Blocher au Conseil fédéral: quelle voie de résistance?

Blocher au Conseil fédéral: quelle voie de résistance?

Le 8 décembre la coordination de solidaritéS a adopté, après plusieurs débats, la position dont nous publions ci-contre des extraits. Le 10 décembre les élu-e-s du groupe «A Gauche toute!», Pierre Vanek, Marianne Huguenin et Joseph Zisyadis ont voté dans le même sens à l’Assemblée fédérale. Pour Calmy-Rey au premier et deuxième tours, et en ne votant ni Blocher, ni Metzler au 3ème tour. Leurs communiqués des 9 et 10 décembre à ce sujet se trouvent sur www.solidarites.ch.


Contrairement aux allégations de représentants du PS, nos élu-e-s n’ont d’aucune manière contribué à l’élection de Blocher. Les partis soutenant la candidature de Metzler – PS, Verts, PDC et Evangéliques – comptaient 122 élu-e-s, de quoi atteindre la majorité absolue lors de l’élection de Blocher. Au premier comme au troisième tour, ce «camp» n’a engrangé que 116 suffrages: il y a donc eu dans celui-ci 6 défections au minimum, mais plus en fait, des radicaux ayant soutenu la candidate PDC.


Nous reprocher de ne nous être pas enrôlés sous la bannière de Ruth Metzler, pour «compenser» la dizaine de voix l’ayant lâchée, malgré les engagements de leurs partis, est donc infondé. Le parlement, à majorité de droite, a élu un gouvernement à son image. Nous partageons d’autant moins la responsabilité de la composition de celui-ci, que dans la campagne électorale, alors que la présidente du PS déclarait qu’elle «n’avait rien contre la présence de deux UDC au Conseil fédéral», nous nous sommes battus avec énergie contre ce parti, ripostant aux placards racistes de l’UDC et dénonçant la politique xénophobe et antisociale de la mafia blochérienne. Ceci nous a valu une plainte pénale de l’UDC. En outre, nous n’avons pas – contrairement au PS – voté pour Pascal Couchepin, l’homme de la retraite à 67 ans, ni d’ailleurs participé à l’élection de son comparse Merz pour le 7ème siège!


Par ailleurs, le PS – surtout préoccupé de la réélection des siens – a apporté son soutien à un deuxième siège du parti blochérien, en maintenant sa consigne de vote en faveur de l’UDC Samuel Schmid, après que le premier siège UDC ait été occupé par Blocher. En retour, le PSS en se congratulant dans ses communiqués des résultats «brillants» de ses deux candidat-e-s se félicite en fait… d’avoir été soutenu par la fraction blochérienne, qui a voté en masse pour les candidat-e-s socialistes. Comme le disait la présidente du PSS cet été dans une interview: «Je ne vois pas pourquoi les partis bourgeois se priveraient soudainement du Parti socialiste au Conseil fédéral.»1


Pour nous, nous n’avons jamais pensé qu’on pouvait «barrer la route» à l’offensive de la droite patronale sur le seuil du Conseil fédéral, en se livrant à des manœuvres au parlement, que ce soit en les habillant d’oripeaux «de gauche» comme l’ont fait les JS, en appelant la gauche à «exiger un troisième siège»2 ou par voie de négociations en «renonçant à tout débat contradictoire devant l’opinion publique» et en proclamant en commun avec l’UDC, le PDC et les Radicaux son «attachement à la concordance pour gouverner notre pays» comme l’a fait le PSS.3 Nous avons au contraire estimé que ces manœuvres étaient démoralisantes et sans principe. (v. encart)


Pour «barrer la route» à la droite, nous avons appelé et travaillé à une mobilisation sociale réelle qui ne pouvait s’enrôler sous la bannière d’une combinaison parlementaire avec le PDC, eut-elle même été couronnée de succès.


Enfin, signalons que le groupe PSS – au soir du 10 décembre – a émis un communiqué qui déclare, au sujet de Blocher: «Ce dernier est désormais Conseiller fédéral. Le groupe socialiste attend de lui qu’il endosse pleinement sa responsabilité d’homme d’Etat…»4 Deux jours plus tard, il affirmait que la direction du PS «soutient le Conseiller fédéral Moritz Leuenberger pour ses efforts infatigables dans le domaine des transports et du Service public…» Le surlendemain, à La Poste, placée sous la direction du socialiste Gygi on apprenait 650 nouvelles suppressions d’emplois – fruits de ces mêmes efforts infatigables de Leuenberger… dans le sens du néolibéralisme.


Heureusement – y compris dans les rangs du PS – des voix se font entendre appellant à la sortie du gouvernement et à la résistance. Nous nous en réjouissons. Pourvu que ça dure…


Pierre VANEK

  1. Tribune de Genève du 11.7.03
  2. Communiqué des JSS du 27.11.03
  3. Communiqué des 4 partis gouvernementaux du 13.11.03
  4. Communiqué PSS du 10.12.03