A l’Est rien de nouveau? L’Europe et ses marges

A l’Est rien de nouveau? L’Europe et ses marges

L’association Utopiana1 organise, du 29 au 31 janvier 2004, deux expositions ainsi qu’une table ronde consacrée à l’art contemporain dans les pays de l’ex-bloc de l’Est, en collaboration avec le Centre pour l’image contemporaine de Saint Gervais (CIC) et le Centre d’édition contemporaine. Rencontre avec ses deux principaux animateurs.

Pourriez-vous présenter brièvement l’association Utopiana?

Utopiana est une association basée à Genève qui organise depuis 2001 des rencontres dans le domaine culturel en Arménie. «Culture» doit être entendu au sens large: nous organisons des expositions d’art contemporain, mais aussi des conférences et des débats consacrés à desenjeux actuels.

Nos manifestations sont à chaque fois l’occasion de rencontres entre Arméniens et personnalités étrangères. Utopiana tâche de contribuer au développement culturel de ce pays et à son ancrage en Europe.

Vous organisez prochainement une exposition à Genève. De quoi s’agit-il?

En mai 2002, nous avions réalisé en Arménie des rencontres et une exposition autour de l’art vidéo, intitulées «Migration des images», en collaboration avec la Cinémathèque nationale d’Arménie et le Centre pour l’image contemporaine Saint Gervais. L’exposition qui se prépare à Genève pour fin janvier est en quelque sorte le retour de ce premier projet.

Le 29 janvier, au Centre d’édition contemporaine2, aura lieu le vernissage de l’exposition de Haroutioun Simonian, un jeune artiste d’Erevan invité en tant que résidant par Saint Gervais. Le 30 janvier, ce sera le vernissage au CIC des expositions de Melik Ohanian (Paris) et de Karen Andreassian (Erevan). Ces trois artistes avaient participé à l’exposition de mai 2002. C’est la première fois que des artistes d’Arménie son exposés en Suisse.

Ces expositions seront-elles accompagnées de moments de discussion?

Oui; Samedi 31 janvier, une table ronde réunira au cours de l’après-midi des personnalités qui jouent un rôle clé dans la diffusion à l’Ouest de l’art venu de l’Est. En fait, c’est la table ronde qui porte le titre «A l’Est rien de nouveau? L’Europe et ses marges». La relation avec ses marges a en effet toujours été essentielle pour l’identité européenne. Par exemple, l’idée que le berceau de l’Europe, son origine historique et mythique, se trouve hors de ses limites actuelles est une idée qui définit la conscience européenne.

Il s’agit donc, à travers ces rencontres, de remettre à l’ordre du jour cette idée dans la discussion à propos de l’unité et de la diversité culturelle de notre continent, au moment où se réalise l’élargissement vers l’Est.

Qui sont les participant-e-s?

Nous avons invité Bojana Pejic, critique et curatrice serbe établie à Berlin; elle était la curatrice de la première exposition rétrospective de l’art des pays post-communistes, «After the Wall», qui s’est tenue à Stockholm en 1999. Elle interviendra en présentant des stratégies actuelles de détournement de l’art monumental du réalisme socialiste.

Seront également présents Georg Schöllhammer et Hedwig Saxenhuber, rédacteurs de la revue d’art contemporain Springerin (Vienne)3, qui est engagée depuis de longues années sur les scènes artistiques des Balkans et du Sud-Caucase. Leur intervention portera sur la nouvelle géopolitique du monde de l’art après que la dichotomie Nord-Sud a perdu de sa pertinence. Marina Grzinic, artiste et philosophe slovène, interviendra sur la manière par laquelle l’art qui vient après le communisme peut contribuer à la fois à l’unité et à la diversité de l’Europe.

Deux intervenants d’Arménie seront également présents: Nazareth Karoyan, curateur et critique d’art, fondateur de la première galerie d’art contemporain en Arménie en 1993 et Hratch Bayadian, enseignant à l’Université d’Erevan et spécialiste de la situation de la culture et des médias dans l’Arménie post-soviétique.

Enfin la table ronde sera complétée par Catherine David, curatrice de la 10e Documenta4 de Kassel en 1997 et actuelle organisatrice d’un projet pluri-annuel intitulé «Représentations arabes contemporaines» dans l’institution qu’elle dirige à Rotterdam, le Witte de With5. Elle interviendra à propos de l’image que l’Occident a du Proche-Orient et des manières de la changer.

Comment qualifieriez-vous la situation de l’art et de la culture dans les pays ex-communistes?

La rhétorique de la «transition» a fait beaucoup de dégâts: elle suggère que ces pays se trouvent dans un état intermédiaire entre deux systèmes bien définis.

En somme, le modèle politique et social (économie de marché et démocratie) est donné d’avance, et les pays se mesurent alors à leur capacité ou non de satisfaire les critères. Or dans notre analyse, ces pays ont pour principal problème de se défaire de tutelles séculaires (notamment russe) pour conquérir une véritable indépendance.

L’émergence d’une culture diversifiée et en relation avec les différents pays d’Europe est un élément essentiel dans cette direction.

Propos recueillis par Razmig KEUCHEYAN

  1. www.utopiana.am
  2. Centre d’édition contemporaine, 18 rue Saint-Léger, 1204 Genève, tél: 022 310 51 70
  3. www.springerin.at
  4. www.documenta.de. La Documenta est le rendez-vous incontournable dans le domaine de l’art contemporain. Elle a lieu tous les cinq ans dans la ville allemande de Kassel depuis 1955. La dernière a eu lieu en 2002.
  5. www.wdw.nl