ZAD de la colline

La fête continuera

Couverture horizontale du numéro 385 solidaritéS: Stop Holcim!

Le 20 mai 1871 après-­midi, dans le jardin des Tuileries, se tenait une grande fête. Alors que les obus versaillais tombaient sur la place de la Concorde et que l’armée d’Adolphe Thiers pénétrait dans Paris, alors que se préparait une répression sanglante, un concert au profit des veuves et des orphelins battait son plein. La météo aidant, la foule était venue danser à deux pas de la fusillade. Inconscience ? Folie ? Cohérence plutôt : la Commune de Paris fut une fête jusqu’au bout.

Un siècle et demi plus tard, fin mars 2021, la ZAD de la colline, qui tente d’empêcher le géant Holcim de réduire à néant les richesses naturelles du Mormont, se prépare à une expulsion imminente. Depuis fin février, un barrage policier empêche les voitures de ravitailler les zadistes et fin mars, les forces de l’ordre seront susceptibles d’intervenir à tout moment. En guise de veillée d’armes, une troupe de clowns est venue mimer l’évacuation et laisser deviner une résistance sous le signe de l’humour et de la bonne humeur. Là aussi, une fête se prépare.

Et en face ? En face, justement, la joie n’a pas l’air d’être au rendez-vous. Le syndic PLR de la commune de La Sarraz tourne en boucle depuis six mois : budget, taxes, emplois, ressources, production, argent. La colline peut bien disparaître, les sols suisses s’artificialiser à l’infini et, pourquoi pas, le monde s’effondrer, pourvu que le quotidien reste sinistre mais rentable.

Chez les Vert·e·s aussi, on fait grise mine. Pour qui aurait des doutes sur la capacité de l’écologie de gouvernement à changer le monde, Béatrice Métraux a clarifié les choses dans 24 Heures. Interrogée sur sa position à propos de la ZAD, en tant qu’écologiste, elle répond, droite dans ses bottes : « Je suis d’abord conseillère d’État. » Et quid des enjeux environnementaux que soulèvent la carrière Holcim et, plus largement, la production de milliards de tonnes de ciment chaque année ? La ministre se réfugie derrière la « loi » de l’offre et de la demande : si l’on produit du ciment, c’est qu’il y a des « besoins ». Mais oui, qu’on est bête.

Fétichisme du droit et des institutions, soumission aveugle aux exigences de la marchandise, tout y est. On se demande quel genre de grand écart intellectuel doivent réussir les élu·e·s vert·e·s (et PS) qui s’aventurent à soutenir publiquement la ZAD. Peut-être vaudrait-il la peine de se souvenir de cet épisode dans un an, au moment des prochaines élections cantonales, quand les discours et les bonnes intentions écologistes fleuriront sur les affiches de campagne.

En attendant, la ZAD a besoin de notre soutien matériel et symbolique, à l’aube d’une période qui, festive ou non, n’en sera pas moins crispante. Matériel, eau, nourriture ne seront pas de trop pour tenir les jours ou semaines à venir. Et, au moment de l’évacuation, la présence d’un maximum de monde aux abords de la ZAD sera le principal moyen de maintenir la pression sur le personnel politique.

Quelle que soit l’issue du bras de fer avec Holcim et le Canton, d’autres luttes fleuriront, partout où la marchandise et ses adeptes continueront à réduire le monde à une source de profit. « Ni ici ni ailleurs » ont clamé les zadistes, face à l’un des principaux représentants d’un mode de vie voué à rejoindre bientôt les poubelles de l’histoire.

Guy Rouge