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BDS : La motion Imark s'en prend aux droits fondamentaux

Ce 8 mars, le National a débattu la motion de Christian Imark demandant que «des fonds publics suisses dévolus de façon directe ou indirecte à la coopération au développement ne puissent plus être attribués si les ONG qu’ils soutiennent sont impliquées dans des menées à caractère raciste, antisémite, ou incitant à la haine ou encore dans des campagnes BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).»

Une affiche de campagne de l’auteur de la motion

Malgré la recommandation de rejet du Conseil fédéral, la motion a été acceptée grâce à l’UDC, au PLR et à la moitié du PDC. Elle sera sans doute débattue en mai aux Etats.

Cette démarche, issue de l’UDC, doit susciter de sérieuses inquiétudes des personnes et organisations s’engageant pour la liberté d’opinion, le droit des peuples – y compris quand il s’agit de responsabilités d’Etats tiers – et engagés contre le populisme raciste et la rhétorique antiterroriste de ce parti.

Une campagne du gouvernement israélien

Par ses attaques contre des ONG et des campagnes comme BDS, dont le seul «crime» est la défense des droits des Palestiniens à la liberté, l’égalité et la justice, la motion Imark vise deux buts:

Présenter comme racistes, antisémites ou ayant des liens avec le terrorisme, et criminaliser les groupes/personnes critiquant la politique d’occupation, de colonisation et d’apartheid du gouvernement israélien.

Tenter de délégitimer des principes de droit international, comme par ex. ceux de la 4e Convention de Genève (visant à garantir la sécurité des populations civiles en période de conflit armé) ou encore d’exonérer des Etats tiers de leurs responsabilités au nom d’une prétendue «neutralité». On en vient ainsi à faire valoir le droit du plus fort.

La motion reprend une campagne du gouvernement israélien contre celles et ceux qui le critiquent. Vu les positions de l’UDC sur l’immigration, la défense de «valeurs nationales» et la lutte antiterroriste, cela n’étonne pas. UDC et PLR ont d’étroites relations avec le gouvernement israélien. Le groupe parlementaire Suisse-Israël, composé surtout d’élus de ces partis, a été invité à prendre parole à la Knesset et ne s’est pas privé de visiter une colonie illégale en Cisjordanie.

La liberté d’opinion est un droit fondamental pour toute société démocratique. Elle est non seulement protégée par des accords internationaux, mais relève du droit constitutionnel en Suisse et dans nombre de pays. Israël tente de restreindre drastiquement ce droit en Palestine/Israël même, comme sur le plan international. Des députés palestiniens à la Knesset font l’objet de poursuites et de violences entraînant des blessures par des agents de sécurité, au moins dans un cas avéré. Des organisations israéliennes comme Breaking the Silence, donnant une voix critique à des soldat·e·s et dénonçant des crimes de guerre, sont menacées. En mars 2017, une loi a été promulguée instituant le fichage des citoyens partisans du boycott.

Organisations solidaires dans le collimateur

Pire encore est la situation des ONG palestiniennes. En été 2016, Israël a arrêté des agents de l’ONU, au motif qu’ils travailleraient pour le HAMAS. Le fait a été relaté dans le monde entier par les médias. Il a fallu attendre des mois avant que ces agents soient libérés, vu la vacuité des accusations dont ils avaient été l’objet. Mais Israël a gagné une bataille médiatique et a pu discréditer les activités de l’ONU dans la bande de Gaza.

L’an dernier, nombre de défenseurs des Droits humains ont été arrêtés à la frontière israélienne, soumis à des interrogatoires et expulsés; il en a été ainsi de délégués du Conseil Œcuménique des Eglises voulant venir à une conférence sur l’environnement à Bethléem ou encore d’une Suissesse devant visiter des projets d’une ONG à Gaza. Ces pratiques sont constamment durcies. Récemment, la Knesset a promulgué une loi visant à interdire à des étrangers l’accès au pays s’ils sont soupçonnés d’être engagés en faveur des Palestiniens par BDS.

Ces attaques massives contre la liberté d’opinion n’étonnent pas. Israël est l’Etat le plus fréquemment condamné par l’ONU pour ses violations du droit international, il a vraisemblablement commis de nombreux crimes de guerre dans la bande de Gaza, fait usage de violence disproportionnée en matière militaire, refuse à des rapporteurs spéciaux du Conseil des Droits humains de l’ONU l’accès aux territoires occupés et reste un des rares Etats qui refuse de reconnaître la 4e Convention de Genève.

La motion Imark reprend ces attaques contre la liberté d’opinion. Des organisations comme l’EPER, CARITAS, et même des institutions culturelles comme le Festival international de Films sur les Droits Humains, pourraient devoir justifier leurs choix et leur collaboration avec nombre de partenaires. Elles risquent de perdre leurs subventions si elles ne se conforment pas aux règles de la motion Imark.

Une motion à ne pas sous-estimer

De façon plus générale, le PLR et d’autres partis de droite essaient d’instaurer un climat politique permettant de criminaliser ceux-celles qui mettraient en question leurs positions. De plus en plus, des droits fondamentaux sont restreints, par exemple en matière de droits des femmes ou quant à la possibilité pour les migrant·e·s de manifester. Les organisateurs sont tenus de satisfaire à toujours plus de formalités et à fournir plus de «garanties». Finalement, quand une manifestation a lieu, les participant·e·s se trouvent confrontés à une police militarisée qui s’en prend à eux avec une violence démesurée.

Compte tenu du climat politique en Suisse, il serait dangereux de prendre cette motion à la légère. En faisant preuve de réserve, en se taisant, on n’aide pas les ONG, les organisations, les associations etc. ni les nombreux·euses citoyen·ne·s qui s’engagent en faveur des droits civiques dans leur volonté de faire pièce au cynisme des partis de droite xénophobes et populistes majoritaires au Parlement.

BDS CH