Face à l’occupation israélienne, des femmes résistent

Face à l’occupation israélienne, des femmes résistent

La 12ème mission de solidarité avec le peuple palestinien, organisée par le collectif genevois d’Urgence Palestine, s’est déroulée du 27 octobre au 7 novembre 2003.


Lors de sa préparation, nous avions demandé à rencontrer des femmes palestiniennes et israéliennes, membres d’associations. A Naplouse, nous en avons rencontré deux au sein du PARC (Palestinian Agricultural Development Association): l’une est responsable du secteur des femmes agricoles et l’autre est responsable du groupe d’épargne. Sur le terrain, nous avons eu l’occasion d’échanger avec le groupe de femmes du village de Faqqua (nord-est de la Cisjordanie). Du côté israélien, nous avons rencontré une représentante du mouvement Machson Watch, nous expliquant leur action concrète aux check-points (barrages militaires).

Les femmes se mobilisent

La société musulmane palestinienne est complexe, néanmoins aujourd’hui, le rôle politique des femmes palestiniennes contribue à la réforme de la société. Dans la plupart des villages visités, les femmes sont représentées dans tous les comités villageois et leurs présences sont maintenant vivement souhaitées. Cela est le résultat d’un long processus sur le terrain de leur émancipation et de l’acceptation de ce changement.


Cette évolution a nécessité de travailler avec elles sur deux plans: une phase de construction, de renforcement de leur autonomie, ce qui a permis une prise de conscience lente mais certaine; puis par celle d’une indépendance économique qui a montré qu’elles pouvaient alimenter la bourse familiale. De part leur travail elles ont prouvé leurs capacités créatives et productives à l’ensemble de la communauté, ce qui leur donne une légitimité et un certain poids dans la vie politique et dans l’organisation de la société.


Face à l’occupation, certaines femmes israéliennes ont choisi d’adopter délibérément des actions sur le terrain politique. Elles montrent une autre façon de résister en étant solidaire de la population palestinienne et en encourageant d’autres femmes israéliennes à regarder la réalité vécue aux check points. Par ailleurs, à travers l’association Bat Shalom, elles ont établi une passerelle entre femmes israéliennes et palestiniennes qui se concrétise par des rencontres, des échanges autour de problèmes résultant de ce conflit.


Mala, nous explique que le PARC se base toujours pour développer leurs activités, selon les demandes du terrain. Actuellement, dans le nord de la Cisjordanie, 10 groupes de femmes ont vu le jour dans 10 villages différents, représentant environ 1500 femmes âgées de 18 à 60 ans, mariées veuves ou célibataires, avec ou sans enfants.


C’est, en 1987, avec la première Intifada que le travail avec les femmes a débuté. La situation très difficile de l’époque, notamment le blocage des routes, a orienté les formations dispensées autour de l’économie familiale (transformation et conservation de produits agricoles) et des questions liées au travail domestique. En 1992, suite a un sondage, les activités se sont focalisés sur le plan du développement personnel comme: comment gérer sa vie, comment acquérir des outils simples pour permettre à ses enfants de surmonter leurs difficultés psychologiques, comment apprendre à gérer des projets en commun. Puis en 1996, des cours de gestion et de direction de groupes ont vu le jour. En 1997, un pas supplémentaire est apporté à l’évolution des femmes, par la mise à disposition de locaux pour les femmes ainsi que le financement du matériel de base. Dans ces espaces, des cours de gestion de projets sont organisés. Le travail central de ces groupes tourne autour de l’estime de soi, de la valorisation des capacités de chacune, de l’indépendance économique. Elles sont encouragées à travailler en dehors du cadre familial.


Chaque groupe fonctionne selon des pratiques démocratiques et elles élisent leurs référantes de groupe qui se rencontrent selon les possibilités de déplacement, pour des échanges.



Mala précise que l’impact du processus d’émancipation ne se cantonne pas uniquement aux membres des groupes mais également à l’ensemble des communautés des femmes des villages concernés. Elle rajoute que dans certains villages, ce processus n’a pas toujours été, au début, bien accepté par les hommes

Le projet des micro-crédits

Laila nous explique que ce projet a été créé quatre ans auparavant, à la demande des femmes qui ne pouvaient pas solliciter un crédit à la banque. A l’origine, ce projet avait été pensé par les groupes de femmes, mais aujourd’hui, il est complètement indépendant. Actuellement 8 groupes de micro-crédits existent représentant environ 300 femmes. Chaque groupe a élu 3 représentantes qui se retrouvent pour discuter des demandes et attribuer les crédits. Chaque année, une somme forfaitaire est attribuée en fonction du montant de la caisse commune.


