Travail de nuit pour les jeunes

Travail de nuit pour les jeunes

C’est par 100 voix contre 72 que le Conseil national a adopté le 15 juin une nouvelle dégradation de la Loi sur le travail, qui démantèle la protection des jeunes travailleurs-euses en matière de travail de nuit et du dimanche. Jusqu’ici, celui-ci était soumis à des restrictions jusqu’à 19 ans et 20 ans pour les apprenti-e-s, cette limite est désormais ramenée à 18 ans pour tous-toutes les jeunes.

La tentative de «compromis» visant à maintenir l’âge limite à 20 ans pour les apprentie-e-s seulement à également passé à la trappe. A la fin du mois de juin, tant l’USS, par «manque de ressources disponibles», que le PSS, dont le président explique que celui-ci a «d’autres priorités», ont renoncé au référendum fédéral… entérinant ainsi cette nouvelle «réforme», comme ils avaient accepté, en 1998, la dernière révision globale de la loi sur le travail, combattue par un référendum de la gauche syndicale que nous avions soutenu.Cette révision de 1998 «flexibilisait» déjà de manière terrible les conditions de travail: introduction de la nouvelle notion de «travail du soir» jusqu’à 23 heures sans autorisation légale et ne donnant droit à aucune compensation, suppression de l’interdiction générale du travail de nuit pour les femmes et réduction des compensations prévues pour le travail de nuit, extension des heures supplémentaires et du travail supplémentaire autorisé d’office, assouplissement du travail du samedi soir et du dimanche… etc.

Le mirage du «point d’équilibre»

C’est d’ailleurs justement en invoquant ce «compromis» ayant déjà «passablement étendu la flexibilité» que, dans le débat parlementaire, un syndicaliste comme le jurassien Jean-Claude Rennwald du PS, a plaidé contre la nouvelle révision au détriment des jeunes, de leur santé, de leur formation. L’argument étant, en somme, qu’on avait déjà assez donné et qu’il fallait maintenir «le point d’équilibre» ainsi trouvé. Malheureusement, la droite patronale majoritaire se soucie aujourd’hui comme d’une guigne des prétendus «points d’équilibre» et des compromis d’antan. Au contraire, ce n’est pas d’équilibre qu’il s’agit ici, mais de dynamique… celle de la flexibilisation néolibérale, qui a fait un grand pas en avant en 1998 et dans la logique de laquelle la nouvelle mesure s’inscrit parfaitement.

Cyniquement, aujourd’hui, l’Union patronale suisse se félicite en prétendant que «l’abaissement de l’âge de protection des jeunes représente une contribution à la lutte contre le chômage des jeunes» et qu’ainsi ceux-ci «ne seront plus défavorisés par rapport aux travailleurs adultes.»

Tartuferie PDC

Au cours des débats parlementaires, le Conseiller fédéral sortant Josef Deiss a eu l’occasion de démontrer la mauvaise foi qui est une des marques de fabrique du PDC. Outre l’argument bidon sur l’avantage de faire coïncider la levée de la protection pour les jeunes avec l’âge de la majorité civile, il aura invoqué l’argument du «bénéfice» de la mesure pour les étudiant-e-s qui pourront ainsi travailler de nuit «de manière à financer leurs études».

Le Conseiller fédéral, pour sa dernière prestation, aura encore eu le culot d’invoquer le «droit international». Notamment la mise en conformité de notre législation avec la directive européenne 94/33/CE relative à la protection de jeunes au travail… «oubliant» opportunément de signaler que, non seulement celle-ci n’empêche évidemment pas les Etats de prévoir des dispositions allant au-delà de ces minima, mais qu’elle contient en son art.16 une «clause de non-régression» qui stipule explicitement que «la mise en œuvre de la présente directive ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des jeunes.»

Pierre VANEK