Paquet fiscal: la régression à chaud

Paquet fiscal: la régression à chaud

Dans quelques semaines, les électeurs-trices commenceront à voter sur les enjeux du 16 mai, notamment sur le «paquet fiscal», contre lequel nous avons été à l’initiative – avec nos camarades d’«A gauche toute!» – du référendum populaire, et qui est également combattu par un référendum des cantons. Or, au moment où nous mettons sous presse ce journal, la droite fait des efforts frénétiques au parlement pour modifier la donne et sauver son paquet d’un NON possible et nécessaire! Le point…

Rappelons que pour l’immense majorité des salarié-e-s, pour celles-ceux gagnant moins de 7000/8000 francs par mois, le paquet fiscal, présenté mensongèrement comme une «aide aux familles», est une gigantesque tromperie.

D’un côté, ils-elles ne bénéficieront pas, ou seulement à doses homéopathiques, des baisses d’impôt proposées. De l’autre, ils feront les frais des «économies» encore plus brutales qu’un OUI au paquet «justifieraient», sur le plan fédéral mais aussi cantonal et communal. Rappelons que le manque à gagner pour la Confédération atteindrait 1,5 milliard, et s’élèverait à 2,5 milliards minimum pour les cantons et communes, avant l’aggravation proposée ces jours. Les attaques encore accrues contre les dépenses pour la protection sociale, l’emploi, l’éducation, l’aide au logement, la culture, la politique de l’environnement… sont donc préprogrammées. Outre le volet concernant l’impôt direct (IFD) les deux autres tranches du paquet bénéficient évidemment aussi aux couches sociales aux revenus élevés ou très élevés: réduction considérable de l’imposition des propriétaires immobiliers, d’une part et suppression d’imposition des transactions financières de l’autre.

Compenser la «progression à froid» ?

Au nom du groupe «A Gauche toute!» au Conseil national, Pierre Vanek a dénoncé au parlement la manœuvre du Conseil fédéral concernant la «progression à froid». Aujourd’hui, si on voulait «corriger» l’imposition directe dans l’intérêt du plus grand nombre, cette correction devrait se faire sans perte de recettes pour les collectivités, en compensant le manque à gagner par un accroissement correspondant de l’imposition des plus hauts revenus, c’est-à-dire en prenant l’exact contre-pied des mesures prévues par le paquet fiscal défendu becs et ongles par la droite patronale, a-t-il dit! (réd)

Début Merz: on met la gomme

Ces vérités ont été à la base de notre argumentaire référendaire. A l’automne le Conseil fédéral admettait encore que les allégements en faveur des propriétaires coûtaient trop cher et annonçait qu’il reviendrait avec des correctifs sur ce plan «après le vote», jouant la conciliation avec les cantons qui remettaient principalement en cause ce volet du paquet. Or le nouveau Conseil fédéral, avec Merz aux finances et Blocher dans le coup, a voulu passer la vitesse supérieure: plus question de réserves, le gouvernement mettrait le paquet… pour un OUI sans conditions.

Mais la machine a eu des ratés: début mars par exemple, le quotidien à gros tirage Blick se met à matraquer le thème selon lequel le paquet fiscal profite essentiellement aux hauts revenus: «En dessous d’un revenu de 150000 Fr. Tous perdants!» titrera-t-il, chiffres à l’appui. Jusqu’à l’hebdo économique CASH qui fera sa une, la semaine suivante, en affirmant que: «Les effets du paquet fiscal coûteront cher avant tout aux familles à revenus moyens» expliquant que «les cantons devront en effet réagir à la pression par le démontage de prestations et des augmentations d’impôts – en doublant les montants des programmes d’austérité déjà prévus»!

Virage à droite… et dérapage?

Le 4 mars, Merz annule en catastrophe sa conférence de presse de lancement de campagne de votation et les rotatives imprimant la brochure officielle de vote sont stoppées en dernière minute… le Conseil fédéral se réunira en «séance de crise». Pourquoi? On annonce qu’on avait «oublié» d’inclure dans le paquet la «correction de la progression à froid» et le parlement est sommé de voter, en urgence, un addendum au paquet qui se traduira, au final, par 850 millions de recettes en moins au titre de l’Impôt fédéral direct, avec bien sûr de grosses incidences supplémentaires en cascade sur les collectivités locales.

Les représentants cantons sont convoqués du jour au lendemain pour être entendus et refuserontnt de se présenter, tout en déclarant leur opposition à cette nouvelle mesure, des motions d’ordre s’opposant à la procédure d’exception, qui viole bien sûr les règles parlementaires normales, mais aussi les conditions ordinaires de l’exercice de la «démocratie directe» dans ce pays sont refusées par une majorité parlementaire de droite, large mais qui peine à être unanime. On est en plein vaudeville parlementaire! Et le paquet semble mal barré…

Rien n’est joué…

Pourtant, l’initiative du Conseil fédéral ne relève pas du simple fait que celui-ci aurait «perdu la tête» pour reprendre le titre d’un communiqué récent du PSS. Sur le fond, le gouvernement maintient son cap: tentative d’appâter abusivement les électeurs-trices en faisant donner des «baisses d’impôts» supplémentaires, qui profiteront – comme les précédentes – avant tout aux plus riches et qui se traduiront par une charge proportionnellement accrue sur les revenus les plus modestes, avec aussi et surtout une accentuation de la politique des «caisses vides» pour légitimer le démontage social. Comme l’annonce Merz dans Le Temps du 6 mars: «cela accroîtra d’autant la pression sur l’assainissement du budget…»!

Et les moyens ne manqueront évidemment pas, en face, pour mener campagne. La Sonntagszeitung du 7 mars annonce une mobilisation massive à coups de millions financées par les poids-lourds du patronat et de la banque helvétiques… Marcel Ospel président de l’UBS donne de la voix en faveur d’une réduction de la quote-part fiscale, le Crédit Suisse «investira» pour la bonne cause, Peter Hasler directeur de l’Union patronale suisse exige qu’on prenne le virage… Le lobby patronal economiesuisse avoue un engagement de campagne supérieur à 5 millions, chiffre qu’on peut sans aucun doute multiplier par au moins un facteur deux… De notre côté, la campagne de terrain la plus forte possible devra s’opposer à la politique fiscale de la droite, avec un NON au paquet bien sûr, mais aussi un deuxième NON à la TVA antisociale (v. ci-contre) …associée à notre refus de démontage de l’AVS au dépens des femmes.

Pierre VANEK