La Suisse championne de l'opacité fiscale

L’ONG Tax Justice Network a publié, début février, son classement des paradis fiscaux. Malgré des signes de faiblesse, la Suisse maintient son leadership.

La Suisse est championne du monde, devant les Etats-Unis, et ce n’est pas du hockey sur glace. Les îles Caïmans complètent le podium peu glorieux des paradis fiscaux, établi sur la base de l’indice d’opacité financière. Le Tax Justice Network établit ce classement tous les deux ans et, comme en 2013 et 2015, l’ONG britannique a attribué à la Suisse le meilleur score.

Soyons justes, la Confédération ne gagne pas sur tous les tableaux. L’indice du TJN combine deux classements. Le premier indique le niveau d’opacité financière, selon des critères qualitatifs (législation, coopération avec l’étranger…). Malgré un score honorable de 76, la Suisse arrive «seulement» en 26e position dans ce domaine, loin derrière le Vanuatu ou les Bahamas.

Mais voilà, si les petits paradis fiscaux du Pacifique ou des Caraïbes battent des records d’opacité, ils brassent moins d’argent que la Suisse. Ils se voient relégués dans les profondeurs du second classement, qui mesure la part des pays dans le marché mondial des services financiers pour clients étrangers. La place financière helvétique, avec quelques milliards de milliards d’actifs, représente 4,5 % de ce marché. Cette performance lui permet d’occuper la tête du classement combiné.

Transparence à deux vitesses

Face à ces chiffres, on se demande ce qu’il reste des promesses sur l’échange automatique d’informations, censé mettre fin à l’évasion fiscale. Si le rapport de 2018 admet que la Suisse a perdu quelques points d’opacité depuis 2015, l’organisation épingle la stratégie à deux vitesses de la Confédération. Avec les pays riches et puissants, elle collabore. Avec les plus pauvres, dont la population souffre d’autant plus de l’évasion fiscale, le secret reste de mise.

Malgré cette belle résistance, la Suisse semble près de céder son trône. Les Etats-Unis occupaient la sixième place en 2013, la troisième en 2015, ils talonnent désormais la Confédération. Toutes les bonnes choses ont une fin.

Guy Rouge