Quels choix stratégiques contre les bombes climatiques ?

Manifestation contre l'extension de la mine de charbon
35000 personnes ont manifesté pour empêcher l’exploitation du charbon sous le village de Lützerath, 14 janvier 2023.

Nous avons toutes et tous suivi la mobilisation à Lützerath. Afin de prévenir une catastrophe écologique, le 14 janvier, 35 000 (!) militant·e·s se sont rassemblé·e·s dans ce village abandonné transformé en ZAD dans l’ouest du pays, avant d’être sévèrement dispersé·e·s par la police. 

Face à l’aggravation de la crise écologique et l’inaction des gouvernements, partout dans le monde les actions écologistes directes prolifèrent. Aux États-Unis, le mouvement décentralisé Stop Cop City lutte depuis plus d’une année contre la construction d’un centre géant d’entraînement de la police qui nécessite la destruction d’une forêt. Avec en arrière-plan la lutte renouvelée contre les violences policières envers les personnes racisées, ce mouvement a vu converger militant·e·s antiracistes et activistes climatiques. Fin janvier, les forces de l’ordre y ont tué Tortuguita, zadiste de 23 ans, déclenchant un mouvement de solidarité national. Peu avant, le 10 décembre, à Marseille, environ 200 militant·e·s ont suspendu pour plusieurs semaines les travaux d’une cimenterie climatocide de Lafarge-Holcim. 

Plus près de nous, les zadistes du Mormont ont tenté d’entraver l’expansion d’Holcim, en réussissant à obtenir un large soutien populaire, à défaut de l’arrêt de la destruction de la colline. 

Les résultats concrets de ces mobilisations ponctuelles et spontanées sont malheureusement très variables. En 2020, les protestations avaient sauvé la forêt allemande de Hambach, sous laquelle gît une autre bombe carbone. Et on se souvient du succès historique de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

Se pose dès lors la question des méthodes et des perspectives de la lutte pour notre survie. Nous devons modifier radicalement les relations de propriété, socialiser et planifier l’économie, introduire un contrôle public sur l’énergie, ce qui implique une reconversion vers les énergies renouvelables et des emplois écologiques. Autrement dit, partir des besoins tout en tenant compte des limites planétaires. 

C’est une évidence pour Greta Thunberg, qui a déclaré que « le monde doit se débarrasser du capitalisme », ainsi que pour le responsable de Greenpeace Allemagne qui a confirmé la nécessité d’une redistribution du pouvoir.

Lützerath a démontré que nous sommes nombreux·euses à nous opposer aux politiques extractivistes. Mais cette mobilisation a également rappelé qu’on ne doit pas être naïf·ves. Celles et ceux dont l’objectif structurel est d’extraire des superprofits ne cesseront pas d’accumuler des richesses à cause d’un mouvement spontané, aussi large soit-il. 

Du côté institutionnel, les partis « verts » ne cherchent pas à renverser le rapport de forces, leur quête de respectabilité entrant de plus en plus souvent en contradiction avec les mouvements climatiques. Tandis que le combat climatique est largement soutenu par la population, une mobilisation encore plus fondamentale par en bas est nécessaire. 

Contrairement au mouvement antinucléaire des années 1970 qui se caractérisait par la permanence de son activité, lorsque ses nombreux comités locaux et ses coordinations nationales se réunissaient régulièrement, le mouvement d’aujourd’hui manque de structure, de coordination nationale et internationale, d’agenda commun, de plans à long terme ; ses actions sont sporadiques. 

La démultiplication des mouvements reflète la prise de conscience de l’urgence, mais ceux-ci s’épuisent vite à cause du mur que constituent les gouvernements sponsorisés par les multinationales. De façon contre-intuitive, il faut s’inscrire dans le temps long et ancrer des structures pérennes larges. En Suisse, il faut sortir de la logique fédéraliste, où chaque commune et chaque canton ont leur propres plans climatiques, de mobilité et relatifs à d’autres questions environnementales cruciales.

Avant que la bombe carbone sous Lützerath n’explose, ainsi que les 425 autres dans le monde, structurons la lutte environnementale comme une menace permanente pour l’institution même de la propriété privée.

La rédaction