Clandestinité oblige…

Clandestinité oblige…

« Cette histoire s’est réellement passée, mais oubliez, car elle est illégale, dangereuse et morale. (…) N’envoyez pas les gendarmes à ma porte, je nierais en bloc. Et pourtant, malgré le délai de prescription non atteint, j’éprouve le besoin de la conter. Parce que j’en suis fière et que de telles histoires, j’en suis persuadée, il en existe de nombreuses dans notre pays. »

Cloé, conseillère municipale jurassienne, a rencontré, dans le cadre de sa charge des affaires sociales, la famille requérante d’asile attribuée à sa commune: le père, joailler, la mère, soumise selon la tradition, trois enfants, une adolescente et deux petits, venus de Géorgie, où les Arménien-ne-s sont encore persécutés. Des gens très attachants, qui ont envie de s’adapter vite à la Suisse. Le village les intègre, les amitiés se nouent.

Mais 6 mois plus tard – serez-vous étonnés? – la réponse de l’ODR tombe, négative. Les recours ne sont pas plus acceptés. Cloé essaie des démarches au Canada. Les réponses tardent…

C’est alors que d’un commun accord, la famille, Cloé et ses amis décident d’opter pour la clandestinité. La famille sera cachée dans une ferme isolée appartenant à une équipe de spéléologues. La clandestinité durera un an. Une éternité d’angoisse et de passivité obligée. C’est l’adolescente, si brillante et sociable, qui en souffrira le plus, risquant de sombrer dans l’anorexie. L’équipe de soutien s’investit jusqu’au bout de ses forces: apporter la nourriture, amener la vie et l’animation aux isolé-e-s, soigner, entourer, faire les démarches, sans rien laisser paraître…Mais quand le Canada envoie sa réponse positive, c’est paradoxalement la panique: arrêter net ce formidable effort, se séparer de ces cinq personnes tant aimées, retomber dans le train-train quotidien…

Pour surmonter sa déprime, Cloé s’est mise à écrire, aidée par Raphy Buttet. Cette si belle histoire est magnifiquement contée. Faites-la lire autour de vous pour que les Suisses sachent ce qui se passe et comprennent mieux les réalités de l’asile.

Actuellement, comme tant d’autres familles refusées par la Suisse, la famille géorgienne vit à Montréal, le père et la mère travaillent, la fille aînée est entrée à l’Université. Ils auraient pu être si heureux et si utiles chez nous… (mbu)

Catherine Vallat et Raphy Buttet, Clandestinité oblige…, Editions Cabédita, collection Espace et Horizon, 2005