Des ponts, pas des murs!

Des ponts, pas des murs!

Le samedi 13 septembre a lieu à
Berne une manifestation nationale pour le droit de rester pour toutes
et tous, manifestation qui conclut une semaine d’action pour la
défense des droits des migrant-e-s, organisée dans tous
les cantons en Suisse. La Suisse discrimine les personnes
d’origine étrangère en fonction de leur
nationalité, une politique de «préférence
européenne», qui fabrique des dizaines de milliers de
sans-papiers.

La majorité des flux migratoires s’effectue entre les pays
du Sud. Une petite partie des populations des pays dominés
cherche, pour tenter de survivre, à gagner l’Europe par
tous les moyens, au risque de se noyer dans le détroit de
Gibraltar ou au large de Lampedusa ou des Canaries.

L’Europe, comme la Suisse, élève des murs contre les émigré-e-s

Une émigration qui s’aggrave au fur et à mesure que
se creusent les inégalités créées par la
mondialisation libérale. Les migrant-e-s qui travaillent en
Europe, même s’ils-elles sont sans-papiers, font vivre,
dans leur pays d’origine, des villages entiers. Une
réalité qui met à nu l’hypocrisie des
discours sur le soi-disant co-développement,
négocié entre pays du Nord et du Sud, et qui serait la
contrepartie de la répression et des expulsions.

Ainsi l’Amérique latine a reçu, en 2006, 68
milliards de dollars de transferts financiers de ses
émigré-e-s, soit plus que le total des investissements
étrangers dans ce continent. Au niveau mondial, ces flux
atteignent 300 milliards de dollars, dépassant largement les 104
milliards de dollars octroyés au nom de l’aide au
développement, aide qui atteint très rarement les 0,7% du
PIB universellement recommandés.

En matière de politique migratoire, la Suisse est absolument
euro-compatible! Elle met en oeuvre une politique d’utilitarisme
migratoire, d’«immigration choisie», qui
s’accompagne du renforcement de la Suisse forteresse, comme en
Europe. Il existe sans aucun doute un consensus des politiques
social-libérales en cette matière, de Widmer-Schlumpf
à Sarkozy, en passant par Berlusconi et le travailliste anglais
Gordon Brown. En Italie, le gouvernement Berlusconi, en proclamant sans
fard un racisme anti-immigré, favorise les pogroms anti-roms et
crée le délit d’«immigration
irrégulière».

Europe: la directive de la honte adoptée

Le 18 juin 2008 le Parlement européen a adopté le projet
de «directive retour» sur l’expulsion des
étrangers en situation irrégulière qui fixe
à 18 mois la durée maximale de leur placement en
rétention et prévoit à leur encontre une
interdiction de séjour de 5 ans dans les pays de l’Union
européenne (UE).

Les migrant-e-s illégaux pourront être renvoyés
dans leur pays d’origine, mais aussi vers un pays de transit,
même s’ils-elles n’ont aucun lien avec ce pays, la
détention et l’éloignement des mineur-e-s
accompagné-e-s ou isolé-e-s sont permis et
l’obligation de délivrer des titres de séjour aux
personnes gravement malades est supprimée.

Violation des droits humains

Cette directive est combattue par les associations de défense
des droits des travailleurs-euses migrant-e-s. Elle a même
suscité des réactions dans les pays du Sud, avec en
particulier un appel solennel lancé par le président
bolivien Evo Morales. Cette directive vise à imposer un socle
juridique commun aux 27 Etats membres de l’UE. Elle contrevient
ouvertement à la Déclaration universelle des Droits de
l’homme, adoptée et proclamée le 10 décembre
1948, qui dispose, à son article 13, que «toute personne a
le droit de circuler librement et de choisir sa résidence
à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le
droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son
pays».

Cette Déclaration avaient été écrite
après que l’Europe et le monde aient pris la mesure des
conséquences tragiques d’une longue période
d’indifférence face au sort de personnes devenues parias,
réfugiées, immigrées ou apatrides, une
stigmatisation des étrangers-gères qui a ouvert le chemin
au génocide perpétré par les nazis.

Ironie de l’histoire, en tant que futur membre des Accords de
Schengen et de Dublin, la Suisse a maintenant deux ans pour adapter sa
législation sur les étrangers à la directive
européenne de la honte, à savoir raccourcir (!) la
durée maximale des différentes formes de détention
administrative (mesures de contrainte) prévues avant un renvoi,
aujourd’hui fixée à deux ans: cette durée
maximale devrait être ramenée à un an de demi.

Lors des votations du 24 septembre 2006 sur la nouvelle loi contre les
étrangers (LEtr) le peuple avait en effet accepté le
projet du gouvernement de doubler la durée maximale, la faisant
passer de 12 à 24 mois. Une seconde modification de la
législation suisse s’impose, moins importante, à
savoir qu’à l’avenir, les renvois
d’étrangers-ères devront toujours être
motivés par écrit et accompagnés d’un droit
de recours. Edifiant et illustratif du fait que la Suisse constitue un
véritable laboratoire de pointe en matière de violation
des droits des étrangers-ères!

A l’appel de très nombreuses associations de
défense des droits des migrant-e-s, en France et en Europe, une
manifestation «Des ponts, pas des murs» sera
organisée à Paris les 17 et 18 octobre prochain. Une
étape indispensable!

Précisions: www.despontspasdesmurs.org

Jean-Michel Dolivo