Che Guevara: la braise brûle encore

Che Guevara: la braise brûle encore

Le 28 août dernier, 500 personnes ont pris part à un
meeting avec Alberto Granado, appelé par solidaritéS
à Lausanne. Agé de 86 ans aujourd’hui, ce militant
argentin, issu d’une famille de syndicalistes, établi
à Cuba où il  a fondé la Faculté de
médecine de Santiago, était venu pour évoquer des
souvenirs de son vieil ami Ernesto Guevara… On se souvient
qu’ils avaient sillonné ensemble l’Amérique
du Sud en moto, de décembre 1951 à juillet 1952,
périple sur lequel il a laissé un témoignage
émouvant: Sur la route avec Che Guevara, qui a inspiré le
film Carnets de voyage, sorti en salle en 2004. Cela fait maintenant 41
ans que le Che a été assassiné en Bolivie;
aujourd’hui il aurait 80 ans. Quel est donc le secret de cette
passion si profonde et durable qui entoure son héritage?
 (réd)

Claudio Katz est économiste et militant socialiste argentin.
Retranscription d’une intervention orale, prononcée à l’occasion d’un
séminaire international sur Che Guevara, le 9 juin 2008, et traduite de l’espagnol par Ataulfo Riera pour le site www.lcr-lagauche.be.

Pour comprendre l’intérêt que suscite toujours le
Che aujourd’hui, il faut faire un bilan sérieux de sa vie,
en délaissant toute frivolité. Guevara a
été un dirigeant socialiste et non un aventurier de
téléfilm. Sa transformation en personnage de justicier
dilue le sens de la révolte qu’incarne sa vie.

Biographie politique

Le  Che a été un guérillero
héroïque, haï par la grande presse, qui le traitait
avec plus de rage que Ben Laden aujourd’hui. La couverture
médiatique accordée actuellement à sa
mémoire aurait été inconcevable à son
époque, même si elle tend à gommer son combat
contre l’oppression.

Cette déformation est notamment due à la paradoxale
absorption marchande d’un militant qui rejetait frontalement le
culte de l’argent, la glorification de la propriété
et l’apologie de «l’esprit d’entreprise».
Les jeunes qui achètent des marchandises à
l’effigie de Guevara perdent fréquemment de vue que les
entreprises vendent le Che avec les mêmes techniques
qu’elles utilisent par exemple pour vendre un parfum
d’Antonio Banderas.

Face à une telle distorsion, il est nécessaire de
politiser l’étude de Guevara, en le comparant avec
d’autres théoriciens socialistes (Lénine, Trotski,
etc.), des marxistes latino-américains (Julio Antonio Mella,
Farabundo Marti) et des dirigeants révolutionnaires (Fidel
Castro). Il faut souligner sa place dans la gauche face à ceux
qui le vénèrent comme un «Christ laïque».

La biographie politique du Che a été jalonnée par
le périple qu’il a initié avec son voyage à
travers l’Amérique latine dans les années 50. Cette
expérience a transformé un esprit noble en un combattant
social. Le médecin solidaire a adopté l’action
politique pour lutter contre la pauvreté et l’exploitation
lorsqu’il a compris les limites de la seule aide aux plus humbles.

Sa résolution militante s’est affirmée au Guatemala
sous l’impact d’un coup d’Etat militaire qui a
renversé le président progressiste Arbenz (un
prédécesseur de Salvador Allende). Avec cet
épisode, il a surmonté toute forme
d’ingénuité face aux agissements de la CIA et du
Pentagone. Il a compris que le combat contre
l’impérialisme recquiert la construction une
résistance organisée et préparée à
l’avance.

Guevara est devenu un révolutionnaire au plein sens du terme
lors de sa rencontre avec Fidel Castro. Il a été
attiré par le caractère conséquent et la
fermeté du projet démocratique radical de renverser la
dictature de Batista à Cuba et, dans cet engagement, il a
affirmé la conviction qu’il était nécessaire
d’avancer vers la prise du pouvoir. Aucune illusion
n’était aussi éloignée de l’esprit du
Che que l’actuelle tendance à vouloir «changer le
monde sans prendre le pouvoir».

