Combattre l’islamophobie

Combattre l’islamophobie

solidaritéS a récemment informé ses lecteurs de
l’appel d’une alliance d’une centaine
d’organisations (www.hingesetzt.mobi/cms-/)
pour bloquer l’accès au congrès «contre
l’islamisation et l’altération
étrangère de nos villes européennes et contre la
grande mosquée de Cologne», que le «Mouvement
citoyen pro- Cologne» organise dans cette ville du 19 au 21
septembre.1 Les organisateurs-trices de ce congrès
rassembleront un très large spectre de politiciens
d’extrême droite, de populistes xénophobes, de
racistes de l’Europe entière.

En effet, la haine des musulman-e-s dans laquelle ils se
réjouissent de communier à Cologne n’est plus
aujourd’hui le seul délire sanguinaire d’anciens
bourreaux de la guerre d’Algérie ou de sectes
néonazies.
Bertolt Brecht craignait le retour de la bête immonde et la
culture politique voyait ce risque dans les cellules nazies et
fascistes. Sous la bannière de l’islamophobie de nombreux
éléments ont été amalgamés,
l’héritage du colonialisme, l’immigration, le
conflit au Moyen-Orient, l’islam, la laïcité.

Les organisateurs-trices du congrès le savent bien,
l’islamophobie se répand désormais dans les partis
gouvernementaux qui l’acceptent de façon croissante et
d’autant plus que nombre de leurs électrices et
électeurs ont été sensibilisés aux rumeurs
et aux préjugés, à la crainte.

Et comment pourraient-ils ne pas le savoir? Le courant qui les
réunit aujourd’hui travaille depuis plusieurs
années à constituer simultanément de
véritables groupes de choc et à radicaliser, à
raciser les grands partis gouvernementaux.

Se préparer à combattre l’initiative anti-minarets et ses amis de l’UDC

Ils savent que l’islamophobie fédère au-delà
de leurs différences de nombreuses tendances. Le gisement de
peur qu’ils espèrent exploiter au sein de la conscience
populaire est hélas assez grand pour que des pillards de toute
sorte aspirent à s’en nourrir.

La lutte contre l’islamophobie sera dans les années
à venir, un élément important de la lutte contre
le racisme. Plusieurs éléments ont concouru à
l’apparition d’un phénomène complexe que nous
devrons analyser de façon détaillée pour le
combattre efficacement.

L’héritage du colonialisme, l’immigration, le
conflit du Moyen-Orient, l’islam… Comme on fabrique un
Frankenstein l’assemblage de ces éléments a
conçu un prétendu «conflit des
civilisations». La fin du 19e siècle européen avait
forgé le mythe des «ennemis
héréditaires». Le temps lave le souvenir de la
Première Guerre mondiale qu’il a contribué à
préparer. Un monstre semblable se profile-t-il aujourd’hui?

Les lecteurs -trices de solidaritéS ne seront pas surpris que
l’exemple suisse, une fois de plus, éclaire la perception
de cet enjeu. En 1917, les autorités suisses avaient
érigé en politique d’Etat la xénophobie
raciste et elles ne l’ont jamais remise en question. Et elles
n’ont jamais exposé comment elles avaient
été conduites à composer avec
l’antisémitisme hitlérien.

La politique suisse est donc bien en peine de réagir avec la
force nécessaire au renouveau du racisme dont témoignent
les conditions dans lesquelles s’est imposée
l’initiative anti minarets. Les adversaires du racisme doivent
contribuer à susciter une telle force.

Le Comité «contre la construction de minarets» a
déposé son initiative à la Chancellerie
fédérale avec 114 895 signatures attestées par les
communes le 8 juillet 2008, 14 mois après l’avoir
lancée le 1er Mai 2007. Le comité de soutien à
l’initiative compte des dizaines d’élu-e-s
nationaux, cantonaux et locaux, des dizaines de responsables de
l’UDC et notamment de ses groupes de jeunes.

« Ainsi nous donnerons la parole au peuple » disent les racistes

Oskar Freysinger est un des responsables du comité
d’initiative. Six des douze mesures du programme de son UDC du
Valais romand concernant l’immigration sont explicitement
antimusulmanes. Ce parti produit depuis plusieurs années les
plus violentes affiches antimusulmanes.

Ben Laden photographié sur une carte d’identité
suisse lorsque l’UDC suisse montrait les mains de couleur et
poilues touillant dans le panier de passeports que les autorités
suisses leur distribuaient.

Des centaines de musulmans agenouillés sur la Place
fédérale. Pour montrer qu’on ne doit pas
réfléchir avec son derrière grasseyait Christoph
Blocher en campagne avant de se faire sortir du Conseil
fédéral.

Des agitateurs-trices plus confidentiels labourent le terrain,
compilent rumeurs et dépêches d’agence, alimentent
la haine. Le site Novopress se spécialise dans cette forme de
propagande. Ce site est l’agence de presse favorite des
organisations identitaires.

Ainsi, le 6 septembre 2008, Novopress expose le projet de Roberto Cota,
député de la Lega Nord (Ligue du nord). Ce
député est le rapporteur d’une proposition de loi
durcissant considérablement les conditions de construction et
d’ouverture de nouvelles mosquées en Italie: «Ainsi
nous donnerons la parole au peuple.»

Son journal, La Padania relève le 23 août 2008 que sa
proposition de loi va faire plaisir à de nombreux maires qui
doivent souvent faire face à la multiplication
incontrôlée des centres islamiques sur leur propre
territoire.

Son parti, la Lega, interviendra à Cologne au congrès
«contre l’islamisation et l’altération
étrangère de nos villes européennes et contre la
grande mosquée de Cologne», nul ne doute qu’il y
manifestera son soutien à l’initiative antiminarets de ses
ami-e-s de l’UDC.

Le 18 janvier 2008, Novopress saluait le lancement à Anvers, en
Belgique, de l’organisation «Les villes contre
l’islamisation» pour lutter contre
l’«islamisation» de l’Europe. Ils ont
porté sur les fonts baptismaux une nouvelle organisation
consacrée à cette tâche.

Celle-ci, a été présentée à la
presse par le leader du Vlaams Belang belge
(l’«Intérêt flamand»), Filip Dewinter,
le président du FPÖ (Autriche) Heinz-Christian Strace, et
le président du mouvement régionaliste et identitaire
français «Alsace d’Abord», Robert Spieler.

Plusieurs mouvements ont participé à la création
de ce mouvement et, bien sûr également les Jeunesses
identitaires, qui elles aussi seront présentes à Cologne.
Ce regroupement international est dirigé par un collectif auquel
collabore le responsable de sa section genevoise.

La lutte contre le racisme appelle la mobilisation des militant-e-s et
des personnes concernées. Elles revendiqueront notamment que la
Suisse satisfasse aux demandes que le Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale a
récemment formulées aux autorités suisses.

Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme


1     solidaritéS N°132 (21.08.2008),
p. 4. International, Cologne: L’extrême droite
européenne ouvre la chasse aux musulmans