France: «Rassembler pour construire ensemble quelque chose de neuf !»

France: «Rassembler pour construire ensemble quelque chose de neuf !»
Entretien avec Olivier Besancenot

A l’occasion du récent
congrès de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui
a annoncé la création d’un nouveau parti
anticapitaliste vers la fin 2008, nous nous sommes entretenus avec
Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR.

Y a-t-il dans l’histoire du mouvement ouvrier français
ou international des précédents plus ou moins lointains
à la construction du «nouveau parti anticapitaliste»
(NPA), dont le congrès de la LCR a lancé le projet?

Nous n’avons pas la prétention de tout réinventer.
Mais, c’est vrai, ce projet est plutôt inédit.
D’abord, il n’est pas si fréquent qu’une
organisation politique qui n’a pas démérité
– et connaît même quelques succès – se
pose le problème… de sa disparition! Bien sûr, il
ne s’agit pas de passer par profits et pertes l’histoire du
courant politique qu’a représenté la LCR. Mais,
plutôt, d’écrire une nouvelle page, avec
d’autres. Avec beaucoup d’autres. Et il ne s’agit pas
non plus d’une fusion entre courants politiques, même si
nous sommes prêts à débattre avec tous ceux qui
pourraient être intéressés par ce projet. En fait,
ce projet s’appuie sur l’analyse d’une situation
nouvelle, en particulier l’ampleur de la crise du mouvement
ouvrier. Et sur l’idée qu’il est à la fois
urgent et possible de franchir une étape. C’est urgent du
fait de la violence des attaques patronales et du vide sidéral
de la gauche institutionnelle. C’est possible car, malgré
les points marqués par le MEDEF (organisation patronale,
réd.) et la droite, les couches populaires manifestent toujours
de remarquables capacités de résistance et il existe une
attente de quelque chose de neuf.

Le NPA vise à intégrer des courants provenant des
diverses traditions de la gauche radicale. Cette intégration
a-t-elle pour condition une discussion explicite portant sur
l’héritage de ces traditions, ou peut-elle
s’effectuer par la seule pratique et la convergence des luttes
concrètes?

La discussion sur les différents «héritages»
idéologiques et historiques peut être intéressante.
Elle se poursuivra d’ailleurs sans doute longtemps. Mais on ne
peut pas commencer par ça! D’autant que l’objectif
prioritaire est de rassembler des hommes et des femmes qui, justement,
n’ont pas une longue histoire d’engagement partidaire et ne
se revendiquent d’aucune de ces traditions en particulier…
L’une des raisons principales – même si ce
n’est pas la seule – de l’échec des tentatives
précédentes de rassembler les différents courants
anticapitalistes est que c’était une démarche
«par en haut» et qui, inévitablement, venait buter
sur le passé des uns et des autres, sur leurs divergences
anciennes. Cette fois-ci, on va essayer de faire autrement. Et de
partir des pratiques communes, de tous les combats que, d’ores et
déjà, on mène ensemble, des luttes de
résistance qui nous rassemblent au quotidien. Et qui, en
pointillé, tracent les contours d’un projet radical et
révolutionnaire de changement de société.

Quelle sera l’attitude du NPA face aux  institutions
politiques existantes? A-t-il par exemple pour vocation de prendre part
à la gestion de communes ou de régions, dans le cadre
d’alliances avec d’autres partis de gauche ou de
manière indépendante?

Participer aux institutions et à la gestion n’est pas une
question de principe. Les sociaux-libéraux et leurs
alliés nous reprochent volontiers de ne jamais vouloir
«mettre les mains dans le cambouis» des
responsabilités politiques. C’est inexact. Nous
n’avons pas une âme de simples «témoins»
ou de «loosers»: notre objectif est bien de participer
à la mise en œuvre des mesures et de la politique que nous
défendons. Mais pas de servir de caution de gauche à des
politiques social-libérales! Et c’est là que
réside le problème de fond et ce qui nous
différencie de beaucoup de courants
«antilibéraux»: nous n’envisageons pas de
participer à une coalition (avec le PS) qui, «au
pouvoir» (local, régional, national), appliquerait chaque
jour de la semaine une politique… contre laquelle nous
manifesterions le week-end! LesVerts et surtout le PCF l’ont
tenté, il y a quelques années, sous le gouvernement
Jospin. Avec les résultats que l’on connaît: leur
naufrage et un discrédit supplémentaire jeté sur
l’engagement politique. Imposer – comme nous le
préconisons – la redistribution des richesses en faveur de
l’immense majorité de la population qui les produit par
son travail conduira inévitablement à la confrontation
avec la petite minorité qui, aujourd’hui, se les accapare.
Cela implique donc un véritable rapport de force dans la
société… et pas seulement dans les institutions.

Le NPA sera-t-il un parti révolutionnaire, comme l’a
été la LCR, et si oui quel sens revêt ce mot dans
le contexte actuel?

Révolutionnaire et «révolutionnaire comme l’a
été la LCR»? Sans doute pas… Sinon, on se
contenterait de continuer – et de continuer la LCR! – comme
avant, en mieux évidemment! Il faut, bien sûr, un socle
commun: la défense de propositions radicales, l’opposition
au système capitaliste, l’engagement résolu dans
les mobilisations, l’indépendance politique par rapport au
PS. Ce socle commun ne répondra pas a priori à toutes
questions, tactiques ou stratégiques. Certaines resteront
ouvertes. Mais nous pensons qu’il existe des dizaines de milliers
d’hommes et de femmes qui sont disponibles pour construire un
parti pour les luttes et les mobilisations. Une gauche qui ne
lâche rien face aux attaques de la droite et aux renoncements de
la gauche. Une nouvelle représentation politique pour le monde
du travail, la jeunesse et les victimes des différentes
oppressions. Une gauche qui ne restreint pas son ambition à
limiter les dégâts de la mondialisation capitaliste, mais
qui veut toujours en finir avec le système et changer
radicalement la société. Et même, à vrai
dire, changer de société! Ces dizaines de milliers
d’hommes et de femmes prêts, comme nous à
«révolutionner la société», nous
n’entendons pas leur imposer notre passé, qu’il
s’agisse de l’histoire générale du trotskisme
ou de l’histoire spécifique de la LCR. Mais les rassembler
pour construire ensemble quelque chose de neuf!

Propos recueillis par Razmig Keucheyan