Le leader argentino-cubain a été le protagoniste de la
radicalisation socialiste qui a secoué l’île dans
les années 60.

Il a activement participé à la succession de contrecoups
contre la droite qui a finalement mené à
l’expropriation du capital. Il a mûri au même moment
et au sein même du terreau fertile de la révolution
cubaine et a transformé au cours de ce processus ses lectures
marxistes en convictions élaborées.

Actualité d’un héritage

Le Che réapparaît aujourd’hui parce que
l’Amérique latine s’est transformée en un
immense foyer de résistance populaire. A contrario, la
montée du néolibéralisme et l’effondrement
de l’URSS au cours de la dernière décennie avaient
déterminé un cadre politique peu propice à son
retour.

La trajectoire de Guevara a été
réactualisée par les soulèvements populaires en
Bolivie, en Equateur, par les mobilisations aux Venezuela et en
Argentine. Certes, les rapports de forces sociaux en Amérique
latine sont très inégaux. Mais on a pu observer des
développements massifs et convergents de luttes contre les
privatisations, en faveur de la nationalisation des ressources
naturelles et de la démocratisation de la vie politique.
Malgré le fait que le néolibéralisme s’y
soit employé avec force, il n’est pas parvenu à
enterrer les traditions combatives et l’héritage
d’un nationalisme anti-impérialiste, dans un contexte de
conquêtes démocratiques supérieures à celles
du passé.

L’héritage du Che peut se résumer en un message:
mettre en valeur les révoltes récentes et les
développer dans une dynamique de radicalisation socialiste.
Cette conclusion s’inspire à son tour de deux
leçons: les processus qui n’avancent pas finissent par
régresser, et la droite ne reste jamais inactive lorsque
l’on défie sa domination.

Ces enseignements sont très importants pour l’avenir des
gouvernements nationalistes radicaux (Chavez, Morales, Correa), qui
concentrent sur eux les attentes populaires et qui s’affrontent
aux écueils typiques des expériences sincèrement
réformistes. L’antécédent cubain a
démontré qu’on peut mettre en déroute les
oppresseurs avec des mesures révolutionnaires qui tendent
à réduire les inégalités et à
améliorer le niveau de vie populaire. Mais d’autres
précédents indiquent qu’en absence d’une
telle orientation, la droite récupère le pouvoir par des
moyens violents (Chili), électoraux (Nicaragua), ou en
stabilisant des régimes conservateurs (Mexique).

Similitudes et différences

On affirme fréquemment que «l’époque du Che
n’est plus la nôtre.» Il est évident que les
40 dernières années ont substantiellement
transformé la cadre politique international. L’expansion
du néolibéralisme, l’implosion du «socialisme
réel» et le saut représenté par la
mondialisation du capital constituent évidemment trois
nouveautés significatives.

Mais la misère et l’exploitation qui ont poussé le
Che à l’action persistent encore sous le même
système capitaliste. Il suffit d’observer le fléau
de la famine qu’affrontent plusieurs pays du Sud ou la perte de
leur logement souffert par des familles nord-américaines
endettées pour percevoir les conséquences de ce
régime.

Le capitalisme engendre sans cesse les crises et les souffrances des
majorités populaires. Il s’agit d’un système
alimenté par une concurrence acharnée qui ne peut
être discipliné et qui repose sur des mécanismes
d’exploitation incompatibles avec l’humanisation de la
société. Le capitalisme aggrave la polarisation sociale
en Amérique latine, y compris dans l’actuelle conjoncture
de croissance économique pour le continent.

Les principales différences avec les années 70 se
trouvent – dans notre région – sur le terrain
politique. La substitution des dictatures par des régimes
constitutionnels a modifié les rythmes et les formes de
gestation d’un pouvoir populaire. La préparation de cette
transformation exige de promouvoir la cohésion du peuple, le
protagonisme des masses et la radicalisation idéologique des
opprimés au cours de processus qui emprunteront des chemins bien
différents de la voie classique de la guérilla.

