Moyen-Orient et Gauche italienne
Moyen-Orient et Gauche italienne
Nous
reproduisons deux articles publiés à quelques
jours de distance en Italie, à propos de lenvoi
de troupes de la Péninsule au Liban et des
responsabilités du mouvement pour la paix et de la gauche
radicale. Le premier, de Joseph Halévi, un collaborateur de
longue date dIl Manifesto, ne partage pas la ligne actuelle
de la rédaction qui soutient la politique
extérieure du gouvernement. Le second, de Salvatore
Cannavò, député du Parti de la
Refondation Communiste (courant Sinistra Critica), soppose
à toute participation italienne à la guerre,
autant en Afghanistan quau Liban.(réd)
Moyen-Orient et Gauche italienne
La gauche italienne, celle qui est au gouvernement et celle
qui lappuie de fait, comme Il Manifesto, se trouve face
à la situation moyen-orientale, comme une petite embarcation
confrontée à un écueil bien visible,
mais sans un équipage capable deffectuer la
manuvre de contournement.
Le moteur qui pousse lembarcation vers la collision
cest la mission UE/ONU, telle quelle a
été conçue et mise en oeuvre.
(
) En effet, la France tentera de sauver ses
intérêts au Liban et en Syrie, tandis que
lItalie suivra la voie pro-américaine de
DAlema, perspective à laquelle Paris tentera de
sopposer. Indépendamment du fait
quIsraël va certainement déclancher une
prochaine guerre, la France ne permettra pas au commandement italien de
la force UE/ONU daccomplir son rôle.
(
).
La guerre au Liban a été
décidée en accord avec les Etats-Unis par le
gouvernement Olmert afin de montrer à la droite du pays
quil était capable de réagir et
dimposer le diktat dIsraël par la force
(
). La première chose que Bush ait dite
à Blair, durant la fameuse conversation où le
micro était resté ouvert, a
été précisément:
«They have to get Syria
»
(«Ils doivent se faire la Syrie»). Washington et
Tel Aviv pensaient quen saisissant au vol
loccasion dune guerre qui se
présentait plus vite que prévu, cela ne
changerait pas le résultat escompté: un
gouvernement pro USA/Israël au Liban, un isolement total et
mortel pour la Syrie, lélimination du Hezbollah,
et donc le verrouillage définitif de la question du Golan,
occupé depuis 1967, et de la bande de terre à la
frontière libano-syrienne, elle aussi occupée par
Israël.
Et cest justement parce que les USA et Israël
pensaient que les choses seraient allées ainsi,
quils se sont au départ opposés
à une quelconque intervention de lONU ou
à lidée dune
trêve. (
) Lorsque Israël sest
rendu compte de son incapacité à
écraser le Hezbollah, elle a attaqué les
installations de lONU en en tuant des militaires
qui depuis des années enregistraient les actions
dans cette zone dopération, agissant ainsi comme
un important témoin (
)
Mais lorsque les gouvernements israélien et
états-unien se sont rendus compte que
larmée était enlisée au
Liban méridional, même Rice se
dépêcha de prôner une trêve.
Du point de vue des Etats-Unis, en effet, la guerre produisait
linverse des résultats escomptés en
renforçant le Hezbollah au Liban, la Syrie et
lIran, tout en affaiblissant le peu de liens entre le
leadership chiite et les occupants US en Irak. (
) Tel Aviv,
de son côté, se trouvait face à une
population qui (
) voulait qu[elle] poursuive
jusquau bout une offensive impossible (
) En
effet, pour satisfaire les requêtes de sa population
terrorisée, le gouvernement aurait dû interrompre
les opérations sur le territoire libanais, se retirer pour
réorganiser ses troupes et ses dispositifs militaires, pour
pouvoir ensuite repartir. Plus ou moins comme Israël semble le
planifier maintenant avec la trêve et lobjectif
déclaré de relancer le conflit
USA-Israël contre lIran (
)
Cette trêve est donc une trêve pour
préparer une nouvelle guerre et non pour mettre un terme
à loccupation et donc aux attaques contre les
forces israéliennes. [
] Une guerre dans laquelle
lItalie se trouvera impliquée au premier rang.
Joseph HALÉVI*
*Article complet publié sur
http://italy.indymedia.org le 8 septembre 2006. Coupures et traduction
de notre rédaction.
Moyen-Orient : les nouveaux
défis au mouvement pacifiste
La mission au Liban a été
unanimement soutenue y compris au sein du mouvement pacifiste. Dans cet
article, je tenterai dexpliquer pourquoi je nai
pas envie de participer à cet enthousiasme, et en quoi cette
intervention me semble être une erreur. (
)
Comme la expliqué DAlema dans une
interview accordée au quotidien Le Monde: «Les
Américains ont eux aussi un grand
intérêt au succès de la
résolution de lONU. A
lévidence, ils cherchent une issue à
la crise. LIrak est une tragédie et les projets
du nouveau Moyen-Orient un désastre. Cette fois, les
Etats-Unis ont besoin de lEurope. Il faut les aider et en
profiter pour changer leur approche.» Aider les Etats-Unis
à changer leur approche, cest-à-dire
leur stratégie, en fonction de leurs propres
intérêts vitaux? Bonne chance! En
réalité, DAlema et les gouvernements
européens les plus importants devraient simplement dire que
limpasse américaine leur offre
loccasion de reprendre un rôle de protagonistes
dans une région du monde aux énormes
intérêts économiques, ce qui explique
cette unité européenne renouvelée de
même que laction au Liban.
Evidemment, le changement qui sest
vérifié ne nous a pas
échappé. Mais sagit-il dun
changement dépoque qui rende la paix
envisageable, comme laffirme un certain pacifisme
gouvernemental, ou sagit-il bien plutôt
dune phase de compromis entre intérêts
capitalistes différents (
)? Quil
sagisse de la deuxième option, cest
à mon avis démontré par les multiples
ambiguïtés de la résolution 1701
(
)
En réalité, le message envoyé
à Israël est clair et net: la mission de
lONU lui offre loccasion de se remettre de sa
défaite; elle protége de plus lEtat
hébreu au Nord en le laissant poursuivre son action
à Gaza et dans les territoires occupés.
(
) Que peut faire le mouvement pacifiste? Avant tout,
(
) relativiser les dissensions
[inter-impérialistes, ndlr] sur le Liban, redonner
lélan nécessaire afin que
lItalie sorte de tous les théâtres de
guerre et offrir au peuple palestinien sa pleine solidarité.
Malheureusement, les précautions sur lAfghanistan
et lenthousiasme pour le Liban, qui voient même
Rifondazione Comunista en première ligne, font
émerger de nouvelles divisions et
révèlent des divergences de fond plus profondes.
(
)»
Salvatore CANNAVÒ*
*Article complet publié le 11
septembre 2006 sur http://www.erre.info. Coupures et traduction de
notre rédaction.