Référendum du 18 septembre

Référendum du 18 septembre : L'indépendance écossaise mise en échec par la stratégie de la peur

Malgré une montée massive du oui les dernières semaines, le non à l’indépendance l’a emporté. Pour la gauche radicale, l’heure est aux bilans et à une discussion sur les perspectives ouvertes par la dynamique unitaire et militante de la campagne de base pour le oui. Nous publions ici de larges extraits d’un article d’Alan Thornett, animateur de Socialist Resistance.

 

Lors du référendum, la proposition d’une Ecosse indépendante a été battue. Les élites dirigeantes ont poussé un soupir de soulagement collectif énorme. C’est une défaite fondée sur la peur et l’intimidation organisées par la campagne pour le non, en collusion avec Downing Street, qui a abouti au résultat de 55,3 % de non contre 44,7 % de oui.

 

 

Sainte-Alliance réactionnaire contre l’indépendance

 

L’establishment de Westminster, ainsi que les trois grands partis s’étaient coalisés contre le oui. A cette coalition, on peut ajouter la majorité des médias, des banques, des supermarchés et la City. La caste militaire est intervenue dans le débat en défense des Tridents. En exploitant la peur, en ayant recours à l’intimidation et à toutes sortes de réflexes réactionnaires et conservateurs, ils ont réussi à l’emporter sur une des plus remarquables campagnes de terrain jamais menée dans les Iles britanniques. […]

En fait, les élites de Westminster attendaient une victoire facile… jusqu’à la dernière semaine avant le référendum, lorsque le soutien au oui s’est manifesté spectaculairement et qu’un vent de panique a soufflé. Quand on a demandé au dirigeant conservateur Hammond pourquoi il ne prévoyait pas de déplacer les Tridents, il a répondu que le Gouvernement considérait qu’un oui n’avait qu’une «très faible probabilité». Cette déclaration témoignait non seulement du fossé entre Westminster et l’Ecosse, mais aussi du mépris avec lequel le dirigeant conservateur considère ce fossé.

Il faut féliciter la campagne du oui, malgré le résultat. Elle a déclenché un énorme débat atteignant des niveaux politiques extrêmement élevés au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la date du référendum. Cela s’est traduit par un taux remarquable d’inscription sur les listes électorales (97 %) et une participation de 84,6 %. C’est la preuve que lorsque l’on offre aux gens un changement réel, ils s’engagent et saisissent l’opportunité de façonner leur destin.

La campagne pour le oui n’était pas basée sur un nationalisme grossier ou un sentiment anti-Anglais, mais sur l’idée d’une Ecosse différente, avec un nouveau niveau de démocratie et de participation. Elle était fondée sur l’idée que les gens vivant en Ecosse pouvaient gérer l’Ecosse et mettre fin à une longue période de dépendance vis-à-vis de l’Angleterre, sur l’idée qu’on ne pouvait leur imposer un gouvernement conservateur pour lequel ils n’avaient pas voté et qui n’a quasi aucun soutien en Ecosse.

 

 

Campagne démocratique radicale

 

La campagne reflétait le sentiment que les politiques des Conservateurs – taxes universitaires, baisses des allocations, notamment pour les malades et les handicapés, bedroom tax, baisse des impôts des riches, guerres étrangères – étaient imposées par des gens n’ayant aucun soutien en Ecosse.

La force de la campagne du oui s’est aussi manifestée par l’enthousiasme avec lequel les jeunes de 16 et 17 ans – à qui on avait donné le droit de vote pour la première fois – se sont investis dans la campagne et le débat. Elle s’est aussi exprimée à travers l’énergie qui a saisi les partisans du oui lors des dernières semaines de campagne. […]

La masse critique du soutien à l’indépendance s’est considérablement accrue tout au long de cette campagne et il est peu probable que cela disparaisse. Les Ecossais-e-s ont passé des mois à débattre et à défendre l’idée de l’indépendance et sont plus concernés que jamais par ce projet.

Il n’est pas étonnant que les politiciens travaillistes soient si vindicatifs au lendemain du scrutin. Parce que le Parti travailliste a été lourdement endommagé par cette campagne au coude à coude avec les Conservateurs. Les votes en faveur du oui sont les plus importants dans les bastions industriels – ou désindustrialisés… – travaillistes de Glasgow, North Lanarkshire, West Dumbarton et Dundee. […]

 

 

Retour en arrière exclu

 

On ne peut considérer comme acquis que l’élite de Westminster va maintenant conférer de nouveaux pouvoirs à Holyrood… simplement parce qu’ils ont signé un engagement à le faire sur un parchemin bidon ! Des députés conservateurs de base ont déjà jeté le doute en indiquant qu’ils s’y opposeraient, de même que certains ministres de la coalition qui ne veulent pas en entendre parler… […]

Cela soulève la question de l’énorme déficit démocratique que connaît la Grande-Bretagne en tant que telle, puisqu’elle est l’un des pays les plus centralisés d’Europe. Cela soulève la question de la dépendance par rapport à Westminster des métropoles et des régions du Nord et du Sud Est. Cela soulève une fois de plus la question du système électoral (majoritaire à un tour) qui signifie que, lorsqu’il s’agit d’élire un représentant, la majorité des votes ne sont tout simplement pas pris en compte. […]

La radicalisation de la campagne du oui peut très bien se traduire par une radicalisation du débat politique en Ecosse. Et cette tendance peut avoir des répercussions à travers toute la Grande-Bretagne. Les revendications en faveur de nouveaux transferts de pouvoir et de réformes démocratiques sont inévitables. Westminster ne représente pas mieux les villes du Nord de l’Angleterre ou les régions du Nord qu’il ne représente l’Ecosse. Malgré la défaite, les choses ne seront plus jamais ce qu’elles étaient. Le simple retour aux affaires courantes n’est pas possible. 

 

Alan Thornett

Intertitres de notre rédaction.Version originale/intégrale de cet article sur socialistresistance.org