Pollution en Côte d’Ivoire, qui est responsable?

Pollution en Côte d’Ivoire, qui est responsable?

Le 19 août 2006, un navire battant pavillon de complaisance
panaméen, le Probo Koala, déchargeait 581 tonnes de
déchets toxiques au Port d’Abidjan (Côte
d’Ivoire). Des déchets censés n’être
que des «eaux usées», de la boue de nettoyage des
cuves du navire. Pourtant, elles allaient se révéler
riches en éléments toxiques, tels
l’hydrogène sulfuré et les organochlorés,
provoquant la mort de 7 personnes, l’hospitalisation de 27 et
l’examen médical de 20 000 autres.

D’après le Parlement hollandais, pays où est
enregistré l’affréteur du navire, Trafigura
(trading international helvético-hollandais), ces déchets
refusés aux Pays Bas à la fin juin seraient repartis sans
autorisation d’exportation vers des ports d’Afrique
subsaharienne. Ils ont échoué ainsi en Côte
d’Ivoire, où de hauts responsables de
l’administration, par ailleurs entrepreneurs privés, y ont
trouvé une aubaine. En autorisant leur importation
légale, ils mettaient la main sur un marché de 7
milliards de francs CFA (17 à 18 millions de francs suisses),
à répartir entre quelques fonctionnaires et
intérêts privés, comme l’ivoiro-nigeriane
Tommy, chargée du déchargement en ville.

Ce crime dont la chaîne de responsabilités comprend non
seulement des Ivoiriens, mais aussi des entreprises européennes
– grecque et helvético-nééerlandaise (avec
des cadres supérieurs français) – n’est pas
qu’un accident de parcours ou une violation exceptionnelle du
«droit international». C’est un cas parmi
d’autres, qui rappelle cette fonction assignée à
l’Afrique par Lawrence Summers, président actuel de
l’Université d’Harvard, lorsqu’il était
économiste-en-chef de la Banque Mondiale:

«Les pays sous-peuplés
d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité
de l’air y est d’un niveau inutilement élevé
par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une
migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins
avancés… et se préoccuper davantage d’un
facteur aggravant les risques d’un cancer de la prostate dans un
pays où les gens vivent assez vieux pour avoir cette maladie,
que dans un autre pays où deux cents enfants sur mille meurent
avant d’avoir l’âge de cinq ans. Le calcul du
coût d’une pollution dangereuse pour la santé
dépend des profits absorbés par l’accroissement de
la morbidité et de la mortalité. De ce point de vue, une
certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où ce
coût est le plus faible, autrement dit où les salaires
sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui veut
que des masses de déchets toxiques soient
déversées là où les salaires sont les plus
faibles


est imparable» (The Financial Times, 10-2-1992, Le Monde, 19-5-1992).

Ainsi, au-delà de la dimension criminelle de cette affaire, le
problème de la production massive de déchets toxiques
restera posée, tant que les ambitions de leadership mondial, le
fondamentalisme de la croissance et du profit économiques, mais
aussi les mentalités consuméristes ne cesseront de
s’aggraver en cette phase néolibérale de la
mondialisation.    

Jean NANGA