Procès contre Uniterre

Procès contre Uniterre

Journal «Uniterre»


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Secrétariat Uniterre
Valérie Thiébaut
2518 Nods
Tél./Fax : 032 751 24 50
E-mail : uniterre.vt@bluemail.ch

Les sentences se suivent, mais ne se ressemblent pas… Cet été, à Fribourg, le juge d’instruction Markus Julmy a classé la plainte de la COOP contre le comité directeur du syndicat Uniterre (ex-Union des producteurs suisses). Cette plainte faisait suite au blocage du centre de distribution COOP à Givisiez, en novembre 2001. A la même période dans le canton de Neuchâtel, Uniterre avait bloqué pendant plusieurs jours les entrepôts de la COOP à la Chaux-de-Fonds et de MIGROS à Marin.



Mercredi 21 août, 46 membres d’Uniterre – défendus par les avocats Valérie Garbani et Yves Grandjean – ont comparu devant le tribunal de police à la Chaux-de-Fonds, suite aux plaintes de COOP et MIGROS1 pour les actions menées dans le canton de Neuchâtel. Ils étaient inculpés pour «violation de domicile» et «contrainte».



Lors d’une première audience, le 30 avril 2002, les 46 paysans avaient motivé leur action par le refus de la COOP et de MIGROS de négocier avec Uniterre (jugé non-représentative par ces grands distributeurs, au contraire de l’Union suisse des paysans) sur les prix d’achat de la viande aux producteurs – prix qui ont baissé drastiquement depuis la crise de la vache folle2. Ces témoignages ont dérangé les plaignants: l’avocat de la COOP, Me Werner Gautschi3 a accusé Uniterre d’instrumentaliser le tribunal et a laissé ouverte une possible action en dommages et intérêts. Celle-ci pourrait se dérouler devant la justice civile bâloise, jugée par Me Gautschi plus «impartiale» que la justice pénale neuchâteloise…



Si le juge Alain Ribaux n’a pas retenu la violation de domicile, il a par contre estimé qu’il y avait eu «contrainte» et condamné 43 des 46 inculpés. Si les peines prononcées – allant d’un franc d’amende (pour la majorité) à 120 fr. (pour Jean-Philippe Franel, responsable neuchâtelois d’Uniterre) et 300 fr (pour Fernand Cuche, secrétaire d’Uniterre) – sont de beaucoup inférieures aux réquisitions initiales, il n’en reste pas moins que, même «symboliquement», les membres d’Uniterre ont été condamnés.


Vérité au Zimbabwé, erreur en Helvétie?


 



Le hasard veut que le journal COOP (14.8.2002) s’intéresse au sort des paysans. Pas les membres d’Uniterre, mais les fermiers blancs du Zimbabwé… Extraits du morceau de bravoure commis par le rédacteur J.C. Aeschlimann: «Ce ne sont pas les terribles mesures d’expropriation de près de 3000 fermiers blancs, appliqués ces jours mêmes et attisant les haines raciales, qui amélioreront le sort des plus démunis, et ils sont nombreux, des Zimbabwéens. (…) A quand un retour à la raison?».



La majorité des lecteurs du journal COOP n’y apprennent pas que ces fermiers blancs contrôlent la majorité des terres du Zimbabwé, par suite de la colonisation britannique à la fin du XIXe siècle. Ils n’apprendront pas qu’il y a 23 ans, le gouvernement de Robert Mugabé a accepté un moratoire en matière de réforme agraire sous la pression d’une certaine Margaret Thatcher, premier ministre britanique, peu réputée pour être une adepte de la justice sociale.



Visiblement, mieux vaut être grand latifundiste au Zimbabwé que petit producteur en Helvétie… Les premiers ont droit à la solidarité de la COOP, les seconds à des plaintes pénales. Les fondateurs du mouvement coopératif en Suisse doivent s’en retourner dans leur tombe!


hpr


A la sortie du tribunal, Fernand Cuche a annoncé qu’Uniterre décidera d’un recours, après réception du jugement écrit motivé. En effet, la sentence du tribunal de police de la Chaux-de-Fonds ouvre la voie à une jurisprudence, qui rendrait illégale toute action directe à l’encontre des grands distributeurs. Question qui pourrait bien vite redevenir actuelle, avec la politique agricole prônée par les milieux dirigeants de l’économie et le «libéralisateur en chef» du Conseil fédéral, Pascal Couchepin, au domicile valaisan duquel Uniterre s’est manifesté récemment4.


Hans-Peter Renk

  1. COOP et MIGROS réalisent un chiffre d’affaire annuel de 30 milliards, a rappelé dans sa plaidoirie Yves Grandjean, défenseur des accusés.
  2. Cf. Poyetton, Virgine. – Quarante-six agriculteurs jugés «pour entrave au marché». In : Le Courrier, 30 avril 2002.
  3. MIGROS, plus soucieuse de son image de marque – au contraire de la COOP – n’avait envoyé aucun avocat pour requérir la condamnation des membres d’Uniterre.
  4. Cf. Uniterre : le mensuel agricole indépendant, 47e année, n° 7, mercredi 21 août 2002, p. 5-6.