Se taire est impossible, et c’est tant mieux!

Se taire est impossible, et c’est tant mieux!

Avec «Stay Human», sorti il y a deux ans, Michael Franti s’attaquait à la société capitaliste, ses médias, ses multinationales et sa violence. George W. Bush, alors gouverneur du Texas et grand vainqueur de la lugubre course aux exécutions capitales, était alors, déjà, épinglé par l’artiste. Aujourd’hui, Franti sort un nouvel album, avec comme thème central, une critique sans détour de la guerre impérialiste menée en Irak. Un signe que le Hip Hop revendicatif se porte bien, en marge de la soupe conservatrice, si ce n’est franchement réactionnaire, servie par Eminem et consorts…


«Every one deserves music», le dernier opus de Michael Franti, est un savant métissage entre Hip Hop, soul et reggae, avec la présence – encore eux (!) – de Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, qui débouche sur un album particulièrement réussi, aux sonorités originales.


Le titre phare «Bomb the world», sévère critique des visées impérialistes de l’administration de Bush junior, est rapidement devenu une référence dans les mouvements opposés à la guerre, au point que Franti subit, au même titre que l’ensemble des artistes états-uniens engagés contre la «néo-busherie», le boycott de toutes les grandes radios et chaînes télévisions. La nature clairement hostile à l’administration républicaine et au système capitaliste des textes de Michael Franti lui a même valu d’être l’objet d’une enquête du FBI… Quand même l’art est amené à être considéré comme une activité potentiellement terroriste, cela en dit long sur l’état de dégénérescence du régime en place, cela rappelle certaines périodes sombres de l’histoire de l’humanité…

Un militant avant tout

Michael Franti n’est pas de ces artistes qui glissent, opportunément, une ou deux allusions sagement subversives dans leurs chansons, son engagement va bien au delà de ces «coming out» commerciaux. On n’a pas vu Madonna participer à des manifestations ou à des meetings, on ne l’a pas vue non plus aller dans des écoles ou des prisons pour défendre des positions anti-impérialistes. Tout au plus a-t-on entendu quelqu’allusions équivoques dans son dernier tube…


Franti est un militant contre la guerre, contre la société capitaliste, contre la domination patriarcale. Et cela s’entend, se ressent dans ses chansons. Sur l’impérialisme US, il relève, dans une interview, que «depuis 1991, un million de gens sont morts des conséquences de l’embargo sur l’Irak. Une vision impérialiste des rapports entre les hommes et les pays s’est imposée.»


Mais il regrette que les projecteurs de l’actualité aient tendance à éblouir l’opinion publique qui ne voit dès lors plus que ce que les Etats-Unis ont fait en Irak, ils l’ont fait ailleurs et continueront à le faire si on ne les en empêche pas. «Ils sont engagés partout dans le monde, pas seulement en Irak. Ils ont envoyé des marines aux Philippines, sont intervenus au Yémen. Ils menacent déjà la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord. Plus de dix millions de gens sont descendus dans la rue dire leur opposition à la guerre. Ils n’en ont pas tenu compte. Ils viennent de détruire un pays et négocient des contrats de reconstruction pour des entreprises dirigées par leurs amis. C’est un business. La souffrance des gens, ils s’en foutent. La démocratie pour le peuple irakien n’est pas leur problème. Ils sont purement et simplement dans la peau d’une armée d’occupation venue pour des fins économiques, politiques.»

Des médias manipulés

Les médias, aux mains des puissants et qui déversent «en continu» leurs messages mensongers et aliénants ne sont pas épargnés par le verbe acerbe de Michael Franti, quand bien même cela lui vaut en retour de féroces mesures de rétorsions. Il s’en fout royalement! «Nous ne sommes pas là pour courir après un hit, un jackpot, pour pouvoir nous retirer avec plein d’argent. Nous sommes heureux de pouvoir faire vivre nos idées et jouer par nos propres moyens. Plus le temps passe, plus je ressens la musique comme un lien, un moyen de dialoguer, de communiquer, de relayer ce que je partage avec ceux de ma communauté.»


Sur l’intérêt que leur porte, à lui et à son groupe, le FBI, Franti s’interroge: «Nous croyons en la résolution des problèmes du monde par des moyens non violents, nous défendons l’idée d’une plus grande justice sociale. Et nous paraissons dangereux aux yeux de certains…» Heureusement, ni l’ostracisme des médias dominants, les agents du FBI n’ont réussi à faire taire ce doux rebelle.


Erik GROBET


Micahel Franti, «Everyone deserves music», (Boo Boo Wax)