La Suisse, c'est nous!

La Suisse, c’est nous!

Nous étions près de 8’000 personnes à manifester le 18 juin 2005, à Berne, pour dire OUI au respect des droits et de la dignité des migrant-e-s, NON à la politique raciste et discriminatoire du Conseil fédéral et de Blocher. Un cortège déterminé, bigarré et joyeux, rassemblant de très nombreux-euses immigré-e-s, avec ou sans papiers, requérant-e-s d’asile déboutés, victimes de non-entrée en matière (NEM), des jeunes qui veulent agir contre le racisme, des syndicalistes et de très nombreuses associations de défense des droits des migrant-e-s.

Le succès de cette manifestation constitue un point d’appui appréciable pour lancer, dans les mois à venir, les deux référendums qui signifieront notre refus de la politique blochérienne du gouvernement helvétique, concrétisée par la nouvelle Loi contre les étrangers(LEtr) et la révision de la Loi sur l’asile (LAsi).

Le Conseil des Etats, ce printemps, a totalement verrouillé, dans la nouvelle LEtr, les conditions d’admission pour le séjour en Suisse des ressortissant-es de pays non-membres de l’Union européenne (UE), réservant l’octroi d’une autorisation de séjour aux seuls cadres, spécialistes et autres travailleurs-euses qualifiés. Il ferme la porte à toute régularisation des sans-papiers, bloquant même la voie très étroite de l’examen, au cas par cas, des demandes de permis humanitaire figurant dans la circulaire Metzler. Il supprime le droit à une autorisation d’établissement, après avoir passé dix ans en Suisse au bénéfice d’une autorisation de courte durée ou de séjour. Les conditions du regroupement familial sont rendues beaucoup plus difficiles encore.

De son côté, la révision de la LAsi constitue un pas supplémentaire vers la liquidation pure et simple du droit d’asile, notamment par le principe inscrit d’un renvoi, aussi systématique que possible, vers des pays arbitrairement qualifiés de « sûrs », par la détention possible des requérants dans les centres d’enregistrement ou la transformation des aéroports en véritables souricières pour les nouveaux arrivant-e-s. Quant aux libertés fondamentales, elle sont bafouées avec le plus grand mépris: ainsi tout requérant-e d’asile, visé par une décision négative, pourra être emprisonné-e pendant deux ans, un périmètre limité pouvant par ailleurs lui être assigné, avec à la clé une peine de trois ans de prison en cas de violation.

Pour faire sortir tous les débouté-e-s des statistiques de l’asile et réaliser des économies, il est prévu que les cantons puissent les exclure de l’aide sociale, généralisant ainsi le régime imposé aux NEM. Quant aux admissions provisoires, liées à l’inexigibilité du renvoi, il ne faudra démontrer à l’avenir plus seulement l’existence d’un « danger concret », mais celle d’un « danger pour la vie ». Et le coup de grâce au doit d’asile est porté par le droit de prononcer des non-entrées en matière pour toutes celles et ceux qui n’ont pas de pièce d’identité, soit plus de 80% des requérant-e-s d’asile!

La brutalité des mesures votées contre les étrangers-ères par la majorité bourgeoise des parlementaires du Conseil des Etats se rangeant derrière l’UDC fait écho à la politique des quotas, prônée aujourd’hui à nouveau en France par le gouvernement Sarkozy et de Villepin. Elles s’inscrivent dans une politique de démantèlement du droit d’asile et des droits de tous les migrant-e-s, mise en œuvre dans le cadre des Accords Schengen/Dublin par l’UE. Elles vont de pair avec une politique d’exploitation accrue de salariés étrangers, femmes et hommes, privés de tout droit, et de ce fait encore plus fragilisés et précarisés. Elles s’accompagnent d’une véritable campagne visant à mettre un signe égal entre immigré-e ou requérant-e d’asile d’une part et délinquant-e d’autre part. Le poison des préjugés racistes est ainsi distillé, par petites touches, légitimé par un conseiller fédéral et un parti gouvernemental, l’UDC, qui pratique ouvertement cet amalgame.

Il est urgent de s’y opposer, tous et toutes ensemble! La manifestation du 18 juin à Berne porte cet espoir, comme le portent les luttes du mouvement des sans-papiers en Suisse et en Europe, ou celle menée actuellement contre tous les renvois de requérant-e-s déboutés dans le canton de Vaud. Cet automne, une majorité des Chambres fédérales va très certainement avaliser la nouvelle LEtr et la révision de la LAsi. Elle trouvera sur son chemin une résistance têtue et combative, qui lancera deux référendums, pour que la Suisse ne devienne pas un Blocherland!

Jean-Michel Dolivo