Dans le cadre actuel, les conquêtes à
l’intérieur des tranchées institutionnelles peuvent
constituer un jalon dans la progression du pouvoir populaire, mais
à condition que les réformes soient un complément
de l’action révolutionnaire. C’est pour cela que le
poids de l’arène électorale est supérieur
à celui du passé.

L’intensité des révoltes populaires est
également différente des révolutions
précédentes. Les nouveaux soulèvements articulent
des revendications anti-libérales, démocratiques et
anti-impérialistes, mais elles ne donnent pas naissance à
des organismes de dualité de pouvoir, à des
dénouements militaires ou à l’effondrement pur et
simple de l’Etat bourgeois, équivalents à la
révolution cubaine ou nicaraguayenne.

Le niveau de conscience populaire est également différent
de celui qui prévalait dans les années 70, vu que
l’actuelle génération de combattants n’a pas
grandi comme ses parents dans un contexte de victoires
révolutionnaires. La visibilité et la confiance dans un
modèle socialiste est inférieure, non pas tant à
cause de la chute de l’URSS, que par l’héritage des
dictatures et du blocage souffert par les révolutions en
Amérique centrale dans les années 80.

Controverses stratégiques

Le Che a adopté une position révolutionnaire en
comprenant que les classes dominantes se maintiennent au pouvoir afin
de garantir leurs privilèges. Il savait que les puissants ne
renoncent jamais volontairement à la jouissance de leurs
bénéfices.

Ces conclusions sont plus durables que la théorie du
«foco» [le «foyer» révolutionnaire
initial incarné par la guérilla, NDT] comme
étincelle du soulèvement populaire. Encouragé par
le succès de l’expérience cubaine, Guevara a
généralisé de manière erronée la
validité de la lutte de guérilla en tant que
méthode valable pour toutes les variétés des
situations latino-américaines. Mais sa défense du
principe de la révolution reste valide, tout
particulièrement face aux apologistes du capitalisme qui ont
proclamé pendant la dernière décennie la
«fin des utopies égalitaires».

Ces enseignements restent encore largement absents dans le cadre de la
nouvelle vague de résistances sociales. La révolution
comme moment clé de rupture avec l’ordre dominant
constitue pourtant un aspect essentiel du projet socialiste. Le refus
de discuter cette perspective conduit toujours à
l’auto-immolation de la gauche.

Mais l’apport principal et central du Che sur ce terrain a
été sa défense de la révolution
ininterrompue, en opposition à la stratégie de passer par
des étapes différenciées de manière rigide.
Il a rejeté la subordination de l’action anticapitaliste
à une phase d’alliances avec les «bourgeoisies
nationales» et a au contraire affirmé la
nécessité d’opter d’emblée pour la
construction du socialisme, à défaut de quoi il faudrait
se contenter d’une «caricature de révolution».

Guevara s’est inspiré de l’expérience cubaine
qui a démontré la possibilité de défier
l’impérialisme à quelques kilomètres de
Miami. Ses conceptions ont bouleversé les théories
dominantes au sein de la gauche, provoqué des débats
virulents avec les secteurs conservateurs des partis communistes, et
ont stimulé une littérature critique par rapport à
la bourgeoisie nationale, développée par plusieurs
théoriciens de la dépendance.

Il est important de rappeler ces controverses au moment où on
assiste à nouveau à l’émergence de
thèses néo-développementistes qui proposent de
répéter la stratégie des étapes au moyen
«d’alliances qui fortifient le Mercosur» [accords
d’intégration des marchés sud-américains,
NDT] afin de faciliter «l’expansion du capitalisme
régional autonome». Ces conceptions reviennent à
idéaliser le patronat industriel local, que l’on suppose
opposé au caractère prédateur du capital financier
international. Cette option refuse de voir les obstacles qu’une
telle voie recèle pour atteindre le progrès social.

Les promoteurs de la stratégie par étapes ne prennent pas
non plus en compte les coûts sociaux induits par le soutien (ou
la création), à coup de fonds publics, du prétendu
patronat national. Leurs choix reviennent en réalité
à adapter les revendications sociales aux priorités des
classes dominantes et débouchent inévitablement sur la
frustration populaire.

