Stonewall – New York – juin 1969: contre le patriarcat et l’homophobie

Stonewall – New York – juin 1969: contre le patriarcat et l’homophobie

Le soulèvement de Stonewall, contre la police de New-York, a lancé le mouvement de libération homosexuel et lesbien aux Etats-Unis, puis en Europe. Cet événement fait figure de mythe, tant il a contribué à faire connaître ce mouvement dans de nombreux pays et à développer de nouveaux droits pour les homosexuel-les, comme les contrats de partenariat enregistrés. Cette révolte préfigure des années d’activisme et les acquis qui en ont découlé. Aux Pays-Bas, par exemple, les couples gays et lesbiens peuvent aujourd’hui se marier et adopter des enfants. Mais tout n’est pas aussi rose ailleurs et ces conquêtes sont fragiles. La scène militante gay et lesbienne a sa part d’héritage des émeutes de Christopher Street. Nous voulons ici rappeler le sens profond de cet acte fondateur. Cette révolte appartient aussi à l’histoire plus large des luttes d’émancipation. (réd.)


Que s’est-il vraiment passé les 27 et 28 juin 1969? Nous reproduisons ici quelques extraits d’une chronique des événements par Joseph-Marie Hulewicz, parue dans Tribu magazine de Juin 1994.


«Vers trois heures du matin, le 27 juin 1969, 9 officiers en civil de la Police New-Yorkaise pénètrent à l’intérieur de Stonewall Inn, un bar gay situé au numéro 53 de Christopher Street, dans le quartier du Village. Le prétexte de cette troisième descente dans le quartier au cours des 15 derniers jours, est aussi ordinaire qu’habituel: contrôle des licences de vente d’alcool. La police prononce la fermeture immédiate de l’établissement et jette les clients un par un à la rue après avoir procédé au contrôle des identités. Deux cents jeunes gens sont expédiés sur le pavé.


Au lieu de s’évanouir dans la nuit comme d’habitude, ils s’agglutinent sur les trottoirs environnants. Un barman, le portier, et trois travestis sont arrêtés et traînés vers un fourgon de police. Un petit groupe de folles se lance à leur rescousse. La tension monte. Des bouteilles de bière et des briques volent en direction des policiers. Les travestis, blacks, latinos, prostitués, étudiants, lesbiennes, rameutés du quartier, contre-attaquent et disputent le terrain à une police en difficulté. Surpris, les officiers battent retraite et se réfugient dans l’établissement. La foule, qui dépasse les 400 personnes, hurle des injures et tente d’enfoncer la porte du bar (…) Un parcomètre arraché vient coincer la porte du bar, bloquant plusieurs officiers à l’intérieur. La foule continue à grossir. Un feu de rue éclate. Seule l’arrivée d’importants renforts policiers marquera le début de la dispersion. Treize personnes sont arrêtées et déférées devant la justice.


De nouvelles échauffourées éclatent le lendemain (28 juin) devant le Stonewall Inn, où une foule s’est rassemblée pour protester contre la descente de la veille. La police anti-émeute intervient. Les manifestants leur jettent des bouteilles et allument des feux: «Légalisez les bars gays! Gay is good!» Un groupe d’homme se tenant par le bras exécute un numéro de French Cancan au milieu de la rue. La police change à coups de matraque. L’affrontement dure deux heures et le lendemain, le New York Daily titre: «Descence dans une ruche homo: les abeilles piquées comme des folles». Le soir du 29, un groupe de 500 personnes descend Christopher St. en chantant des slogans pro-pédé. La police anti-émeute charge à la matraque avec une extrême violence et fait de nombreux blessés. Le 9 juillet a lieu le premier «Gay Power Meeting», qui rassemble un amalgame de gens divers, piliers de bar, socialistes, étudiant-e-s, excités variés et des membres de la «Mattachine Society», une organisation homosexuelle américaine créée à la fin des années cinquante. L’un propose d’aller manifester devant la Cathédrale St-Patrick contre l’homophobie de l’Eglise. Un autre suggère de boycotter les grands magasins Bloomingdales. Des rumeurs d’émeutes et de confrontation armée avec la police circulent. (…)»