Lancement de l'initiative Asloca-Cartel - Quand salariés du public et locataires se donnent la main

Quand salariés du public et locataires se donnent la main

L’Asloca et le Cartel intersyndical du secteur public s’apprêtent à lancer ensemble une initiative prévoyant le maintien du niveau actuel des retraites de la Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) grâce à la construction de milliers de logements à loyers modérés. Comment est-ce possible?

Les initiant·e·s  demandent que l’Etat cède gratuitement à la CPEG les terrains et droits à bâtir qui lui appartiennent, notamment dans le périmètre du PAV (Praille-Acacias-Vernets). Ce patrimoine public serait ainsi soustrait aux appétits des milieux immobiliers privés, garantissant la mise sur le marché accélérée de milliers d’appartements à loyers abordables. En même temps, ce transfert permettrait de recapitaliser la CPEG et de maintenir le niveau actuel des pensions sans rien coûter aux contribuables.

Milliers de logements à loyers abordables

Le volet immobilier du dispositif est simple. L’Etat dispose de l’essentiel des terrains du secteur Praille Acacias Vernets (PAV), sur lequel il est prévu de construire 12 000 logements dans les années à venir. En cédant gratuitement à la CPEG les surfaces constructibles et les droits à bâtir dont il dispose, à mesure qu’ils seront rendus disponibles, il lui permettrait de construire des appartements répondant aux besoins prépondérants de la population.

Des rendements de l’ordre de 3,5 à 3,75%, correspondant aux besoins de financement de la Caisse, autoriseraient de plus la fixation de loyers raisonnables. Si les terrains et droits à bâtir nécessaires ne sont pas disponibles à temps pour répondre aux contraintes légales de recapitalisation de la CPEG, l’initiative prévoit le recours provisoire à un « prêt simultané » entre la Caisse et l’Etat (mécanisme proposé par le Conseil d’Etat), avec remboursement de celui-ci dès qu’une nouvelle cession d’actifs immobiliers publics s’avèrere possible.

Primauté des prestations garantie par la loi

Le volet « retraites » du dispositif est simple lui aussi. L’Etat garantirait le maintien des prestations dues aux assurés actifs de la CPEG, selon le règlement en vigueur au 1er janvier 2017. Pour ce faire, il recapitaliserait la Caisse en respectant au moins les paliers prévus par le droit fédéral et cantonal. Une rapide estimation: avec la cession de terrains nécessaires à la construction de 12 000 logements ce qui est prévu grosso modo dans le seul secteur du PAV, l’Etat pourrait contribuer à une recapitalisation de la Caisse de l’ordre de 6 milliards!

La CPEG pourrait-elle maintenir de cette façon la primauté des prestations pour ses assuré·e·s? Oui, et au sens strict du terme, puisque l’initiative fait de cet objectif une norme légale: celles-ceux qui ont droit à une pension complète pourraient donc prétendre, comme au 1er janvier 2017, à une retraite d’un montant égal à 60% de leur salaire assuré (45 à 50% de leur salaire réel, compte tenu de la déduction de coordination).

Ce projet est évidemment conforme à l’intérêt public pour deux raisons essentielles: 1) Il accélère la construction de milliers logements à loyers abordables correspondant aux besoins de la population ; 2) Il maintient le niveau des retraites de près de 50 000 salarié·e·s de la fonction publique sur le long terme sans jeter des milliards sur les marchés financiers ni faire passer les contribuables à la caisse.

Second front au Grand Conseil

Pourra-t-il répondre à temps aux exigences légales de recapitalisation de la CPEG, compte tenu de la durée de traitement des initiatives et des retards que pourraient entraîner des recours légaux probables? C’est là tout l’intérêt du projet de loi (PL) 12095, déposé par Ensemble à Gauche (EAG), qui a reçu jusqu’ici le soutien potentiellement majoritaire du PS, des Verts et du MCG.

Dans sa version amendée, il reprend l’al. 1 de l’initiative et prévoit une recapitalisation immédiate de la Caisse, pour répondre si nécessaire aux obligations légales, et ce jusqu’en 2024. Pour autant, même si le PL 12095 ne devait pas être adopté par le parlement dans les mois à venir, l’initiative pourrait tout de même obliger l’Etat in fine à rétablir les prestations prévues au 1er janvier 2017, au besoin par un effort de capitalisation supplémentaire prévu par la loi fédérale (art. 72a, alinéa 1, lettre d). Ce serait évidemment politiquement plus difficile… C’est pourquoi, la bataille pour l’adoption rapide du PL 12095 par le Grand Conseil doit être menée de concert avec celle pour le dépôt de l’initiative de l’Asloca et du Cartel. EAG sera présent sur ces deux fronts.

Jean Batou


Votations du 24 septembre à Genève