Débandade à l'OMC…Fête de Genève

Débandade à l’OMC…Fête de Genève

Le 27 juillet à Genève avait lieu unedouble manifestation –  terrestre et lacustre –  contre l’OMC et ses politiques néolibérales au service des multinationales. Organisée pour coïncider avec le Conseil général de l’OMC et coordonnée à Genève par le Forum Social Lémanique, elle a vu des pêcheurs philippins, des paysans coréens… et des militant-e-s altermondialistes des quatre coins de la planète converger au bout du lac. Pour une fois la manif était jubilatoire. Nous avons pu y célébrer l’effondrement des négociations du round de Doha, une victoire réelle des mouvements sociaux… et prendre l’engagement de poursuivre ensemble ce combat. Nous publions ci-dessous le compte rendu de l’organisation paysanne Via campesina sur la manif et ci-contre un extrait d’un article de Walden Bello de «Focus on the global south» sur la débandade de Doha.

Plusieurs centaines de manifestant-e-s ont rejoint la flottille des pêcheurs philippins et le cortège des paysans-nes de la Via campesina le 27 juillet à Genève. Dès 17 heures, les pêcheurs ont mis à l’eau quatre barques fabriquées par leurs soins. La fragilité de ces bateaux de pêche traditionnelle flottant sur le lac Léman présentait un contraste évident avec les énormes chalutiers des multinationales européennes, japonaises, coréennes et américaines qui sillonnent les mers et saccagent les ressources halieutiques.

Des paysans-nes européens et asiatiques avaient pris place dans les barques de leurs collègues pêcheurs. Ils souhaitaient ainsi exprimer d’une part leur solidarité avec les familles qui vivent de cette activité et d’autre part rappeler que les questions alimentaires ne se limitent pas à l’agriculture. Cette alliance des pêcheurs et des paysans autour de la souveraineté alimentaire incite à une réflexion globale sur la gestion des ressources naturelles.

Le cortège terrestre s’est mis en route au même moment que la parade lacustre. La délégation de la Via campesina qui ouvrait la marche était composé de paysannes et de paysans d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Pas moins de 20 nationalités étaient représentées. La délégation coréenne portait un cercueil traditionnel destiné bien évidemment à l’OMC. De nombreux jeunes militant-e-s des Amis de la Terre International s’étaient organisés pour dénoncer la mainmise des multinationales et la surconsommation dans les pays du nord. La Marche Mondiale des Femmes était également présente.

Devant le building austère et gris de l’OMC, les manifestant-e-s ont montré leur satisfaction de voir que les négociations étaient dans un état d’hibernation. «Je souhaite que ce soit en fait un coma qui ait la mort comme seule issue» a déclaré l’une des participantes suisses. Henry Saragih, coordinateur général de La Via campesina, a exprimé sa satisfaction considérant que les mobilisations sociales menées ces dernières années ont joué un rôle essentiel dans le blocage des négociations. Il a néanmoins exhorté les manifestants à rester vigilants «Les Accords de Libre échange et de partenariats économiques constituent une menace contre laquelle nous devons nous mobiliser. Ensemble nous les ferons capoter!»

Paul Nicholson, l’un des leaders européens du mouvement paysan, a remercié les représentant-e-s du Forum Social Lémanique, militant-e-s infatigables contre l’OMC, qui ont joué un rôle essentiel dans la préparation et la réussite de cette manifestation originale entre le lac et la rive. Il a appelé les forces sociales à se mobiliser contre la guerre menée par Israël contre les populations civiles de la bande de Gaza et du sud Liban.

Jean-Marc DESFILHES et Ingeborg TANGERAAS


Cassons le paradigme de l’OMC!

L’échec des négociations du cycle de Doha, organisées à Genève par l’OMC, est ce qui est arrivé de plus positif aux pays en développement depuis longtemps écrivait Walden Bello de «Focus on the global south» l’un des orateurs de la manif anti-OMC de Genève. Extrait.

En résumé, la conclusion du cycle de Doha n’engendrerait pas seulement pour les pays pauvres des coûts économiques surpassant de beaucoup quelques éventuels profits. Elle provoquerait également un affaiblissement de marge de manoeuvre politique –  nécessaire à une industrialisation créatrice d’emplois, à la garantie des services publics et à la protection des paysans et de la sécurité alimentaire –  qui équivaudrait à jeter par la fenêtre l’échelle du développement, pour reprendre l’image de l’économiste de Cambridge University Ha Joon Chang, et empêcherait les pays en voie de développement d’utiliser ces mêmes instruments ayant permis aux nations développées de sortir de la pauvreté.

Le libre-échange est si néfaste au développement qu’une récente étude du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) conseilla aux pays pauvres d’Asie de faire ce que firent avec succès le Japon et la Corée du Sud: protéger par des tarifs douaniers leurs secteurs clé avant de les exposer à la concurrence étrangère. Afin de promouvoir le développement et de réduire la pauvreté, les gouvernements devraient être encouragés à augmenter leurs dépenses en matière de santé, d’éducation, d’accès à l’eau, et autres services essentiels, plutôt que d’être poussés à les vendre aux compagnies étrangères en recherche de profit.

Le commerce peut être un moyen de développement. Malheureusement, le cadre de l’OMC subordonne le développement au jeu du libre- échange mené par les grandes entreprises et marginalise encore davantage les pays en voie de développement. Il est temps de tordre le cou aux illusions au sujet de supposés effets bénéfiques sur le développement qui seraient apportés par le cycle de Doha. L’échec du cycle de Doha sera positif pour les pauvres. Avec les négociations de l’OMC qui partent aujourd’hui en eau de boudin, il faudrait tâcher de créer de nouvelles structures, de nouvelles institutions détachées de l’OMC et de nouveaux rapports commerciaux qui rendraient les échanges réellement profitables aux pauvres.

Walden BELLO

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