Déterminées à marcher pour un autre monde!

Déterminées à marcher pour un autre monde!

La Marche mondiale des femmes (MMF)
appartient au mouvement féministe et au mouvement
altermondialiste. Ses interventions ont pour objectif de renforcer le
mouvement féministe au niveau des analyses et de l’action
politique en faveur de l’égalité et de
l’autonomie de toutes les femmes. Résistance mondiale
contre l’offensive néolibérale, patriarcale et
raciste, la Marche réunit les femmes et les mouvements sociaux
progressistes pour un autre monde. Née il y a 10 ans au
Québec, elle rassemble aujourd’hui des femmes des 5
continents. Au sein du Forum social mondial auquel elle participe
depuis le début, elle a constitué
l’Assemblée des mouvements sociaux avec une série
d’autres organisations progressistes (Via Campesina, CUT, ATTAC,
Focus on the Global South, CADTM,…) 150 femmes1 se sont
retrouvées du 14 au 21 octobre à Vigo pour
définir, au cours de cette 7e rencontre  internationale,
comment renforcer la Marche et définir les actions communes de
la prochaine mobilisation planétaire. Nous publions ici quelques
reflets de cette semaine de travail et d’échanges sous la
forme de trois interviews.

Miriam du secrétariat de la Marche mondiale des femmes



solidaritéS: Au terme de cette
rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes, quel est ton
bilan en tant que secrétaire du Comité international de
la MMF?

Miriam: Nous avions fixé trois objectifs principaux à cette septième rencontre internationale:

  • approfondir notre identité politique;
  • renforcer nos coordinations régionales et élire les déléguées du Comité international;
  • décider nos actions globales pour la marche mondiale de 2010.

La première journée s’est organisée autour
de quatre ateliers qui ont discuté et approfondi nos champs
d’action pour la marche de 2010:

  • les femmes et le bien commun;
  • le travail et l’autonomie financière des femmes;
  • la violence envers les femmes;
  • la paix et la démilitarisation.

Les textes initialement produits par le Comité international ont
été discutés, complétés et
amendés. Ils vont maintenant servir de base pour la mobilisation
dans tous les pays où existent des groupes de femmes qui se
reconnaissent dans la Marche mondiale.

La deuxième journée s’est organisée autour des coordinations régionales.2
Pour nous , il est essentiel que le mouvement soit bien
enraciné. Nous voulons consolider les liens entre le niveau
international et le niveau local. Les femmes regroupées au sein
de la MMF arrivent souvent de régions très
divisées, de pays en guerre. Qu’elles aient pu parler
ensemble, échanger leurs expériences et convictions en
travaillant à la fois en assemblées
générales, en ateliers par thèmes et en groupes
organisés par continent, qu’elles aient su trouver des
points de convergence qui leur permettront de mener des actions,
chacune là où elles vivent, est un premier
résultat réjouissant. Les initiatives prises au niveau
local et régional devraient nous permettre
d’élargir d’ici 2010 notre champ d’action et
d’influence.

Le troisième jour était réservé à la
discussion sur les alliances de la MMF et la mobilisation mondiale que
nous voulons organiser en 2010. Nous avons pu nous mettre
d’accord sur la date du lancement et sur la façon de
conclure la marche mondiale en 2010.
Dans chaque pays, cette marche commencera sous différentes
formes le 8 mars 2010. Entre le 8 et le 18 mars, de multiples marches
seront organisées autour des quatre champs d’action dans
tous les pays où nous sommes présentes; quant à la
clôture, elle aura lieu le 17 octobre en République
démocratique du Congo (RdC): les Africaines, très
motivées et mobilisées contre la guerre, nous ont
convaincues de la nécessité de nous rendre ensemble en
Afrique, en RdC. Le rendez-vous est pris, nous avons maintenant deux
ans pour organiser cette marche commune!

sol: Les jeunes femmes étaient très présentes
lors de cette septième rencontre internationale. Peux-tu nous
dire un mot concernant le renouvellement générationnel au
sein de la Marche mondiale des femmes?

Miriam: Dans plusieurs pays ce
sont les jeunes qui ont commencé la Marche. Au Brésil,
où se trouve le siège du secrétariat de la MMF,
j’ai souvent entendu «s’il n’y avait pas la
marche mondiale des femmes, je ne serais pas dans le
féminisme». Il y a une nouvelle génération
politique. Les jeunes arrivent avec des idées nouvelles, elles
brisent l’écart qu’il y a parfois entre les femmes
et la technologie, elles s’approprient avec une très
grande aisance toutes les technologies de la communication qui
facilitent les contacts et l’action directe. Mais il n’y a
pas de divisions entre les générations.

