Droits démocratiques menacés: réagissons!

Droits démocratiques menacés: réagissons!

A la veille du G8, les cantons romands impliqués dans le dispositif sécuritaire envisagé annoncent une facture se montant à une quarantaine de millions de francs de dépenses ad hoc, avec dotation de leurs polices en nouveaux équipements et matériel à la pointe de la technique, comme l’est le fusil «à marquer» les manifestant-e-s utillisé à Genève pour faucher une militante syndicale, dans le cadre d’une vaste opération d’intimidation-provocation suite à la manif anti-OMC et anti-guerre du 29 mars à Genève.


Le plus inquiétant évidemment, c’est qu’une fois engagés ces 40 millions, les auteurs de ces dépenses auront un intérêt objectif à «en avoir pour leur argent» en termes d’émeutes et de violences mises en scène et orchestrées par la police, comme l’ont été les suites de la manifestation interdite à Davos en janvier. Il y a d’ailleurs là une voie privilégiée pour étouffer le débat critique sur le système capitaliste mondialisé et sur l’impérialisme, dont le G8 est la pointe émergée. Il ne serait plus dès lors question que de la nature plus ou moins extrémiste ou violente des opposant-e-s, en cherchant à les diviser et à les trier entre anges et démons.


Dans ce contexte, la conseillère d’Etat genevoise Micheline Spoerri, au lieu de se livrer à un bilan critique sérieux des dérapages de sa police, couvre les agissements plus ou moins incontrôlés de secteurs de celle-ci, dont le degré d’autonomie fait débat dans les médias. Ce faisant, elle s’enfonce dans un délire idéologique inquiétant sur l’«infiltration» des manifestations par «un noyau de professionnels de la violence».


Au lieu de prendre la mesure du choix entre deux voies: celle de Gênes, de la répression et du pire… ou celle de l’ouverture, du dialogue, du respect des droits, elle en rajoute en proposant des mesures ad hoc comme l’interdiction du port de masques lors de la manifestation, etc. Incongru de la part d’une libérale dont le parti défend, au nom de la «vie privée», l’anonymat de l’action politique… quand il s’agit de signer des chèques pour des campagnes politiques en faveur des nantis (liquidation du revenu minimum, démontage des assurances sociales, privatisations…).


Il faut dire que ce dérapage est «dans le ton». Dans le ton de la restriction des droits démocratiques qui accompagnent la croisade impériale des Etats-Unis «contre le terrorisme». Pendant que le terrorisme réel des USA sème la mort en Irak, à Washington, on lance le deuxième volet du PATRIOT Act, pierre tombale de l’essentiel des libertés publiques, même formelles, subsistant Outre-Atlantique. Au menu: perte de nationalité pour les suspects, déportation de résidents étrangers, fichage génétique généralisé, écoutes et surveillance électronique débridées, arrestations secrètes et sans mandat…


Mais ce dérapage est «dans le ton» aussi des signaux qui nous viennent de la Berne fédérale. Deux semaines après Davos, le 12 février, le Département fédéral de police mettait en consultation un projet de loi, présenté comme étant d’«une importance politique majeure», qui remet en selle la police politique préventive, les écoutes et le fichage massif des «activistes». Voici un volet du tableau peint par le rapport à l’appui du projet de Metzler:


«Parallèlement aux constantes qui lui sont propres (…), l’extrémisme de gauche affiche de nouvelles tendances, comme son engagement accru en faveur du mouvement antimondialisation. Les manifestations organisées dans le cadre du mouvement antimondialisation, partout présent sur la planète, sont devenues de nouvelles plateformes pour exprimer les aspirations de l’extrême gauche et propager la violence anarchiste. Dans les années à venir, l’extrême gauche pourrait mettre à profit le mouvement d’opposition à la mondialisation et le potentiel de mobilisation de ces milieux pour atteindre ses propres buts (recrutement de nouveaux membres, activités, etc.) Le discours anti-américain lié au conflit du Proche-Orient et à la crise irakienne (…) tient également une place importante.»


Tant que les autorités refuseront de reconnaître, sur le fond le mouvement contre la mondialisation capitaliste et contre la guerre, comme l’expression d’un profond élan démocratique, légitime et salutaire, tant qu’elles chercheront à l’appréhender en termes de manipulations «extrémistes» ou «anarchistes» elle s’enfermeront dans une logique répressive dont l’issue peut être mortelle… Tous les démocrates ont intérêt à ce que la société se réveille avant de plonger plus avant dans la nuit répressive et sécuritaire qui s’annonce!


Pierre VANEK