L'Alternative électorale: une ouverture politique?

L’Alternative électorale: une ouverture politique?

Alors que les mobilisations sociales des deux dernières années semblent marquer le pas et que le mouvement ouvrier a connu certaines défaites dans l’industrie automobile (Daimler, Volkswagen, Opel), un nouveau sigle politique se fraye un chemin en Allemagne. La WAsG, (Wahlalternative – Arbeit und soziale Gerechtigkeit), autrement dit l’«Alternative électorale pour l’emploi et la justice sociale» a été formellement fondée en juin 2004 et devrait préfigurer les contours d’un nouveau parti politique.

Face à un parti social-démocrate (SPD) définitivement «blairisé» et affaibli numériquement, soutenant la politique systématique de démantèlement des acquis sociaux du gouvernement Schröder, la WAsG pourrait représenter le creuset d’une force d’opposition syndicale et politique au néo-libéralisme, qu’il prenne les habits du deuil (les «noirs» de la CDU-CSU) ou ceux du kitsch pâtissier (le «rose-vert» de la coalition actuelle).

Un mouvement bigarré

Plusieurs courants politiques confluent vers la WAsG. Il y a d’abord ceux dont la réunion a établi le certificat de baptême, l’Alternative électorale 2006 d’un côté et l’Initiative pour l’emploi et la justice sociale de l’autre. La première regroupe des (ex-) membres du PDS (anciens «communistes» de l’Est), déçus par la ligne collaborationniste de ce parti, des partisans, souvent universitaires, d’une politique sociale classiquement social-démocrate (keynésienne), et enfin des syndicalistes de la fonction publique, revendiquant une politique syndicale plus combative. Le deuxième courant, plus restreint, socialement et géographiquement, provient du mouvement syndical (cadres intermédiaires) de l’IG Metall, essentiellement du nord de la Bavière. Souvent exclus du SPD, ces militant-e-s réclament le retour à une politique traditionnelle de défense de l’Etat social.

Autour de ce noyau, une agrégation de forces vives des mouvements issus des mobilisations antérieures (étudiants, chômeurs, altermondialistes, femmes et hommes) a commencé à se faire. L’élan du début s’est cependant un peu tassé. Enfin, un dernier courant, regroupant partiellement les petites forces anticapitalistes allemandes (Linksruck, Sozialistiche Alternative, Internationale sozialistische Linke) tente de se faire une place dans cette confluence, forte actuellement de 7’000 membres environ. Ce qui n’a rien de facile. Les pratiques bureaucratiques, qui veulent qu’un bon congrès est un congrès qui ronronne, l’autoritarisme, les médiocres calculs électoralistes, dressent un mur d’incompréhension entre certains promoteurs de l’Alternative et les militants des mobilisation sociales dont ils se voudraient pourtant l’expression politique.

En être ou pas?

La gauche radicale a néanmoins pu obtenir droit de cité dans l’organisation régionale la plus forte de la WAsG, celle de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Cologne, Düsseldorf, Bonn), «Land» le plus peuplé d’Allemagne. Contre l’avis des sphères dirigeantes, la WAsG sera ainsi présente aux élections régionales, en mai 2005, seule manière de tenter de cristalliser un courant d’opinion dans une optique de résistance au néolibéralisme, sans attendre les échéances parlementaires nationales. Car, dans l’ancienne Allemagne de l’Est, l’extrême-droite, elle, n’a pas attendu. L’opposition de la direction nationale évoquait, en gros, un double argument: soit le résultat électoral est faible et ne fait que priver la coalition SPD-Verts de la victoire; nous porterions alors la responsabilité de l’accession de la CDU-CSU au gouvernement régional. Soit nous rentrons au Parlement régional et nous serons forcés de soutenir le gouvernement rose-vert. Dans les deux cas, nos chances pour les élections fédérales de 2006 sont affaiblies… Un raisonnement circulaire d’une redoutable impuissance.

La voie qui mène vers une expression politique indépendante du combat contre la régression sociale et le néo-libéralisme n’a, on le voit, rien de royale. Entre les tentations du parlementarisme, du réformisme le plus retenu pour ne pas effrayer le «centre» et du caporalisme interne, le chemin sera escarpé pour la gauche radicale. La construction d’un authentique instrument politique des mobilisations sociales n’ira pas de soi. Difficile, toutefois, de ne pas en être, dans la nouvelle période politique ouverte par le gouvernement Schröder.

Daniel SÜRI