Egalité homme-femmes: une révolution sociale et culturelle

Egalité homme-femmes: une révolution sociale et culturelle

La revendication d’égalité des droits entre femmes et hommes, aiguillée par les organisations féministes, a profondément modifié le visage traditionnel de la famille et de la société. «Ni bonniche, ni potiche. Nous voulons notre place dans tous les domaines, toute notre place». Personne ne retirera plus cela de la tête des femmes. Les luttes féministes du 20e siècle ont abouti à de nouvelles normes.

Inscrit dans la Constitution en 1981, le principe de l’égalité des droits entre femmes et hommes est concrétisé dans une loi fédérale, votée le 24 mars 1995, et entrée en vigueur le 1erjuillet 1996, il y a 10 ans. Toute discrimination en raison du sexe est en principe interdite. Ainsi, une personne victime d’inégalité salariale peut-elle porter plainte devant un tribunal. Les collectifs (syndicats, associations féminines ou féministes) sont habilités également à dénoncer des cas d’inégalité de traitement devant la justice.

Cette loi est importante, parce qu’elle permet à toutes les femmes, sans distinction de statut – qu’elles soient suisses ou immigrées – de faire respecter leur droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Elle est l’aboutissement d’années de mobilisations. De surcroît, en permettant de lutter contre le dumping salarial, elle est favorable à l’ensemble des travailleurs, femmes et hommes.

Mais une loi ne suffit pas pour changer la réalité; si elle ne s’accompagne pas d’un mouvement social, d’une volonté continue de transformer les rapports sociaux, elle peut rester longtemps (presque) lettre morte. Surtout qu’aujourd’hui, dans le monde de l’entreprise – dans le privé surtout, mais aussi dans le public -, l’égalité est une valeur très mal cotée. La domination masculine et la soumission y restent dominantes.

Grâce aux statistiques disponibles, on peut aujourd’hui tenter de chiffrer les discriminations: en Suisse, une travailleuse gagne en moyenne 14’500 francs de moins par année qu’un travailleur. Depuis 1981, il n’y a cependant eu que peu de dénonciations de ces inégalités flagrantes. Les recours à la loi ont été très (trop) rares, bien qu’ils aient souvent abouti à des succès. Au rythme où vont actuellement les choses, il faudrait encore 68 ans au moins pour que l’égalité salariale soit atteinte! C’est tout dire.

De manière générale, la place subalterne des femmes reste une évidence sur l’ensemble du marché du travail, mais les résistances à l’égalité entre femmes et hommes ne sont pas sensibles uniquement dans la vie professionnelle. Dans le cadre de la famille, les mères restent les principales responsables de l’éducation des enfants et plus encore du travail domestique. Indispensable, mais dévalorisé, c’est un travail qui prend beaucoup de temps et d’énergie. Les moyens classiques de la domination masculine – exercice du pouvoir politique, exclusion des femmes de toutes les sphères à responsabilité – s’imposent d’autant plus facilement comme naturels et…. involontaires.

Les femmes se préparent à de durs combats: tous les moyens de lutte devront être mobilisés, aussi bien législatifs – modifications des lois, introduction de quotas, etc.– que sur le terrain: par des mobilisations de rue, par des grèves symboliques ou non, sur le lieu de travail comme au foyer.

En luttant pour l’égalité, les femmes ne revendiquent pas simplement une place identique à celles des hommes. C’est un autre monde, un autre rapport au travail, à la vie privée et sociale, à l’argent, au temps libre, bref une autre manière de vivre qu’elles se proposent de promouvoir pour changer ce monde injuste, brutal et violent. Cette révolution sociale et culturelle est en marche. Rien ne pourra l’arrêter.

Marianne EBEL