Des usines aux mains des travailleurs, deux expériences argentines en débat

Des usines aux mains des travailleurs, deux expériences argentines en débat

Les 18 et 19 novembre prochains, deux salariés des entreprises argentines Zanon et Bruckman, symboles des luttes ouvrières de ces deux dernières années, Ester Valdez et Carlos Quininir, seront de passage à Lausanne et à Genève, à l’invitation de notre journal, avec le soutien du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde) et de l’ASEAR (association de solidarité euro-argentine) pour parler des combats des travailleuses et des travailleurs argentins, qui occupent et contrôlent leurs entreprises.


Depuis les années 70, l’Argentine mène une politique ultra-libérale qui n’a fait que plonger de plus en plus le pays dans la misère. Vers les années 90, les dernières entreprises publiques ont été liquidées, tandis qie la politique monétaire de parité dollar-peso favorisait la spéculation financière, entraînant la fuite des capitaux et l’effondrement bancaire.


Aujourd’hui, les chiffres semblent avoir perdu toute signification: un million et demi de nouveaux pauvres au cours des derniers mois, 55% sous le seuil de pauvreté (71% des enfants sont pauvres), un licenciement par minute, 22% de la population totale au chômage. Les images des enfants qui meurent de dénutrition sont devenues quelque chose de quotidien. La dévaluation du peso depuis janvier 2002 n’a fait qu’accentuer la crise, avec comme conséquence l’inflation, et une dépression du marché interne et du salaire réel qui dépasse les 70%.


C’est dans ce contexte que des milliers de travailleurs se sont organisés face aux fermetures des entreprises. Actuellement il y a plus de 160 usines aux mains des travailleurs et des travailleuses. Au cours des dernières années, deux usines (Brukman et Zanon) sont devenues un pôle de référence de production sous contrôle ouvrier.

Les occupations de Zanon et de Bruckman

Conférences

mardi 18 novembre
à Lausanne

mercredi 19 novembre
à Genève

voir l’agenda


En octobre 2001, le patronat de l’usine de céramique de Neuquén Zanon (une production de céramique les plus importantes d’Amérique du Sud) décide de se retirer de l’Argentine. Face à cette situation, les ouvriers ont occupé l’usine et l’ont remise en fonctionnement. Après les trois premiers jours de travail, ils se sont rendu compte qu’ils avaient gagné assez d’argent pour payer le salaire du mois de tous les travailleurs. Au cours des dernières années ils sont arrivés à créer 50 nouveaux postes de travail, élevant le nombre de travailleurs occupés dans l’usine à plus de 300. Ils organisent la gestion du travail par des résolutions prises en assemblées générales et en assemblées d’atelier. Ce faisant, ils organisent des nouvelles formes de solidarité dans un contexte mondial où le «chacun pour soi» est à l’ordre du jour.


L’usine textile Bruckman à été abandonnée par ses propriétaires en novembre 2001. Les ouvrières, n’étant pas au courant, ont attendu pendant un mois le retour des patrons jusqu’au 18 décembre, moment où elles ont repris le travail dans l’usine. Le 17 avril 2003, les ouvrières ont été expulsées de leur lieu de travail. L’ordre judiciaire d’expulsion exprime qu’il «n’y a pas de suprématie de la vie et de l’intégrité physique face aux intérêts économiques», donnant ainsi lieu à une terrible répression policière, quatre jours après l’expulsion, au moment où des assemblées d’habitants, des mouvements «piqueteros», des étudiants et divers groupes politiques s’étaient manifestés à côté des travailleuses pour récupérer l’usine, qui se trouve jusqu’à aujourd’hui encore cernée de «gardiens de l’ordre». Depuis cette date, les ouvrières ont installé des tentes face au siège du gouvernement, où elles continuent à se battre pour récupérer l’usine qui avait fonctionné pendant un an et demi sous contrôle ouvrier.


L’expérience de ces travailleurs dévoile les secrets de l’exploitation capitaliste, montre que des usines déclarées en faillite par les patrons sont parfaitement rentables sans eux, et que les travailleurs sont tout à fait capables de faire fonctionner la production sans la présence des patrons, à travers des décisions collectives discutées en assemblées auxquelles tous les ouvriers participent.


Le 26 octobre, deux travailleurs de Zanon et de Bruckman arriveront en Belgique pour partager les expériences des acteurs de mouvements sociaux, de syndicats, d’associations, et pour présenter leurs projets.

Réd.