouges en dépit des prévisions systématiquement pessimistes de l’Office fédéral de la statistique (OFAS). 

Les débats d’expert sur l’avenir du financement de la prévoyance vieillesse ne doit pas masquer qu’il s’agit avant tout d’un choix de société : quelle est la part de la richesse produite qui doit être consacrée à la mise en place de conditions de retraites décentes pour toute la population et en particulier pour réduire les inégalités sociales dont pâtissent les femmes et les catégories à faible et moyens revenus ?

Lors de son récent congrès du 5 mars 2013, solidaritéS s’est prononcé pour un projet alternatif de fusion des premiers et seconds piliers. Outre l’opposition au nouveau plan du Conseil fédéral, la promotion d’une alternative globale en manière de prévoyance vieillesse est plus que jamais d’actualité.

 

Pierre-Yves Oppikofer