La dame de fer passe le témoin à Blocher

La dame de fer passe le témoin à Blocher

Le Département fédéral de justice et police (DFJP), sous la houlette de Ruth Metzler, a très largement balisé la voie à l’accession de Christoph Blocher au Conseil fédéral. Une des clés du succès de l’UDC est en effet à chercher dans le discours officiel, en particulier développé par DFJP, sur la nécessité de combattre les risques de «surpopulation étrangère», légitimant ainsi en permanence une politique raciste, discriminatoire et sexiste à l’égard des étrangers-ères, immigré-e-s ou requérant-e-s d’asile.


Succédant au démocrate-chrétien Arnold Koller qui invoquait alors les dangers que faisait courir pour l’identité helvétique «l’enchevêtrement culturel» de personnes «aux idées non-européennes» et qui instaurait, dans la foulée, le modèle migratoire raciste dit «des trois cercles», Ruth Metzler n’a eu de cesse, durant ces dernières années, de dénoncer les «abus» en matière d’immigration et d’asile. Son département a notamment préparé un projet de Loi sur les étrangers particulièrement répressif et sexiste. Cette législation aura entre autres pour effet que très peu de femmes non-ressortissantes de l’Union européenne pourront obtenir un permis de séjour, la seule «spécialité» professionnelle qui leur restera reconnue étant celle de danseuse de cabaret! Quant à la révision en cours de la loi sur l’asile, elle a pour objectif essentiel de renforcer encore les moyens de contrainte des autorités sur les femmes et les hommes, requérants d’asile.


Cette loi non seulement ne prend toujours pas en compte l’appartenance de sexe comme motif de persécutions reconnues comme fondant la qualité de réfugié-e, mais encore ce sont les femmes qui subiront le plus directement les conséquences de la réduction des prestations d’aide sociale, voire leur suppression, car ce sont elles qui ont très souvent à charge l’entretien des enfants. Et ce n’est pas un hasard que le projet de révision de la loi sur l’asile reprend de nombreuses propositions issues d’un groupe de travail dirigé conjointement par la conseillère d’Etat zurichoise de l’UDC, Rita Führer, et Jean-Daniel Gerber, directeur de l’Office fédéral des réfugiés (DFJP).


En réponse à la revendication de la régularisation collective, portée par les mouvements de sans-papiers, Ruth Metzler, dans une circulaire administrative de son département du 21 décembre 2001, rappelait à l’ordre, en premier lieu, les autorités cantonales et communales, martelant que «les dispositions de la législation sur les étrangers et sur les réfugiés prévoient que les étrangers dont le séjour est illégal sont tenus de quitter la Suisse dès que le renvoi est possible, licite et raisonnablement exigible».


En reprenant le DFJP, Christoph Blocher se trouvera donc en terrain connu! Ruth Metzler a bien préparé le passage du relai. A l’issue de la votation de novembre 2002 sur l’initiative contre les (soi-disant) abus en matière d’asile, elle estimait que «l’UDC posait de bonnes questions, mais n’apportait pas les bonnes réponses»! A vouloir battre Blocher sur le terrain de ces soi-disantes bonnes questions, elle s’est fait doubler sur celui des réponses…


Les conditions de séjour et de travail des femmes et des hommes étrangers-ères vont être une des principales cibles de Christoph Blocher. A la main de fer s’ajoutera alors le machisme pur et dur. Les prises de position de Ruth Metzler sur le droit à l’avortement ou sur l’assurance maternité ne sauraient faire illusion: son action politique réelle se résume, qu’on le veuille ou non, au balisage «propre en ordre» du terrain qu’elle cède aujourd’hui au DFJP à Blocher. Ce dernier n’aura sur le fond aucune difficulté à reprendre ce témoin de fer: même la législation sur la naturalisation «facilitée» restera parmi les plus rétrogrades de toute l’Europe, seule la troisième génération (!) verra en effet réellement ses droits améliorés.


La défense des droits de tous les immigré-e-s, en particulier des sans-papiers et requérant-e-s d’asile, est une priorité pour toutes celles et tous ceux qui refusent de baisser les bras face à la pression xénophobe de l’UDC et à l’accession de son chef au Conseil fédéral. Blocher quitte les coulisses pour monter sur scène. A l’instar des milliers de femmes descendues dans les rues de Berne, chahutons cette mauvaise pièce avant la fin!


Jean-Michel DOLIVO