Durant cette 7e rencontre internationale, les jeunes femmes ont
organisé une soirée d’échanges entre elles;
elles ont travaillé jusque tard dans la nuit. Tout le monde
était intéressé par leurs propositions. Elles
apportent des préoccupations relatives à leur corps,
à la menstruation, à la vie en couple,
hétéro ou homo, mais aussi concernant leur place dans la
société, les problèmes qu’elles rencontrent
dans leurs études ou au travail, etc.

C’est elles qui ont par exemple insisté sur la
marchandisation du corps. Pour nous, les choses paraissent parfois
aller de soi et on ne se pose plus certaines questions, mais les
actions que proposent les jeunes femmes, la forme qu’elles leur
donnent sont un enrichissement pour nous toutes. Pour cette rencontre,
toutes les délégations étaient invitées
à venir si possible avec au moins une jeune femme sur trois. Les
délégations qui n’ont pas pu donner suite à
cette demande étaient l’exception; plusieurs
délégations étaient même formées
d’une majorité de jeunes.

Solange, déléguée de la Côte d’Ivoire à la 7e rencontre Internationale des Femmes

Elle travaille dans une ONG de santé centrée sur la
mère et l’enfant. «Trop de femmes meurent encore en
Afrique au moment où elles donnent la vie»,
s’insurge-t-elle. Elle est aussi militante du CADTM
(Comité pour l’annulation de la dette dans le Tiers Monde)
à Jubilé Sud et est membre locale du Forum national sur
la dette et la pauvreté en Côte d’Ivoire. Elle est
également coordinatrice de la marche mondiale des femmes dans
son pays.

solidarités: A Vigo, les femmes du continent africain
était très nombreuses et actives. Que représente
la Marche mondiale pour vous? Comment les Africaines y participent-elles ?

Solange: Tout d’abord
j’aimerais dire que notre présence, ici à Vigo, a
bien failli ne pas se réaliser. En effet, cela a
été la croix et la bannière pour obtenir les
autorisations nécessaires, pour arriver jusqu’ici. Force
est de constater que les entraves sont de plus en plus fortes; nous
devons faire face à ces difficultés et je milite, tout
comme les femmes de la Marche, pour une libre circulation des femmes et
des hommes. J’ai choisi de rester en Afrique pour me battre dans
mon pays.

Ce voyage à Vigo n’est pas un voyage
d’agrément, c’est un voyage nécessaire, nous
venons ici pour échanger nos expériences et apprendre
l’une de l’autre. Je remercie les organisatrices
galiciennes de cette 7e rencontre internationale, car elles ont
déployé un effort particulier pour que les pays
sub-sahariens soient bien représentés.

Cette rencontre nous ressource et nous remobilise. Nous venons chercher
des arguments supplémentaires pour intégrer les droits
des femmes africaines. Par exemple, en Côte d’Ivoire, les
féministes revendiquent une place pour les femmes dans les
discussions et les négociations, notamment dans la
rédaction des traités de paix lors de conflits
armés. Les femmes doivent participer à la vie de la
Nation.

En décembre 2008, nous aurons des élections
présidentielles et législatives dans mon pays. Nous
luttons pour motiver les femmes à y participer, à se
présenter. Nous aimerions une représentation des femmes
de 30 % à tous les niveaux. Nous avons déposé une
initiative à ce sujet. Cette proposition pourrait être
formulée pour l’ensemble des pays africains, nous en
discuterons ici à Vigo lors de l’assemblée
continentale.

Avoir le soutien de nos sœurs d’autres pays, proposer des
actions concrètes est une grande ressource pour nous. Pour moi
il est important que nous nous donnions ici, à Vigo, les moyens
de concrétiser la prochaine rencontre des régions
africaines qui aura lieu au Mali en mai 2009. A partir de là,
nous pourrons organiser très concrètement la marche
mondiale de 2010 en RdC!

Nadia, déléguée d’Italie et
représentante de l’Europe au comité International
de la MMF

solidaritéS: Nadia, tu as participé à la MMF
depuis le début et tu travailles depuis trois ans au sein de
Comité international. Peux-tu nous dire un mot de
l’histoire de la Marche mondiale?

