Mouvement anti-guerre aux USA: le retour en force

Mouvement anti-guerre aux USA: le retour en force

Ce samedi 24 septembre, environ 250000 personnes ont participé, à Washington D.C., à la plus importante manifestation contre l’occupation en Irak depuis le début des hostilités. Pour bien saisir l’extraordinaire dimension de ce cortège, il faut rappeler que les plus importants rassemblements contre la guerre au Vietnam, à l’automne 1969, attiraient entre 250000 et 500000 personnes dans la capitale. Une manifestation de dimension historique donc, et qui marque un nouveau départ du mouvement anti-guerre, quelque peu amorti depuis les rassemblements massifs du printemps 2003. Et pour cause: une répression cinglante s’était mise en place, les opposant-e-s à la guerre subissant des attaques extrêmement violentes dans les médias, ainsi que des centaines d’arrestations aléatoires. Comment expliquer le renouvellement du mouvement durant cet été?

En 1955, Rosa Parks, assise dans un bus en Alabama, refuse de céder sa place à un blanc. Elle est arrêtée et condamnée pour violation des lois de ségrégation. Son acte débouche sur un mouvement de boycott de la compagnie de bus et donnera une impulsion décisive au mouvement des droits civiques. En août 2005, une Californienne, Cindy Sheehan, décide de camper devant le Ranch au Texas, où Georges W. Bush passe ses vacances. Son fils ayant été tué pendant son service militaire en Irak, Cindy Sheehan réclame que le Président lui explique les raisons morales de l’occupation. Rapidement, un mouvement de solidarité se met en place, des centaines de personnes arrivent au Texas, des démonstrations de soutien ont lieu dans différents Etats.

Une étincelle
qui relance le mouvement

La protestation de cette femme est devenue, comme l’avait été celle de Rosa Parks, le symbole d’un mouvement qui s’oppose à une guerre jugée criminelle. Les actes de ces deux femmes ne sont pas cependant de simples démonstrations spontanées de courage individuel: comme Rosa Parks, engagée depuis des années dans le mouvement des droits civiques, Cindy Sheehan fait partie d’une importante organisation anti-guerre: le Military Families Speak Out (MSFO). Sa protestation devient donc l’étincelle qui relance le mouvement.

Toutefois, depuis juin, une série d’autres éléments nourrissent ce redémarrage: les médias informent quotidiennement sur la guerre civile qui sévit en Irak et annoncent, en été, que plus de 1900 soldats US y ont trouvé la mort. Le «Downing street memo» publié en mai dans le Sunday Times a un impact considérable: ce document officiel fournit la preuve que, de longs mois avant l’invasion en Irak, Tony Blair et Georges W. Bush se sont entendu pour mener une guerre dans ce pays et chargent les services de renseignement de fournir une justification valable pour déclarer les hostilités. Alors que l’administration Bush refuse toujours de donner un quelconque calendrier pour le retrait des troupes, plusieurs élu-e-s au Congrès commencent à revendiquer une «exit strategy» . Selon un sondage de CNN de la semaine passée, presque 60% des citoyens et citoyennes US déclarent que la guerre en Irak était une erreur.

C’est donc dans ce contexte, que les deux grandes coalitions anti-guerre, United for peace & justice et Act Now to Stop War and End Racism , qui regroupent des centaines d’organisations, ont appelé à la manifestation du 24 septembre. Le mots d’ordre est sans équivoque: retrait immédiat des troupes américaines d’Irak. En tenant compte du fait que, au cours de cette dernière année, une partie des forces hostiles à l’invasion de l’Irak avaient accepté que l’armée devait rester dans le pays pour empêcher le chaos politique et les violences de prendre le dessus, cette position paraît assez radicale. Le fait qu’elle ait incité des centaines de milliers de personnes à se mobiliser est un signe du potentiel du mouvement anti-guerre américain, qui ne semble pas avoir dit son dernier mot.

Janick SCHAUFELBUEHL