C’est avec de telles conceptions que certains veulent geler le
processus bolivarien au Venezuela ou accaparer à des fins
capitalistes la nouvelle rente pétrolière qui pourrait
naître en Bolivie.

Internationalisme et anti-impérialisme

Guevara défendait un projet d’expansion international du
socialisme très différent de la «coexistence
pacifique» et éternelle avec l’impérialisme,
promue par les dirigeants de l’URSS. Dans son «Discours
d’Alger», il a été particulièrement
critique par rapport à la faible solidarité de ces
dirigeants avec les révoltes du Tiers-Monde. Il a appelé
à «créer, un, deux, trois, de nombreux
Vietnams», en opposition à la passivité du Kremlin.1

Le Che a développé une conception internationaliste
très éloignée de la simple énonciation de
slogans. Il a transformé son expérience de jeunesse en un
programme raisonné reposant sur la symbiose entre la
théorie et la pratique. Il a mis en pratique, au Congo et en
Bolivie, ce qu’il avait avancé lors de la
Conférence Tricontinentale.

Guevara promouvait le socialisme international contre l’utopie de
restreindre l’édification socialiste à un seul pays
ou à une seule région. Mais il envisageait cette question
en tacticien et en stratège car il savait que le socialisme
n’allait pas émerger simultanément à
l’échelle planétaire.

Les échos de son internationalisme ont ressurgi au cours de ces
dernières années avec les mouvements contre la guerre en
Irak et dans les initiatives des Forums sociaux. Dans ces deux espaces,
la figure du Che a été présente. Mais son
héritage internationaliste se vérifie le plus clairement
en Amérique latine. Aucun gouvernement progressiste actuel ne
considère son projet comme exclusivement national. Face aux
classes dominantes qui élaborent des accords commerciaux afin de
forger des blocs compétitifs, ils mettent en avant des
initiatives et des projets d’émancipation à
l’échelle régionale.

Le Che savait parfaitement qu’aucun progrès social
n’est possible sur ce continent sans faire plier
l’impérialisme nord-américain. Dans le cadre de
l’OEA (Organisation des Etats Américains) ou à
l’ONU il a maintes voix élevé la voix contre le
gendarme états-unien. La pertinence de ce combat saute aux yeux
à notre époque, où 600 000 personnes ont
été massacrées au Moyen Orient, où la
torture est légalisée, où l’utilisation de
mercenaires se généralise partout dans le monde.

La réappropriation du Che s’est d’ailleurs
développée au même rythme que le mépris
envers le président des Etats-Unis. Il suffit de mettre en
balance les commémorations qui affirment l’héritage
du Che avec le rejet qui accompagne les visites de Bush. Ce climat
découle de la perte d’influence de la première
puissance du monde dans sa propre «arrière-cour».
L’impasse dans laquelle il se trouve au Moyen Orient a
enlevé à l’impérialisme sa capacité
d’intervention militaire directe contre le Venezuela ou Cuba.

Mais, malgré l’absence de conditions favorables, le
Pentagone ne s’en prépare pas moins pour l’avenir.
Il a stimulé une tentative de guerre préventive de la
Colombie contre l’Equateur, il militarise des villes du Mexique,
construit de nouvelles bases au Pérou, et réactive la IVe
Flotte de guerre qui opère à partir de Miami.

La tradition anti-impérialiste que nous a légué le
Che est fraternelle envers tous les peuples du monde. Il ne
s’agit pas d’une bataille contre les opprimés des
Etats-Unis, mais bien contre les gouvernements, les multinationales et
les banques de ce pays.

Le comportement de la fille de Guevara en Iran –
lorsqu’elle a quitté une cérémonie
d’hommage officiel qui critiquait le socialisme et
l’athéisme – confirme le sens d’une conception
internationaliste, étrangère à tout dogmatisme
religieux.

Socialisme intégral

L’attirance qu’exerce Guevara obéit également
beaucoup à la survivance de la révolution cubaine,
malgré 50 années de conspirations et de blocus. Il serait
difficile de concevoir l’ampleur actuelle de
l’intérêt envers le Che s’il
s’était déroulé sur cette île un
scénario similaire à la fin de l’URSS.

