Contre les frontières et les murs
Contre les frontières et les murs
A 17 ans, ladolescente Aimée Stitelmann était aux frontières. Toute jeune avec la fougue de ladolescence, elle a réagi comme devrait le faire tout être humain épris de liberté. Elle a voulu supprimer ces murs qui divisent mortellement. Elle sest engagée pour permettre le passage, la rencontre, la justice, légalité, des êtres humains et, toute sa vie, elle a continué à se battre pour davantage dhumanité et de justice, contre les murs de lintolérance.
Si la frontière franco-suisse a pris depuis lallure dune routine stupide et agaçante, Aimée na certainement jamais oublié la menace que représente une frontière. Condamnée par la justice suisse, parce quelle avait contrevenu aux prescriptions fermant la frontière suisse, elle est restée aux côtés de celles et ceux qui risquent leur vie aux frontières. Elle a soutenu les réfugié-e-s, les exilé-e-s, les immigré-e-s, durant toute sa vie. Jusquà la fin
Contre le Mur de la honte
Jusquen été 2004, Aimée était avec nous, Femmes en Noir, les mercredis soir au bas de la rue de la Cité à Genève, pour distribuer des tracts dénonçant le mur ignoble érigé par les autorités israéliennes en Palestine, et prônant des solutions de justice et de paix, négociées aussi par des femmes! Avec une cohérence implacable, elle se battait contre les mêmes monstres, quelle que soit leur origine, de lAllemagne nazie, des USA de Bush ou de lactuel Israël de Sharon.
Un jeune journaliste quelle avait amené aux Femmes en Noir ne comprenait pas dabord le rapport quil y avait entre enfants juifs de 1941 et enfants palestiniens aujourdhui. Elle lui a expliqué avec une certaine impatience et un grand sens pédagogique, il a compris, il a bien su présenter les combats dAimée aux lecteurs-trices de «LIllustré».
Pour le droit dasile
Cette dernière année, Aimée se plaignait de la pléiade de journalistes quelle a dû recevoir, pour reparler sans cesse de ses actes pendant la guerre. Cela lui prenait énormément de temps et en fait ses dernières forces. Mais elle tenait le coup, nenvoyait pas au diable ces jeunes journalistes, parce quelle pensait que cela pouvait servir ici et maintenant, à dautres persécuté-e-s, que cela pourrait aussi mettre en lumière le travail des militant-e-s qui dans lombre aident les requérant-e-s dasile. Aimée pensait entre autres au travail dAmnesty et au travail dELISA à Genève.
ELISA-ASILE se définit comme «une chaîne de citoyens et citoyennes aux yeux ouverts sur la pratique du droit dasile»; ce type de définition plaisait bien à Aimée au regard bleu si lucide et droit. Les permanents et les bénévoles dELISA informent de leurs droits les gens qui cherchent refuge en Suisse, notamment au poste frontière de laéroport et suivent leur demande dasile. Ainsi, maintenant encore des vies sont sauvées, grâce aux interventions des «asilonautes» qui se bagarrent juridiquement et administrativement pour empêcher des renvois vers la persécution. Les personnes qui font cela le font discrètement,, sans prendre les mêmes risques quen 1941-44. Pourtant Aimée faisait le rapport entre son action dalors et le travail des militant-e-s de lasile dans la Suisse de Blocher.
Avec les NEM
Actuellement, non seulement la Suisse refoule des demandeurs dasile en danger de mort, mais a déjà tué des réfugiés lors de leur expulsion et prévoit dutiliser des pistolets à électrochocs, donc la torture, pour contraindre les étrangers récalcitrants à quitter le pays. Quant à celles-ceux pour qui on nentre même pas en matière sur leur demande dasile, on les met sous pression pour les contraindre à disparaître, sans la moindre aide matérielle. En pratique, de nombreux requérant-e-s objets dune décision de non-entrée en matière (NEM) ne peuvent être expulsés et sont donc poussés dans la clandestinité, dans la plus complète inhumanité. Enfin, des personnes qui les hébergent ont été condamnées à la prison par la «justice», comme Aimée en 1945. Notre amie se sentait particulièrement solidaire de ces frères-surs en humanité.
Son compagnon Henri et sa fille Muriel ont tenu à ce que notre solidarité avec les requérant-e-s dasile sexprime par un don à ELISA en souvenir dAimée, et en signant la pétition adressée à la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales pour leur réclamer de considérer les personnes frappées de non-entrée en matière comme des êtres humains [pétition sur www.elisa.ch]
Maryelle BUDRY