Répression meurtrière à Gaza
Le bilan de la deuxième journée de mobilisation dans la bande de Gaza, vendredi 6 avril, est lourd: l’armée d’occupation israélienne a tué neuf manifestant·e·s. La semaine précédente, les soldats israéliens avaient tiré à balles réelles sur les manifestations populaires, tuant 19 Palestinien·ne·s et blessant des milliers de personnes. En incluant deux Palestiniens tués au cours de heurts distincts, le ministère de la Santé de Gaza compte 30 victimes depuis le 30 mars, date du début des manifestations visant à réclamer le «droit au retour» des Palestinien·ne·s. Et aucune du côté de l’occupant israélien.
Mohammed Zaanoun
Des vidéos montrent des Palestinien·ne·s non armés fuyant les forces d’occupation israéliennes lors des manifestations et se faisant tirer une balle dans la tête par des tireurs d’élite israéliens. Les journalistes palestinien·ne·s qui couvraient les manifestations ont également été visés. Au moins six journalistes ont été blessés par balles selon un communiqué du syndicat des journalistes palestiniens. Yasser Mourtaja, reporter palestinien très populaire dans la bande de Gaza, est mort le 7 avril à la suite des blessures infligées par les tirs des soldats israéliens, alors qu’il portait un casque et une veste indiquant explicitement qu’il appartenait à la presse.
Droit au retour pour les Palestinien·ne·s
Aujourd’hui, le nombre de réfugié·e·s palestiniens dépasse les six millions. A elle seule, la bande de Gaza ne compte pas moins de 1,3 million de personnes (sur deux millions d’habitant·e·s) officiellement enregistrées comme réfugié·e·s. Pourtant, la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 11 décembre 1948 (qui n’a pas de valeur juridique contraignante), soutient le droit au retour des Palestinien·ne·s. Elle stipule «qu’il y a lieu de permettre aux réfugié·e·s qui le désirent de rentrer dans leur foyer le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisin·ne·s, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux·celles qui décident de ne pas rentrer dans leur foyer […] ».
Mais ce serait oublier le blocus inhumain et illégal, au regard du droit international, imposé par l’Etat d’Israël, avec l’assistance du régime égyptien depuis plus d’une décennie sur la bande de Gaza, transformant ce territoire en prison à ciel ouvert. L’asphyxie est totale: plus de 80 % des habitant·e·s de Gaza dépendent des aides internationales. Les hôpitaux manquent de médicaments et l’électricité n’est disponible que quelques heures par jour. L’eau est imbuvable et les évacuations des égouts sont dirigées directement dans la mer.
Un laisser-faire des grandes nations
Un projet de déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU, appelant «toutes les parties à la retenue et à prévenir toute escalade supplémentaire» et demandant une enquête sur les violences, a été bloqué par les Etats-Unis. De son côté, l’Union européenne refuse toujours de condamner les actions de répression sanglantes d’Israël, dont les dirigeants ont d’ores et déjà prévenu que les consignes de tir resteraient les mêmes. La répression meurtrière de ces manifestations, rassemblant la première fois 30 000 personnes et la deuxième 20 000, poursuit des objectifs politiques: dissuader quiconque de participer aux prochaines initiatives du même type, à moins d’être prêt à risquer sa vie.
Il faut être clair: il ne s’agit pas de «confrontations» ou d’«affrontements» comme le présentent les médias dominants et les gouvernements occidentaux. Nous avons affaire aux crimes délibérés d’une force occupante, coloniale et raciste contre des manifestant·e·s non armés.
Le Hamas entre accusations et récupérations
Israël cherche à accuser le Hamas d’être l’instigateur des manifestations et d’utiliser celles-ci pour cacher ses «activités terroristes». De son côté, le Hamas tente de récupérer politiquement ces mobilisations, alors qu’il était en perte de vitesse et isolé au niveau interne et externe.
La position du Hamas à Gaza est devenue à bien des égards intenable. Soumis au blocus d’Israël et de l’Egypte d’une part et aux sanctions économiques imposées par l’Autorité palestinienne sur Gaza d’autre part, le mouvement fondamentaliste islamique est sous la pression de plusieurs pays arabes, dont l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, qui voient en lui une ramification des Frères musulmans, une organisation considérée comme terroriste par ces régimes.
70 ans de crimes contre le peuple palestinien
Les attaques et les raids nocturnes contre les Palestinien·ne·s en Cisjordanie occupée ont doublé au cours des deux premiers mois de 2018. Des villages palestiniens entiers dans le nord d’Israël sont menacés de démolition et certains d’être remplacés par des colonies.
L’un des principaux déclencheurs de l’augmentation des agressions cette année est la décision du président américain Trump de déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Cette décision et plus généralement le soutien de Trump à Israël ont encouragé le gouvernement israélien à accélérer les projets d’extension de la colonisation en Cisjordanie et à poursuivre l’effacement de l’identité palestinienne. Sans compter la pression saoudienne sur l’Autorité palestinienne pour accepter les conditions israéliennes et un accord politique en faveur de Tel-Aviv.
L’Etat d’apartheid, colonial et raciste d’Israël doit être sanctionné pour ses crimes continus depuis bientôt 70 ans contre les populations palestiniennes. Nous devons continuer à soutenir la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS) tant que l’Etat d’Israël ne respectera pas le droit international et les droits des Palestinien·ne·s, et exiger l’arrêt des collaborations politiques et militaires de la Suisse avec l’Etat criminel d’Israël.
Joe Daher