Un salaire minimum contre les inégalités de genre

Alors que la récolte de signatures pour un salaire minimum vaudois bat son plein, nous revenons ici sur une part importante mais invisibilisée de l’inégalité salariale : la moindre rémunération des emplois majoritairement féminins. 

Une manifestante tient une pancarte: Pour des salaires justes
Journée internationale de lutte pour les droits des femmes 2023, Genève

Les métiers largement exercés par les femmes sont souvent les moins valorisés. Ces dernières constituent 60 % des personnes à bas revenus en Suisse. Salaires inférieurs riment toujours avec dévalorisation des compétences et conditions de travail pénibles. Une réalité qu’il est impératif de rendre visible. 

Le métier de femme de chambre, par exemple, comme son nom l’indique, est majoritairement exercé par des femmes. Malgré l’existence d’une convention collective, les salaires restent très bas, avec un salaire mensuel de 3582 francs auquel s’ajoute un treizième salaire, mais qui peut être baissé pendant une période d’introduction de plusieurs mois. 

Malgré leur centralité dans l’activité économique de l’hôtel et leur expertise, ces travailleuses souffrent d’une sous-évaluation salariale et d’un manque de reconnaissance de leurs compétences et de la pénibilité des tâches effectuées. 

Dans le secteur de la coiffure, la sous-enchère salariale est très forte, malgré des salaires parmi les plus bas prévus par une convention collective : le premier palier salarial, pour un temps plein, est à 3350 francs. Pourtant, ce métier est exigeant, tant du point de vue du contact avec la clientèle que des compétences techniques. Beaucoup de coiffeuses doivent interrompre leur carrière en raison de troubles découlant de la position debout prolongée ou du maniement des ciseaux, ou encore en raison de l’exposition quotidienne aux produits chimiques.

Les femmes occupent également une place prépondérante dans le secteur du nettoyage, où la division des tâches reste constante. Le nettoyage dit « spécifique » et celui de chantier, qui nécessitent une formation technique et sont mieux rémunérés, sont principalement attribués aux hommes. Les femmes, quant à elles, sont majoritaires dans les tâches telles que le nettoyage des bureaux, qui se font en horaires coupés et qui sont moins rémunérées : à partir de 19,75 francs par heure, avec un 13e salaire.

Dans le secteur des ménages privés, les conditions sont encore plus dégradées. Échappant à la loi sur le travail, ce secteur est régi par un contrat-type. Celui-ci prévoit  bien un salaire de 19,50 francs par heure, sans 13e salaire et pour un temps plein de 51 heures hebdomadaires. Sauf que ce salaire minimum ne s’applique qu’à partir de 5 heures de travail par semaine pour le même employeur, ce qui exclut la grande majorité des salariées.

Une division du travail qui influence les niveaux de salaire

Dans tous ces métiers, la plupart des femmes travaillent à temps partiel, car c’est en majorité ce type de contrat qui leur est proposé. Afin de tenter de joindre les deux bouts, elles doivent donc cumuler les postes et travailler dans une grande amplitude horaire, tout en conciliant leurs responsabilités familiales.

Cette insuffisance crasse de revenu, empêchant une véritable autonomie économique, prend racine dans la division genrée du travail. Les métiers dits féminins sont souvent considérés comme des extensions rémunérées des tâches de soins et d’entretien assignées aux femmes et exercées gratuitement dans le cadre domestique.

De plus, les salaires des femmes ont historiquement été fixés très bas, car considérés comme des revenus d’appoint complémentaires à ceux des maris. Une vision que l’on imagine révolue, mais qui a la peau dure dans le milieu du travail, et qui se traduit également dans la répartition des temps partiels dans le couple cis-hétérosexuel. 

Enfin, ces métiers les moins rémunérés partagent souvent une caractéristique commune : ils sont majoritairement exercés par des femmes non-blanches ou issues de l’immigration. Cette situation est d’autant plus aggravée lorsque le statut de résidence est précaire.

Cette non-reconnaissance a des conséquences tout au long de la vie, notamment sur la santé. La pénibilité étant mal identifiée, les travailleuses souffrent de maux qui ne sont souvent pas considérés comme des maladies professionnelles. Aucune des conventions collectives des branches concernées ne prévoit d’ailleurs de plan de retraite anticipée. L’impossibilité fréquente de travailler jusqu’à l’âge légal de la retraite, couplée aux faibles salaires, a un impact lourd sur les rentes à la retraite.

Plusieurs centaines de francs d’augmentation

L’introduction du salaire minimum vaudois constituera une véritable amélioration des conditions de vie des travailleuses précaires, car leur salaire pourrait augmenter de plusieurs centaines de francs par mois. Il serait aussi un premier pas vers la reconnaissance du travail exercé par ces femmes. Signez et faites signer les deux initiatives pour un salaire minimum vaudois ! 

Marlene Carvalhosa Barbosa    Susan Bajrami