Anne Sylvestre (1934-2020)

Décès d’une chanteuse féministe

« Féministe. Oui, c’est la seule étiquette que je ne décolle pas » disait la grande chanteuse française Anne Sylvestre, décédée le 30 novembre dernier.

Anne Sylvestre 1965

Féministe, Anne Sylvestre l’était assurément. Car si elle a souvent été réduite — à son grand agacement — à ses Fabulettes pour enfants, elle a composé et chanté de nombreuses chansons pour adultes. Celles-ci font parler les femmes que l’on fait trop souvent taire ; tantôt sur le ton du tragique, tantôt sur le ton du comique ; parfois sous forme d’histoires, parfois sous forme de poèmes, souvent les deux en même temps.

En 1974, deux ans avant l’adoption de la loi Veil sur l’IVG, elle chantait « Quiconque se mettra entre mon existence et mon ventre n’aura que mépris ou haine » (Non, tu n’as pas de nom). 39 ans plus tard, elle dénonçait les violences sexuelles masculines, en rappelant que « dès qu’une femme (…) est traitée comme un paillasson et quelle que soit la façon, quelle que soit la femme (…) il y a mort d’âme » (Juste une femme). Entre ces deux dates, elle a mis en chansons de nombreux sujets féministes : le travail domestique (Clémence en vacances) ; les stéréotypes sexistes (La Reine du créneau) ; l’éducation genrée (Xavier) ; la sororité (Frangines) ; la publicité sexiste (Mon mystère) ; la culture du viol (Douce maison)… La liste serait trop longue pour cet article.

Elle abordait également d’autres thématiques. Citons ainsi les dégâts de l’industrie sur la nature et la santé (Un bateau mais demain ; Coïncidences) ; la grossophobie (Ronde Madeleine) ; le mépris envers les personnes âgées (Violette) ; la violence du licenciement et de ses conséquences (Pas difficile) ; le mariage lesbien et gay (Gay marions-nous).

Anne Sylvestre refusait le titre de chanteuse engagée (Chanson dégagée). Nombre de ses chansons ont cependant une dimension politique certaine. Surtout, elles nous rappellent qu’au fondement et à l’aboutissement de nos luttes se trouve la vie matérielle et psychique de femmes et d’hommes bien réelles.

MR