À qui profiterait la baisse d’impôt?

Profitant de sa majorité au Grand Conseil et de recettes fiscales exceptionnelles provenant du négoce international, la droite genevoise vient de voter, avec l’appui du MCG, une baisse d’impôt conséquente puisqu’elle portera sur un montant minimum de 434 millions.

Un enseignant manifeste contre la politique scolaire genevoise avec une banderole "mépris de(s) classe(s)"
Rassemblement des enseignant·es genevois·es, 29 février 2024

Basé sur les données de 2021, le montant de 434 millions de pertes fiscales est sous-estimé car les revenus imposables, notamment les hauts revenus, ont progressé depuis lors. La baisse fiscale sera de 11,4% à 5,4% et, en moyenne, de 8,7%. À noter que le Conseil d’État a encore réduit la baisse d’impôt initiale proposée par la droite sans que les conseillers d’État PS et Verts ne se désolidarisent du projet.

Contrairement à la baisse d’impôt de 12% introduite en 1999, celle-ci modifie directement le barème d’imposition de l’impôt cantonal de base, ce qui entraîne une diminution des recettes de l’impôt communal. Les communes perdront 108 millions sur les 434 millions dont 50 pour la seule Ville de Genève. La loi n’autorisant pas les communes à présenter des comptes déficitaires, les coupes dans les prestations, notamment en Ville de Genève, seront contraintes.

Aide à la classe moyenne?

Quels sont les impacts de ce projet de loi en fonction des revenus des contribuables? Tout d’abord, ceux qui ne sont soumis qu’à la taxe personnelle parce que leurs bas revenus ne sont pas imposables ne verront évidemment pas la couleur de cette générosité fiscale, alors que la droite présente ce projet comme un moyen de redonner du pouvoir d’achat à la population. 

Ensuite, bien que le taux de la baisse d’impôt diminue avec la progression des revenus imposables, l’effet en espèces sonnantes et trébuchantes est bien différent – voir le tableau ci-dessous.

Un graphique représentant les différences de baisses d'impôts engendrés par la réforme de l'imposition à Genève
Quelques exemples de la baisse d’impôt moyenne en francs selon le revenu imposable et le statut marital, en ne tenant compte que de l’impôt cantonal.

Si les 12424 contribuables disposant d’un revenu imposable d’environ 3000 francs par mois «bénéficieront» d’une baisse d’impôt de 16 francs par mois, les 433 contribuables disposant d’un revenu imposable moyen de 167000 francs par mois empocheront 6365 francs par mois. Cette baisse d’impôt est ainsi un beau cadeau aux revenus les plus élevés pour lesquels les différentes composantes de la droite constituent leurs représentant·es politiques. Celle-ci présente néanmoins cette baisse d’impôt comme une aide à la «classe moyenne» dont elle a une vision très extensible. Il n’est pas venu à l’esprit de la droite qu’une défense des revenus pouvait passer prioritairement par une hausse des salaires et des rentes.

La tronçonneuse annoncée

L’argumentaire des partisan·nes de la baisse d’impôt prédit que ces montants dont bénéficieront les contribuables va stimuler l’économie et, par voie de conséquence, augmenter les recettes fiscales. C’est dire au canton: nous vous piquons 436 millions mais rassurez-vous, vous allez récupérer 20 millions! 

Par ailleurs la droite fait l’impasse sur l’impact sur les prestations publiques dont bénéficient la majorité de la population de ces cadeaux fiscaux aux plus riches. Il ne fait aucun doute que, lorsque les budgets vireront au rouge, des coupes dans les prestations et les dépenses en personnel (aggravant encore la situation) seront postulées pour équilibrer les comptes, alors que la droite avec ses multiples cadeaux fiscaux est à l’origine des déficits.

Pour se rendre compte de ce que représentent les 326 millions de pertes fiscales pour le seul Canton voici quelques équivalences:

  • Un subside d’assurance-­maladie à 180 francs par mois pour 151000 personnes;
  • L’équivalent d’une bourse moyenne pour 34000 étudiant·es;
  • L’aide sociale moyenne pour 12638 familles;
  • 2092 postes d’enseignants du primaire ;
  • 2390 postes d’infirmier·es;
  • 1916 postes de médecins non cadres;
  • 2284 postes de travailleurs sociaux.

La droite a fait passer, avec la loi, le référendum obligatoire, persuadée qu’elle obtiendra l’aval populaire. Cette tactique permet d’éviter d’avoir le point de vue des opposant·es porteur·ses d’un référendum dans la brochure de votation. À nous de nous battre pour montrer à qui profite prioritairement cette baisse d’impôt et, surtout, de nous mobiliser avec les travailleuses et travailleurs du secteur public lorsque les coupes dans les rémunération et les prestations seront sur le devant de la scène.

Bernard Clerc