RIE3

RIE3 : La bataille fédérale commence maintenant!

C’est fait. Sans grandes surprises, le Conseil d’Etat et le Conseil national ont finalement conclu un arrangement le 14 juin dernier pour ficeler une version très agressive de la Troisième Réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3), moyennant un rehaussement de la redistribution de l’enveloppe fiscale auprès des cantons de 18 à 21%, et quelques autres bagatelles. Au final, le résultat restera globalement le même que le projet maximal: un transfert colossal de richesses – entre 5 et 8 milliards par année – des mains des travailleurs·euses vers les comptes bancaires des dirigeant·e·s et actionnaires des entreprises les plus fortunés de Suisse. Une horreur qu’il s’agit de combattre coûte que coûte. solidaritéS participera activement à la campagne référendaire: 100 jours pour récolter 50 000 signatures vaildes, voilà l’objectif.

Rappelons le cadre. La Suisse doit cesser d’accorder des «statuts spéciaux» (en clair, des baisses, voire des suppressions d’impôts) à certaines sociétés multinationales et autres holdings, pratiques jugées «dommageables» par l’Union européenne et l’OCDE. Au lieu de respecter cette demande en augmentant l’imposition de ces monstres industriels et financiers, les autorités fédérales ont complètement retourné la réforme à l’avantage de ces derniers. Pas l’once d’une justice fiscale en vue, mais l’introduction d’une salve mirobolante de nouveaux privilèges fiscaux qui vont non seulement compenser, mais accroître et généraliser à toutes les grandes entreprises les possibilités de déductions fiscales jusque-là réservées aux sociétés transnationales. De la concurrence fiscale déloyale au plan internationale, qui révèle bien le rôle de paradis fiscal assumé par la Suisse, remis au devant de la scène par l’affaire des Panama Papers au printemps dernier.

Avec un baisse globale de l’impôt sur le bénéfice, la possibilité de déduire de cet impôt les dépenses en Recherches et Développement, l’introduction de la Patent box ainsi que la déduction des intérêts notionnels, ce sont quelques 5 à 8 milliards de francs suisses qui disparaîtront chaque année des caisses publiques fédérales, cantonales et communales. Par cette si forte baisse de taxes au profit des plus fortuné·e·s – la plus grande diminution fiscale depuis la Deuxième Guerre mondiale – aucun doute n’est possible: c’est l’austérité programmée dans les services publics, des privatisations à tout va et des augmentations d’impôts pour la grande majorité de la population qui s’annoncent. Autrement dit, nous passerons à la caisse.

PS contre PS

Contrairement aux socialistes vaudois qui avaient fortement contribué, Pierre-Yves Maillard en tête, à faire passer une anticipation de cette réforme au niveau cantonal, le Parti Socialiste Suisse (PSS) comme l’Union Syndicale Suisse (USS) ont d’ores et déjà annoncé leur participation au référendum. C’est bien la moindre des choses. solidaritéS conteste le projet RIE 3 dans ses racines même, contrairement au PSS qui demande seulement que ces déductions fiscales revêtent une ampleur plus «mesurée», trouvant le «bateau trop chargé». Néanmoins, le choix des socialistes suisses et de la centrale syndicale donne au référendum des chances de passer l’épreuve du vote populaire.

Ceci dit, les élans de certaines sections socialistes en faveur du grand patronat dans cette affaire continuent, et ne sont pas pour contribuer à la réussite de ce combat contre l’injustice fiscale. A contrecourant de l’intérêt des salarié·e·s, des notables socialistes des cantons de Neuchâtel, Bâle et Vaud s’étalaient le 17 juin dernier, dans les colonnes du 24 Heures, en défaveur de ce barrage référendaire. «Cette réforme est essentielle en termes de stabilité, de visibilité et de sécurité pour la place économique suisse et ses entreprises internationales», osait Laurent Kurth de Neuchâtel. Et Pierre-Yves Maillard d’ajouter, en toute modestie vis-à-vis de sa direction nationale: «Il faudra que la direction du PS Suisse précise ce qu’elle veut comme alternative et comment elle veut prendre en compte les besoins des cantons.»

En effet, les choses auraient été plus précises, s’il n’avait pas été le premier acteur de la confusion générale à gauche, dans un contexte où la croissance des inégalités est si patente. PSN et PSV figurent ainsi parmi les acteurs principaux d’un nouveau round de dumping fiscal intercantonal, qui s’ajoute à cette malsaine concurrence internationale.

Et pour preuve, des excroissances de cette politique de défiscalisation des bénéfices n’ont pas tardé à voir le jour au bout du lac. A Genève, le Conseil d’Etat confirmait en avril dernier, dans un esprit de collégialité sans faille alliant les socialistes genevois·e·s aux partis bourgeois, la volonté de réduire son taux d’imposition sur le bénéfice au niveau historiquement bas de 13 %, c’est-à-dire en dessous du canton de Vaud. (cf. notre article p. 15)


Une réforme taillée sur mesure pour les multinationales (siège de Nestlé à Vevey) – Nestlé

Un été dans la rue

Dans pareil contexte, notre détermination à combattre ce projet sur un message clair – aucune baisse d’impôt au détriment des salarié·e·s pour les entreprises qui génèrent des bénéfices – n’est que renforcée. Nous battrons le pavé partout où nous le pourrons dès le 28 juin pour faire aboutir ce référendum et nous serons présent·e·s dans le débat public pour aider cette réforme à arriver à bon port: dans les poubelles de l’histoire fiscale de la Suisse.

Pierre Conscience

Pour des explications claires et détaillées du projet de la RIE 3, cf. solidaritéS nº 277 et 289 ainsi que l’édition du Courrier du 17 juin 2016.