«Stop à la spéculation: pour la construction de logements abordables à Genève»

Mardi est paru dans la FAO, le projet d’initiative d’Ensemble à Gauche, proposé par solidaritéS, qui cherche à combattre la spéculation immobilière tout en favorisant la construction de logements sociaux. Entretien avec Brigitte Studer et Morten Gissellbaek, membres du comité d’initiative et candidat·e·s au Conseil Municipal.

Quel est le contenu de cette initiative? Quels changements propose-t-elle?

 

Morten Gisselbaek (MG): Ce texte est relativement complexe, mais pour l’essentiel l’initiative  propose d’inverser les proportions entre logements sociaux et logements à vendre (PPE) dans les zones dites de développement. Il y a quatre ans, sous la pression des milieux immobiliers et sous la houlette de Marc Muller, ces lois ont changé pour permettre la construction d’une plus grande proportion de logements à vendre, et moins de logements en location à des prix abordables. L’argument était alors que cela allait stimuler la construction et permettre aux Ge­ne­vois·e·s de se loger. La réalité est que le résultat est l’exact inverse : d’une part, on n’a jamais aussi peu construit; d’autre part, la plupart des logements ne s’adresse qu’à une minorité de la population. On construit ainsi 60 % de logements PPE destinés aux seuls 15 % de la population qui peuvent se les offrir. Et l’on construit donc environ 30 % des logements pour les 85 autres pourcents de la population. Proportionnellement, on construit ainsi, dans les zones de développement, 11 fois plus pour les nantis que pour les autres catégories de la population. Sachant que ces mêmes personnes aisées sont également celles qui se logent dans les constructions en zone villa et les immeubles en zones ordinaires, la captation territoriale saute aux yeux. Rappelons que le droit au logement est garanti par l’art. 38 de la constitution genevoise – et pas seulement aux riches.

 

Pourquoi lancer cette initiative? Contre quoi lutte-t-elle?

 

Brigitte Studer (BS) : Tout d’abord Genève souffre depuis trop longtemps d’une grave pénurie de logements. Le taux de vacance de 0,39 % en est la preuve. Cette carence est d’autant plus marquée pour les logements sociaux abordables et de bonne qualité. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation d’urgence vitale pour une bonne part de la population. 1300 personnes sont actuellement sans logement à Genève, sans compter les personnes en sous-location ou qui s’entassent dans des conditions de vie indignes. Cette crise du logement n’est pas une fatalité ; elle est organisée par la droite, notamment pour maximiser les profits. Le logement est un droit et ne doit pas être soumis à la logique du marché. Nous pouvons modifier cela, mettre en place une politique du logement qui garantisse un droit à toutes et tous d’avoir un logement digne en fonction de ses ressources. Cette initiative s’inscrit dans cette perspective et cherche à contrer les logiques spéculatives au profit d’une politique au service de la population.

 

 

C’est donc une initiative qui lutte en premier lieu contre la spéculation?

 

BS: Oui, mais elle permet également de questionner tout le processus de gentrification du Centre-Ville. En effet, le constat dans les quartiers est alarmant. Les surélévations, généralement pour faire des appartements à loyers exorbitants, la construction de PPE même dans les quartiers populaires (Rue Gevray, Rue Rossi…) ou l’augmentation de la densité au Centre-Ville alors que d’autres zones restent faiblement densifiées, sont autant de problèmes qui nous amènent à nous poser la question : «Quelle ville voulons-nous?» La gentrification du Centre-Ville repousse les familles de plus en plus loin à l’extérieur de la ville niant par là-même l’équité territoriale. En construisant plus de logements accessibles sur le territoire de la Ville de Genève et dans la couronne suburbaine, cela permettra aux familles de trouver des conditions acceptables pour se loger sans devoir être « expulsées » à l’extérieur de Genève.

 

 

En quoi cette initiative s’inscrit-elle dans la politique qu’Ensemble à Gauche défend à Genève?

 

BS: EàG s’est battu et continue de se battre contre les attaques de la droite et essaye d’organiser une résistance en lien avec les associations, les groupes d’habitant.e.s et l’ASLOCA. Actuellement, il est absolument nécessaire de résister aux attaques contre la LDTR et de s’organiser pour préserver les droits des locataires. Cependant la résistance n’est pas suffisante et nous devons également reprendre la main en termes de politique du logement. Il faut notamment se donner des moyens légaux permettant de réaliser de nouveaux logements qui correspondent aux besoins de la population. C’est le sens de cette initiative.

 

MG : Elle s’inscrit logiquement dans la ligne des luttes que nous menons à tous les échelons; tant au niveau politique sur le plan communal, cantonal, législatif ou en matière judiciaire, en collaboration régulière avec nos partenaires de gauche et avec l’ASLOCA, qu’au niveau du terrain avec l’implication de nombreuses et nombreux mi­li­tant·e·s dans les associations d’ha­bi­tant·e·s. Nos combats se mènent action après action, rue après rue, immeuble après immeuble, loi après loi. Ces luttes ont deux objectifs complémentaires: garantir le logement et le droit aux villes pour toutes et tous, et assurer la qualité de cette vie en ville, par la préservation du lien social et du savoir-vivre ensemble. Nous devons ainsi éviter que nos quartiers se ne transforment définitivement et exclusivement en de gigantesques Monopoly où tout est bon pour créer des plus-values énormes. Même si cette initiative ne résoudra pas tous les problèmes de la crise du logement, elle représente néanmoins un pas dans le bon sens: celui de l’équité. Un petit pas, mais un pas essentiel !

 

Signez-la et faites la signer par toutes et tous !

 

Propos recueillis par notre rédaction