Nadia: Comme vous le savez, la MMF est partie, en 19983,
d’une proposition des féministes
québécoises. Elles invitaient les femmes et les
féministes à se mobiliser en 2000 contre la
pauvreté et les violences vécues aussi bien par les
femmes urbaines que rurales. Elles voulaient toucher et organiser les
femmes de la base.

Cela a été un succès au-delà de toutes les
espérances. Deux ans de préparation. Des femmes de plus
de 100 pays ont répondu à l’appel et ont
créé des coordinations nationales. Les buts de la
mobilisation étaient: la solidarité, l’affirmation
des droits des femmes, créer un mouvement féministe
mondial, et mettre l’accent sur l’action.

Lors de la réunion internationale d’évaluation des
actions en 2000, nous avons décidé de continuer ce que
nous avions construit avec tant de force et de passion.

En 2001, nous nous sommes donné les moyens de continuité
du mouvement international. Pour poursuivre la mobilisation et les
actions, il fallait améliorer notre communication interne et
renforcer les structures.

Nous étions très conscientes de la
nécessité de commencer à partager notre
leadership. Si nous voulions un mouvement international solide, sur la
durée, il fallait intégrer des femmes d’autres
continents dans les prises de positions.

Nous avons alors décidé de travailler sur une nouvelle
mobilisation internationale et l’Inde s’est proposée
comme continent et coordination pour la réaliser.

Nous avons travaillé avec nos différences culturelles et
politiques, notamment sur la question de l’avortement et les
droits des lesbiennes. Nous devions les aborder en tenant bien compte
des réalités et des conceptions très
contrastées dans lesquelles agissaient les femmes de la MMF.

Parallèlement, nous étions partie prenante et
organisatrices des forums sociaux mondiaux, régionaux et
nationaux. Nous apportions notre vision, notre expérience
féministe. Elargi et renforcé par le travail des
coordinations continentales, notre Comité international a pu
mûrir l’idée d’une nouvelle mobilisation. Nous
avons proposé d’organiser au niveau mondial des actions
MMF tous les cinq ans. Avec des moyens divers: marches à relais,
charte, courtepointe. 2005 a été un nouveau
succès. 2010 est notre prochaine étape.

sol: Suite à cette 7e rencontre internationale penses-tu que
de nouvelles coordinations pourraient encore voir le jour et renforcer
la MMF?

Nadia: Chaque fois que nous
préparons des actions planétaires, nous prenons des
contacts pour élargir le mouvement à de nouvelles
régions ou pays et toucher d’autres femmes; nous invitons
aussi des organisations alliées à s’unir à
nous pour former des fronts communs. A travers ces contacts, ces
discussions et propositions d’action, de nouvelles coordinations
MMF peuvent apparaître. Aujourd’hui on constate sur tous
les continents un processus de responsabilisation des femmes actives
dans la MMF; le leadership est partagé, d’égales
à égales, avec une rotation régulière au
sein de la direction: une femme ne peut pas rester plus de trois ans au
Comité international, quelles que soient ses qualités.
Nous sommes toutes conscientes qu’il faut beaucoup
d’énergie et de travail pour renforcer et élargir
la MMF, pour mobiliser les femmes. Cette rencontre à Vigo et les
rencontres continentales planifiées pour 2009 nous y aideront.

Propos
recueillis par: Maria Casares et Marianne Ebel,
déléguées de la coordination nationale suisse de
la MMF


1    105
déléguées et 45 observatrices sont venues
d’Afrique du Sud, d’Albanie, d’Angleterre,
d’Argentine, de Belgique, du Blengadesh, de Bolivie, du
Brésil, du Burkina Faso, de Catalogne, du Chili, de Colombie, de
la Côte d’Ivoire, de Cuba, du Danemark, d’Equateur,
de l’Etat espagnol, de France, de la Galicie, de Grèce, du
Guatémala, de Haïti, de Hollande, du Honduras, de
l’Inde, d’Italie, du Kénia, du Liban, de la
Macédoine, du Mali, du Mexique, du Mozambique, du Népal,
de la Nouvelle Calédonie, du Pakistan, du Pérou, des
Philippines, du Portugal, du Québec, de la République
démocratique du Congo, du Ruanda, du Sénégal, du
Soudan, de la Suisse et de la Turquie.

2     Au niveau des régions, les femmes se
regroupent par continent: Afrique, Asie-Océanie, Les
Amériques, Europe.

3    Cf. La Marche mondiale des Femmes, 1998-2008, une
décennie de lutte internationale féministe (livre
édité en français, en espagnol et en anglais
à l’occasion de la 7e rencontre de la MMF).