Pour chaque femme qui désire demander un crédit, deux femmes du groupe doivent se porter garantes. Ce crédit devra être remboursé dans l’année qui suit avec un intérêt de 6%. Dans la pratique, une certaine souplesse est de mise.


Parallèlement, chaque femme du groupe met 15 US$ par mois dans la caisse commune. Cet argent lui appartient et elle peut le redemander à tout moment. Il constitue le fond de caisse des micro-crédits qui se chiffre actuellement à 50000 US$.


En 2003, 95 femmes ont bénéficié d’un micro-crédit utilisé pour: l’achat de moutons, le payement de l’écolage universitaire des enfants, le payement des attestations de naissance et de leur traduction en vue d’obtenir des cartes d’identité, impératives à tout déplacement. Pour l’instant – et ce depuis sa création – seule une femme n’a pas pu rembourser le montant prêté.

De la théorie à la pratique

Sur le terrain, à Faqqua, au Nord-Est de la Cisjordanie, nous avons pu constater sur le terrain le travail effectué par le Parc concernant la formation et le micro-crédit.


Le groupe dispense des cours sur l’alimentation, la couture, la broderie, l’élevage, la gestion, la puériculture, dans un local créé en 1988. Environ 60 femmes, de 20 à 50 ans, se réunissent régulièrement.


Depuis la 2ème Intifada, les conditions de la vie quotidienne se sont considérablement détériorées dans les territoires occupés. La construction du mur, limitant l’accès aux lieux de formation, ainsi que le manque à gagner dû au chômage, ont empêché 15 jeunes filles de ce village, de poursuivre leurs études. Toutefois, la capacité d’organisation du groupe de femmes a permis d’ouvrir sur place une classe, tenue par elles, afin que ces jeunes puissent terminer leurs études. Elles sont maintenant diplômées et poursuivent leur cursus à l’université.


Leur système de micro-crédit fonctionne selon leur propre besoin qui est le suivant: chaque femme dépose 10 shekels par semaine et à la fin du mois, la somme épargnée est attribuée à l’une d’entre elles pour son projet. A Faqqua plusieurs femmes ont ainsi pu mettre sur pied leur propre élevage de petits animaux (moutons et poules).

Action des femmes aux check points

Rencontre avec Ruth el Raz du mouvement féminin Machson Watch. Le but de ce mouvement est d’observer le comportement de la police et de l’armée aux barrages israéliens (check points). Ce mouvement est né il y a environ un an et demi, sur l’initiative de 3 femmes militantes israéliennes issues des milieux de défense des droits humains, des femmes en noir et des femmes pour la paix. Lors de notre rencontre, le chiffre de 160 membres a été mentionné mais suite à un meeting qui venait juste d’avoir lieu plus de 400 femmes se sont engagées à venir aux check points.


Deux permanences journalières ont lieu le matin dès 6h et en fin d’après-midi. Les femmes sont physiquement présentes aux divers check-points. Leur présence indique clairement aux militaires leur désapprobation face à ces barrages et signifie leur solidarité avec la population palestinienne. Elles aident les personnes à passer le check point et n’hésitent pas à téléphoner au supérieur hiérarchique militaire lors de problèmes. Elles discutent avec les soldats s’ils refusent le passage à une personne, s’ils confisquent une carte d’identité ou s’ils tardent à faire passer un vieillard ou une personne malade. Parfois aussi aucune action n’est possible.


Le plus important nous expliquait Ruth, c’est que les soldats sachent que des yeux les regardent et que des femmes, dont certaines pourraient être leur mère, leur disent qu’elles ne sont pas d’accord avec leurs agissements. Toujours selon Ruth, la population israélienne ne sait pas ce qui se passe aux check points et les nouvelles recrues sont parfois très étonnées de leur premier «piquet», tant elles ne s’attendaient pas à cela. Les femmes de Machson Watch se battent contre les barrières psychologiques qui empêchent de voir l’autre comme un semblable. Aux check points, elles ont parfois l’impression, comme elle le dit, «d’être un médecin qui annonce une maladie grave et que les militaires se protègent pour ne pas l’attraper».


Maria CASARES et Christiane TSCHOPP