Des jeunes de Genève au Forum social mondial
Des jeunes de Genève au Forum social mondial
En janvier 2002, une dizaine de jeunes Neuchâtelois avaient participé au Camp Intercontinental de la Jeunesse, dans le cadre du 3e Forum Social Mondial (voir leur témoignage dans le n° 23 de notre journal, disponible sur le site: www.solidarites.ch). Cette année, c’était le tour d’une vingtaine de jeunes de Genève, dans le cadre d’une délégation du Glaj (Groupe de liaison genevois des Associations de Jeunesse). A leur retour, nous avons rencontré Arun Chanson (27 ans), Céline Gantner (21 ans), et Thibault Steimer (20 ans).
Comment votre groupe s’est-il formé? Comment s’est-il préparé à participer au Forum Social Mondial?
Céline: Dès février 2004, un cycle de formation a été mis en place par les huit associations de jeunesse participant au projet. Il était basé sur quatre thèmes: coopération internationale, engagement social, biosphère et droits humains. Durant les dix mois avant de partir, nous avons passé énormément de temps ensemble: une à deux plénières, plus trois ou quatre commissions par mois, sans oublier les journées et week-ends figurant au programme «imposé»
Arun: Chaque association devait organiser deux événements, des ateliers entre nous ou des conférences convoquées plus largement avec un invité. En même temps, des groupes se sont constitués pour préparer les activités de notre délégation: logistique sur place, théâtre de rue, restitution, etc.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans cette délégation?
Thibault: La curiosité. Pour comprendre la globalisation. Je crois que la société civile est en train d’être globalisée dans le sillage de l’économie. Il n’y a pas d’anti-mondialisme possible, sauf à virer à l’extrême-droite, mais il faut discuter de la mondialisation que nous voulons.
Céline: Moi aussi, j’étais curieuse. Ce n’est pas que je n’étais pas consciente avant, mais je me sentais impuissante. En arrivant sur place, j’ai compris quelques enjeux de l’altermondialisme, notamment le fait qu’il faut profiter de la mondialisation pour en tirer quelque chose de positif. Ce projet mondial a une dimension magique. Le premier jour du forum, je n’ai pas pu suivre de conférence, à cause de problèmes techniques, mais j’ai eu des discussions incroyables avec des participant-e-s. Par exemple, un paysan argentin m’a raconté comment, avec son association, ils avaient réussi à mettre en échec les projets de délocalisation des populations par une multinationale. Alors, je me suis dit que nous pouvions aussi faire quelque chose
Malgré 20 millions de manifestants-es dans le monde, le 15 février 2003, la guerre a quand même eu lieu en Irak et ses conséquences sont effroyables. Le mouvement anti-guerre n’a-t-il pas subi un échec?
Arun: Non, la situation a un peu changé tout de même. L’Europe n’a pas suivi aveuglément les Etats-Unis. Chavez et Lula ouvrent de nouvelles possibilités en Amérique latine. Il est possible de dire non aux Etats-Unis, même de la part de pays du Sud, pour autant qu’ils s’unissent.
La gauche et la droite, cela a-t-il encore un sens pour vous?
Thibault: On continue à penser la politique en termes gauche-droite, mais je dirais qu’il y a aussi une opposition progressistes-conservateurs, qui n’est pas la même. On peut être de gauche et conservateur, si on refuse de se remettre en question La génération précédente voulait changer le monde, révolutionner les choses, faire table rase et reconstruire. Le mouvement «alter» veut changer tout ce qui ne va pas. Il est plus pragmatique.
Arun: La droite a tendance à appliquer une politique de peur, la gauche mise sur l’accueil, la solidarité. Mais attention, le conservatisme n’est pas toujours mauvais, quand le changement va dans le mauvais sens.
Voulez vous changer quelque chose dans les rapports entre hommes et femmes?
Céline: A Porto Alegre, je n’ai pas senti de discrimination envers les femmes, pas de violence ou de sentiment d’être menacée. J’ai constamment ressenti une atmosphère de joie, de plaisir, de partage. Mais c’est un fait, il y avait toujours beaucoup plus d’hommes que de femmes sur les podiums.
Thibault: Je n’y ai pas fait attention Notre génération est profondément égalitaire à ce niveau, même s’il me semble que les réactions machos sont de retour parmi les plus jeunes.
Un autre monde est possible comment le voyez-vous?
Arun: Je crois au dialogue, aux échanges, aux rencontres, à la découverte de l’autre, à la formation de réseaux. Il est important de connaître la culture des autres pour pouvoir travailler et agir ensemble. Nous sommes tous responsables par rapport aux être humains et à la nature. Certains possèdent trop et d’autres n’ont presque rien. Mais attention, il n’y a pas de solution-miracle, il n’y a pas non plus de compte à rebours. On ne va pas changer le monde, mais le faire évoluer en profondeur. L’espoir est nécessaire. Dans un siècle, on n’aura peut-être plus besoin de forums sociaux car les choses auront changé
Céline: Il ne faut pas opposer le réalisme à l’utopisme. Il y a de la réalité dans l’utopie! Il est important d’y croire et surtout d’agir pour que cela devienne réel. Pour aller vers un autre monde, il faut rejeter le pouvoir de quelques uns qui dirigent le monde à l’insu des autres. Nous avons besoin de plus de transparence, de plus de respect, de plus de liens, de plus de démocratie…
Propos recueillis par Jean BATOU