Amiante: la guerre dusure
Amiante: la guerre dusure
Sur le front du travail, les victimes
de lamiante ont reçu lappui de la population. Dans
le camp du capital, Eternit et la SUVA, sur la défensive,
lancent des pétards mouillés. Les prochains mois nous
verrons si lÉtat de Vaud part en guerre
et
surtout dans quel camp!
Le Comité daide aux victimes de lamiante (CAOVA)
na pas eu de difficulté à susciter le soutien de
la population à sa pétition «Justice pour les
victimes de lamiante»1 quil
déposait au Grand Conseil du canton de Vaud le 24 avril dernier.
Entre quelques stands à Payerne, Lausanne, Yverdon et Nyon et
les retours par la poste, 3000 paraphes ont été
engrangés en moins de trois mois. Les échanges pendant
cette récolte ont démontré que la population
était bien informée, tant sur le problème de
lamiante que sur les solutions proposées par CAOVA,
grâce à lémission de Temps présent
«Mourir de lamiante, en silence» et aux nombreuses
informations diffusées par les médias et la presse
syndicale dUNIA et Comedia. La demande faite à
lEtat de prendre toutes les mesures nécessaires pour
prévenir les risques de lamiante et réparer les
dégâts que son usage a causés a été
comprise et soutenue.
Cette sensibilité de la population aux problèmes des
cancers dorigine professionnelle contraste avec le silence des
pouvoirs publics. Une passante, à qui lon demandait si
elle était suffisamment au courant du problème de
lamiante avant de signer notre pétition, répondait
sans détour: «Tout le monde est au courant
sauf
les autorités». En effet, quont-elles fait de
concret depuis la première des innombrables alertes
publiées par la grande presse en 30 ans2 pour empêcher que les 100 kg damiante par habitant introduits en Suisse cessent enfin de les intoxiquer?
La balle dans le camp des autorités vaudoises
Les nombreuses questions, motions, interpellations ou initiatives
parlementaires adressées aux gouvernements cantonaux et
fédéral à propos de lamiante depuis 23 ans
en Suisse nont pas ébranlé leur laxisme.
Cest pourquoi CAOVA a voulu interpeller
«lautorité suprême du Canton»
quest le Grand Conseil, censé porter «une attention
particulière à toute personne vulnérable»
comme le veut la Constitution vaudoise. Pourtant, son président,
Jean-Marie Surer qui réceptionnait la pétition nous a
fait comprendre, un peu gêné, que même
approuvées par les député-e-s,
lexécution des mesures proposées par CAOVA
dépendrait du bon vouloir du Conseil dÉtat
Et puis, on se souvient que tout en lisant notre pétition, le
député Daniel Brélaz nous disait quil
voulait bien la signer, mais que notre démarche ne servirait de
toute façon à rien
Après les provocations dEternit, les tracasseries de la
SUVA et les dérobades de certains médecins, les proches
des morts de lamiante ont admis quils étaient
indésirables en osant réclamer la réparation
morale et financière du tort qui leur a été
causé. Pourtant les député-e-s qui, en allant
siéger au Palais de Rumine, regardaient un à un la
vingtaine de portraits de ces morts-là la moitié
ayant travaillé à Eternit Payerne , devaient bien
admettre que des travailleurs mouraient, la retraite à peine
entamée. Et puis, en dévisageant les veuves et les
malades de lamiante qui déposaient la pétition,
ils devaient peut-être douter du fait que larticle de la
Constitution vaudoise «Toute personne a droit aux soins
médicaux essentiels et à lassistance devant la
souffrance» ait été respecté. Sans illusions
donc, CAOVA poursuit sa lutte, convaincue que la défense de la
santé, comme celle de tout droit humain, dépendra
davantage de la mobilisation des exclu-e-s que du bon vouloir des
élu-e-s.
Les patrons contre-attaquent
Côté patronat, craignant une décision politique
défavorable, Eternit sen est pris à Bernard Borel,
député vaudois, qui a eu loutrecuidance de
sinquiéter du rôle de garant de la santé
publique que devrait jouer le Conseil dÉtat dans la
problématique de lamiante3. Pour
désamorcer la dynamique que pourrait prendre cette
légitime inquiétude, «Eternit (Schweiz) AG»,
appuyé par la SUVA, a invité les député-e-s
du canton de Vaud de la région Broye-Vully à une
«rencontre» dans son usine de Payerne, le 13 février
dernier. CAOVA nayant pas encore délu-e-s,
na pas été invité et ignore tout du
discours de Monsieur Anders Holte, directeur, sur le «Postulat de
Monsieur Berhard (sic) Borel»!
Mais lacharnement dEternit nen est pas
resté là. Lidée de cette pétition a
germé lors du Séminaire International à Payerne
des 2-3 juin 20064. On se souvient des manuvres de la direction dEternit pour dissuader les salarié-e-s dy assister 5.
Le séminaire ayant été un succès, la
direction a tenté den étouffer
lécho. Suite au téléjournal
«Tagesschau» du 3 juin 2006 relatant le séminaire,
Eternit sen est pris à la Télévision
Suisse, laccusant dinsinuer que lentreprise aurait
divulgué des «affirmations inadmissibles et
diffamatoires», quelle causait du tort à ses
salarié-e-s et menaçait ceux et celles qui oseraient
sen plaindre publiquement. Plus cocasse, Eternit
dénonçait le fait que notre séminaire aurait
réuni de nombreuses victimes des usines de Niederurnen et
Payerne alors que, selon ses mouchards, il ny en aurait eu que
quatre de Payerne et aucune de Niederurnen!
On connaissait la phobie dEternit pour la liberté
dexpression des salarié-e-s, son goût de
lespionnage de leurs faits et gestes, mais on ignorait que leurs
agents ne sachent compter que jusquà trois et soient si
peu physionomistes! Lors de nos prochains séminaires, il faudra
nous attendre aux micros ou caméras cachés, comme au
temps du flicage et fichage des récalcitrants en suisses!
Bien que le Conseil Suisse de la Presse ait ramené Eternit à la raison, le 25 avril6,
il est à craindre que les menaces de cette multinationale contre
la liberté dexpression, qui a déjà
muselé des milliers de salarié-e-s, finissent par
anéantir leur volonté de réclamer justice. Le
droit du plus fort menace de plus en plus le Droit tout court. Rien de
bien nouveau: pour Stephan Schmidheiny, ce nest pas dans une
société démocratique, mais «dans une
économie de marché libre que lhomme est le mieux
à même de réaliser la qualité de la vie
à laquelle il aspire»7
le marché du renard dans le poulailler!
- Voir solidaritéS n° 102, du14 février 2007.
- Dr. D. H. «Lamiante: des fibres minuscules mais dangereuses», 24 Heures des 12-13 avril 1975.
- Postulat Bernard Borel du 6 nov. 2006.
- Voir solidaritéS n° 89, du 14 juin 2006.
- CAOVA vient déditer les actes du séminaire
des 2 et 3 juin 2006 à Payerne sous le titre Ils ont
jumelé leurs usines, jumelons nos vies, Brochure A4
illustrée, 70 pages, mai 2007, CHF 15.- à commander
à ladresse de CAOVA CP 5708, 1002 Lausanne. - «Eternit perd contre la Télévision Suisse. Le
devoir de vérité na pas été
enfreint», Die Südostschweiz, Glaris, 25 avril 2007. - «Marketing et éthique», Amiante-ciment n° 77, 1975.