Lettre collective d'Aspasie à Richard Poulin: Et pourtant elles existent!

Lettre collective d’Aspasie à Richard Poulin: Et pourtant elles existent!

Chères lectrices, chers lecteurs,

… et si vous pensiez-écriviez tout haut ce que vous lisez-pensez tout bas? solidaritéS se voulant votre journal, ouvre un espace pour que vous puissiez vous exprimer sur le contenu des textes que nous vous proposons, participer aux débats et nous aider à mieux coller à vos attentes. Nous vous demandons cependant de vous soumettre aux contraintes que le comité de rédaction s’est lui-même imposées en refusant l’anonymat (si vous le souhaitez, seules vos initiales apparaîtront), l’avanie et… la logorrhée: tâchons de nous en tenir à 2000 signes. D’accord? Alors, à vos plumes, claviers, souris, courriels (journal@solidarites.ch) ou boîte aux lettres (solidaritéS, CP 2089, 1211 Genève 2). Et merci d’avance! (réd)

Un certain nombre de travailleuses du sexe à qui nous avons transmis les récents articles de Solidarités (No 74, 76 et 77) ressentent comme une insulte l’attitude «abolitionniste». Spontanément, elles invitent Monsieur Poulin à rencontrer des personnes qui, comme elles, sont actives dans la prostitution sans pour autant être victimes d’un proxénète ou d’une personne extorquant leurs gains, les séquestrant ou les maltraitant. « Quand je suis sortie de prison, c’était déjà la crise au niveau des emplois. Je me suis recyclée, j’ai saisi des opportunités, je me suis débrouillée. Je n’ai pais demandé d’aide aux services sociaux ni à personne. J’avais la responsabilité de ma famille, de mes enfants. J’ai pu subvenir à nos besoins, et je ne vois pas ce que j’aurais pu faire d’autres pour m’en sortir financièrement… »

Dans le Bus de nuit de la Place des Alpes de Genève (présent aux Pâquis les mercredi et vendredi, de 22h30 à 1 heures) la conversation s’engage avec des femmes originaires du Cameroun, mariées avec un permis suisse d’établissement: « Qu’est-ce que vous auriez à dire sur vos débuts dans la prostitution? Est-ce que vous pensiez à ça en arrivant en Suisse? Non, bien sûr que non (grands éclats de rire). J’ai écrit 1000 offres d’emploi, je voulais un travail de caissière, j’avais fait une formation pour ça. 1000, je te jure. Maintenant quand j’ai une mission temporaire, je tiens trois jours et je m’enfuis. Avec le travail du sexe, je me sens plus libre, je m’organise comme je veux, finalement, aujourd’hui, je dois dire que c’est moi qui décide. Ce n’est pas de la grande liberté avec un grand L. Mais c’est quand même pas du trafic! Jusq­u’à présent personne n’a pu me violer, me prendre mon argent ».

Nous aimerions revenir aussi sur d’autres points soulevés par la controverse entre abolitionnistes et les réglementaristes, en particulier sur les réalités du commerce du sexe dans les différentes législations. Nous avons contacté nos collègues d’Allemagne, des Pay-Bas, d’Italie et de Suède, qui ont beaucoup à dire à ce sujet et nous sollicitons qu’elles puissent s’exprimer aussi dans vos colonnes.

Propos recueillis par Marie-Jo GLARDON