Des écrivains palestiniens désavouent Gilad Atzmon

Les 19 et 20 mars deux groupuscules d’extrême droite « Égalité et Réconciliation » et « Genève non conforme » ont appelé à Genève à deux conférences avec Gilad Atzmon, activiste et musicien israélien vivant à Londres. Atzmon est un antisémite au sens classique, qui colporte les clichés et les théories de l’antisémitisme du 19e siècle sur le danger juif. Il collabore avec « Egalité et Réconciliation », organisation d’extrême droite d’Alain Soral, dont la maison d’éditions « Kontre Kulture » a publié en français le dernier livre d’Atzmon « Quel juif errant ? ». Ses articles font le circuit de sites complotistes et d’extrême droite. Atzmon, Soral et consorts instrumentalisent la solidarité avec le peuple palestinien, nous avons donc jugé utile traduire et publier un appel d’intellectuels palestiniens de février 2012, mettant en garde contre Gilad Atzmon. (TCS)

[…] Notre lettre ouverte appelle les organisateurs palestiniens, les militants solidaires de la Palestine et les alliés du peuple palestinien à désavouer Atzmon. […] Nous soulignons le danger de soutenir les travaux ou écrits politique d’Atzmon et de fournir des plates-formes à leur diffusion

Les conceptions politiques d’Atzmon reposent sur une certitude obstinée, un tremplin pour attaquer brutalement quiconque ne partage pas son obsession de la « judéité ». A ses yeux toute politique juive est « tribale » et sioniste par essence. Pour Atzmon, le sionisme n’est pas un projet colonial mais un projet transhistorique participant de la définition de soi comme Juif. Pour lui, on ne peut pas se définir comme Juif et être solidaire de la Palestine, le seul fait de se définir comme Juif signifie être sioniste. Nous lui opposons notre absolu désaccord. Cet argument n’est-il pas sioniste lui-même ? Il partage l’idéologie du sionisme et d’Israël qu’être sioniste est la seule façon d’être juif.

Les Palestiniens ont subi deux siècles de domination orientaliste, colonialiste et impérialiste de leur terre natale. C’est en tant que Palestiniens que nous jugeons son propos immoral et totalement étranger aux bases de l’humanisme, de l’égalité et de la justice qui fondent la lutte pour la Palestine et son mouvement national. Comme d’innombrables militants et organisateurs palestiniens, comme leurs partis, leurs associations et leurs campagnes l’ont montré tout au long du siècle dernier, notre lutte n’a jamais été et ne sera jamais dirigée contre les Juifs ou contre le judaïsme malgré l’insistance sioniste à affirmer que les Juifs seraient nos ennemis. Notre combat s’oppose au sionisme, ce moderne mouvement colonial européen semblable à tant d’autres mouvements dans de nombreuses parties du monde qui ont pour but de déplacer les populations autochtones pour construire de nouvelles sociétés européennes sur leurs terres.

Nous le réaffirmons, cette analyse historique fondamentale de notre lutte exclut toute attaque contre nos alliés juifs, contre les Juifs ou le judaïsme, comme elle exclut la négation de l’Holocauste et se refuse à toute alliance avec des théories conspirationnistes ou des groupements d’extrême-droite, orientalistes et racistes. Défier le sionisme, le pouvoir illégitime d’institutions qui soutiennent l’oppression des Palestiniens, l’utilisation illégitime de l’identité juive pour protéger et légitimer l’oppression ne doit jamais donner lieu à une attaque contre l’identité juive, ni à l’avilissement ou au déni de l’histoire juive dans toute sa diversité.

Nous considérons toute tentative de lier ou d’adopter un langage antisémite ou raciste, même dans le cadre d’une politique soi-disant anti-impérialiste ou antisioniste, comme une réaffirmation et une légitimation du sionisme. Outre son immoralité un tel langage occulte le rôle fondamental de l’impérialisme et du colonialisme dans la destruction de notre patrie, dans l’expulsion de ses habitants et dans le maintien des systèmes et idéologies oppressifs, de l’apartheid et de l’occupation. Un tel langage s’exclut de la vraie solidarité avec la Palestine et son peuple.

L’objectif du peuple palestinien a toujours été clair : l’autodétermination. L’exercice de ce droit inaliénable suppose notre libération, le retour de nos ré­fu­gié·e·s (la majorité absolue de notre peuple) et l’égalité des droits par la décolonisation. Nous sommes aux côtés de tous les mouvements revendiquant la justice, la dignité humaine, l’égalité et les droits sociaux, économiques, culturels et politiques. Nous ne ferons jamais de compromis contre les principes et l’esprit de notre lutte de libération. Nous ne cèderons pas à des expédients qui conduiraient à des alliances avec quiconque attaque, calomnie ou menace de quelque manière que ce soit notre fraternité politique avec toutes les luttes de libération et tous les mouvements pour la justice […] Jusqu’à la libération et au retour !

 

Traduction Karl Grünberg

Texte intégral sur solidarites.ch

 

Signataires

Ali Abunimah · Naseer Aruri, Prof. émérite, Université du Massachusetts, Dartmouth · Omar Barghouti, Militant des droits humains · Hatem Bazian, Président, Musulmans américains pour la Palestine · Andrew Dalack, Comité national de coordination, US Palestinian Community Network · Haidar Eid, Gaza · Nada Elia, Boycott académique et culturel d’Israël (USA) · Toufic Haddad · Kathryn Hamoudah · Adam Haniyeh, Enseignant, Ecole des études orientales et africaines de Londres · Mostafa Henaway, Tadamon! Canada · Monadel Herzallah, Comité national de coordination, US Palestinian Community Network  · Nadia Hijab, Auteure et défenseure des droits humains · Andrew Kadi · Hanna Kawas, Présidente, Association Palestine du Canada et Co-présentatrice Voix de la Palestine · Abir Kobty, Blogueur et militant palestinien · Joseph Massad, Prof. Université de Columbia, New York · Danya Mustafa, Co-coordinateur de la Semaine nationale US contre l’apartheid israélien et Etudiants pour la Justice en Palestine – Uni. du Nouveau-Mexique · Dina Omar, Etudiants britanniques pour la Justice en Palestine · Haitham Salawdeh, Comité national de coordination, US Palestinian Community Network · Sobhi Samour, Ecole des études orientales et africaines de Londres · Khaled Ziada, SOAS Palestine Society, London · Rafeef Ziadah, Poète, défenseur des droits humains.