Coups et insultes racistes à l'arrêt du bus

Coups et insultes racistes à l'arrêt du bus : La police lausannoise «fait son travail»

Un policier brutalise sans raison un homme d’origine africaine à l’arrêt du bus. Une jeune femme assiste à cette scène d’une extrême violence, et intervient verbalement en demandant au policier de cesser, ce qui lui coûte d’être accusée d’entrave à l’ordre public. La banalisation des violences racistes par des agents policiers a fait plusieurs fois, au cours de cette année, l’objet de dénonciation citoyenne, en vain. Témoignage de Sabrina Martinez.

Peux-tu nous rappeler les faits dont tu as été témoin?

 

Sabrina Martinez : Les faits se sont déroulés en début d’année 2013. J’étais à l’arrêt de bus Boston où j’attendais mon bus. Trois agents de police se sont approchés de deux hommes d’origine africaine assis sur un banc dans le parc situé au-dessus de l’arrêt et leur ont littéralement dit : «dégagez bande de connards, vous n’avez rien à faire ici», avant de les bousculer jusqu’à l’entrée du parc. Les policiers ont bousculé l’un des deux hommes en direction de l’arrêt du bus, en lui répétant de « dégager ». Cette personne a obéi silencieusement aux ordres des policiers, et est venue à l’arrêt de bus.

L’un des agents l’a suivi et s’est mis à l’insulter, toujours sans raison particulière, et toujours sans opposition du principal intéressé. Il lui a arraché les écouteurs qu’il avait autour du cou en lui demandant : «Où tu les as trouvés? Qui t’a donné l’argent pour ça? Tu les as volés où? Tu sais que c’est nos impôts?» L’homme, de toute évidence dépassé par la situation, n’a pas répondu à ces questions et le policier lui a soudainement pris la tête et l’a frappée contre la vitre de l’arrêt de bus, répétant cela à plusieurs reprises, jusqu’à ce que je lui demande de cesser cette brutalité. J’ai fait remarquer au policier que des enfants étaient à côté de lui et qu’ils assistaient à une scène de grande violence.

L’agent de police m’a alors demandé mon identité, que je lui ai donnée. Ses deux collègues l’ont rejoint. L’agent de police m’a ensuite demandé mon adresse, et lorsque je lui ai demandé la raison de cette requête, il m’a affirmé que je venais d’entraver l’intervention de la police. J’ai alors répondu que je n’étais pas d’accord avec cela, car j’avais calmement demandé de faire cesser cette violence à l’encontre d’un homme qui n’opposait aucune résistance, le tout devant des enfants effarés.

Les agents m’ont alors encerclée et plaquée contre le mur. Sous le choc, je leur ai dit que je ne voulais pas donner mon adresse sous la contrainte et j’ai répété que je n’avais absolument rien fait de mal et qu’il y avait des témoins. Une femme qui était à l’arrêt du bus a réagi et a pris ma défense en leur faisant remarquer que leur comportement était démesuré et qu’effectivement, je n’avais absolument rien fait de mal. Dès ce moment, ils m’ont relâché et m’ont dit de prendre mon bus.

 

 

Quelles sont les sanctions auxquelles tu fais face aujourd’hui?

 

La procédure est longue, mais j’ai, depuis, reçu à mon domicile une ordonnance pénale qui m’accuse de trouble à la tranquillité et à l’ordre public et refus de décliner son identité, ainsi qu’une amende, qui s’élève à 520 francs. J’ai fait opposition et ai été convoquée devant le préfet, qui a décidé de maintenir l’accusation, considérant que ma parole s’opposait à celle de trois policiers, et que mon comportement avait entravé leur travail. Par ailleurs, le rapport rédigé par l’agent en question m’accuse d’avoir proféré des insultes à l’encontre des policiers, ce que je réfute fermement. Le dossier est maintenant entre les mains du juge et j’attends d’être convoquée. 

 

 

Comment réagir face à la banalisation de la violence policière à caractère raciste?  

 

Il est essentiel selon moi d’agir contre ces violences : délit de faciès, humiliation, brutalité. Le problème réside dans le fait que les agents de police jouissent d’une impunité que semble cautionner un système judiciaire complaisant, et que les instances de justice mettent les ci­toyen·ne·s qui dénoncent ces abus en position de coupables. Pourtant, il est clair que toute réaction face à une situation d’injustice est non seulement légitime, mais nécessaire.

Par ailleurs, il faut évidemment considérer que les principales victimes de ce genre d’affaires ne sont pas les personnes comme moi qui les dénoncent, mais bien celles qui subissent directement ces violences. C’est la raison pour laquelle nous lançons un appel à témoins pour toute personne qui subit ou assiste à de tels abus, car évidemment, la riposte ne peut être le fait d’individus isolés. 

 

Propos recueillis par

Maïla Kocher Girinshuti

 

 

—————————————————————

Appel à témoin de la violence raciste de la police lausannoise

 

Vous avez subi ou assisté à des comportements racistes de la police?

Nous réalisons une brochure rassemblant des témoignages directs, pour dénoncer la récente multiplication des actes à caractère racistes de la part de la police. Nous avons besoin de vous pour lutter contre ces abus. Ecrivez-nous votre témoignage dans la langue qui vous convient par mail à : violencespolicieres@stoprenvoi.ch

Vos témoignages peuvent être anonymes ou pas (veuillez spécifier). Ils seront récoltés jusqu’au 31 décembre 2013.