L’identification au Che exprime, de surcroît, la
résurgence du débat sur le socialisme. La période
d’autocensure qui avait expurgé ce terme des discours de
la gauche est bel et bien terminée, et en Amérique
latine, on se remet à débattre des voies
nécessaires pour forger une société
d’égalité et de justice sociales. Ce projet se
reconstruit en opposition aux leaders et présidents de
centre-gauche qui abandonnent la moindre allusion au socialisme afin
d’obtenir les bonnes grâces des classes dominantes.

Comme la figure du Che est indissociable de l’horizon
anticapitaliste, son œuvre a également été
débattue lors des récentes commémorations du Mai
68 français. Le socialisme a été l’axe de
ces réflexions, vu qu’il représente effectivement
le seul système possible au-delà du capitalisme. Sur ce
terrain, Guevara nous a également laissé
d’importantes leçons en tant que «fonctionnaire de
la révolution» (1959-1964). Il a développé
à Cuba une conception intégrale du militant en tant que
combattant et administrateur. Le Che refusait les
spécialisations restrictives et a combiné le profil du
guérillero avec son rôle de Ministre de l’Industrie.

Dans sa gestion des entreprises publiques, il a impulsé des
mécanismes de participation et de démocratisation
opposés à la primauté du marché et à
l’arbitraire des bureaucrates. Il rejetait le schéma de
compétition entre les travailleurs-euses des entreprises
d’Etat qui était appliqué en Yougoslavie et
remettait en question la stimulation matérielle et marchande des
employé-e-s des compagnies publiques en Hongrie.
Il s’est en quelque sorte opposé à l’avance
à la «Perestroïka» qui a conduit à la
restauration du capitalisme en URSS et au modèle actuel qui
pousse la Chine sur le même chemin. Mais Guevara
n’approuvait pas pour autant le modèle de planification
autoritaire que la nomenklatura du Kremlin développait de
manière inefficace et gaspilleuse.

Durant sa brève expérience d’économiste, il
n’a pas résolu la question des mécanismes qui
permettent de mener à bien une transition anticapitaliste
réussie. Ces mécanismes requièrent des formes de
planification reposant sur la démocratie socialiste afin de
garantir la participation collective. Cette participation
démocratique est indispensable afin de corriger les erreurs et
de discuter des alternatives dans un système qui combine le
pouvoir populaire avec la représentation directe.

Il est clair que dans l’actualité, n’importe quel
débat sur la gestion économique présuppose la
nationalisation préalable des entreprises stratégiques.
Ce pas a été réalisé de façon
très rapide à Cuba et il a une grande actualité
dans les pays qui ont entrepris la nationalisation de leurs ressources
en hydrocarbures.

L’Homme nouveau du 21e siècle

Dans les débats sur l’impulsion de la productivité
dans la transition au socialisme, Guevara a pris parti pour les
«stimulants moraux» contre les «stimulants
matériels». Mais il a adopté cette position dans le
contexte cubain des années 60 sans émettre pour autant un
jugement applicable à n’importe quel moment ou pays.

Sa position était cohérente avec le projet communiste de
créer une éthique de «l’Homme nouveau».
Il défendait l’extension de la solidarité et de la
fraternité depuis le début de la révolution, sans
attendre de tels résultats de l’accumulation du
bien-être matériel. Il soulignait
l’impossibilité de forger une conscience socialiste en
éludant l’engagement actif envers son prochain et rejetait
le cynisme qu’il observait parmi les hiérarques du
«socialisme réel». Ce message humaniste trouve un
écho profond parmi les jeunes qui admirent aujourd’hui le
Che.

Guevara identifiait les obstacles pour ériger une
société socialiste sur le terrain politique. Il ne
situait pas ces difficultés dans l’égoïsme ou
dans l’individualisme prétendument innés des gens.
C’est pour cela que son héritage comporte un code de
conduite, des attitudes et des comportements qui incitent à
poursuivre son œuvre.

Claudio Katz


1     Le discours d’Alger a
été prononcé le 14 février 1965.
L’appel à créer «deux, trois, plusieurs
Vietnam» conclut le message du Che à la Tricontinentale,
publié pour la première fois le 16 avril 1967
(réd).