Manif à Berne du 19 septembre: 30 000 dans la rue. Un

Manif à Berne du 19 septembre: 30 000 dans la rue. Un
bon départ ? Oui, mais il faudra d’autres
actions !

Les syndicats ont réussi leur
mobilisation de rentrée. Trains et autocars venus de tout pays
étaient bondés, Berne couverte de rouge. On a
assisté à la plus grosse mobilisation syndicale de ces
dernières années : « Manifestation
monstre » titrait samedi soir le téléjournal
de la TSR.

Une chose est sûre: ce rassemblement n’est pas tombé
du ciel, un gros effort d’organisation a été
consenti, en particulier de la part d’Unia et de tout son
appareil, durant ces dernières semaines. Mais pour
déplacer 30 000 personnes à Berne, il faut plus
qu’un engagement militant. Cette manifestation exprime bel et
bien un profond mécontentement, le ras-le-bol et la
colère d’une large part du monde du travail, face aux
injustices produites par le système capitaliste, la politique
patronale et gouvernementale.

    Appelée à la fois par l’ensemble
du mouvement syndical, par toutes les forces de gauche et par les
organisations féministes, cette manifestation, ponctuée
de coups de sifflets et de revendications fortes, s’est
déroulée sous le thème rassembleur
« Contre la crise: garantir les emplois, les salaires et
les rentes ! ». Outre Unia, massivement
présent, le syndicat des transports SEV organisait sa propre
mobilisation dans le cadre de la manifestation. Les cheminots se sont
retrouvés dès midi à la Schützenmatte pour
protester contre la décision de la caisse de pensions des CFF
qui veut faire payer ses assu­ré·e·s plus et
plus longtemps, pour des prestations de retraite diminuées.

Les raisons du mécontentement sont nombreuses

Les salaires : prenant prétexte de l’absence
d’inflation mesurée par l’indice officiel, de
nombreux employeurs – qui continuent de faire des profits même si
c’est parfois en quantités réduites – parlent de
geler ou baisser les salaires. Ces patrons peu scrupuleux se sentent
d’autant plus forts, qu’on voit partout des
autorités communales et cantonales afficher la volonté de
suivre la même voie. Suite aux cadeaux que le gouvernement
fédéral s’est empressé de faire aux banques
en déroute, et au moment où les bonus des managers sont
une fois de plus impudemment justifiés, l’annonce
d’une baisse des salaires est largement ressentie comme une
provocation.

Les licenciements : ils ne sont pas seulement le fait de petites
entreprises en difficulté. De grands groupes (à
l’échelle helvétique), dont le profit se
réduit par rapport aux années folles, procèdent
eux aussi à des suppressions d’emploi. Pas étonnant
que le chômage augmente fortement, qu’il dépassera
bientôt les 200 000 personnes, dont beaucoup de jeunes en fin de
formation et qui ne trouvent aucun emploi ainsi que de femmes
« renvoyées à leurs
casseroles ».

Le 2e pilier : la votation sur le référendum de
l’Union Syndicale Suisse contre la baisse du taux de conversion
(qui entraînera une baisse des rentes de l’ordre de 10%) a
été repoussée au mois de mars. Là encore
les autorités n’ont pas cherché autre chose
qu’à faire payer la crise de la bourse aux
salarié·e·s, alors que depuis des années
les spéculateurs s’en sont impunément mis plein les
poches.

L’AVS : la montée en force du chômage ne
freine pas les ardeurs de ceux qui veulent augmenter l’âge
de la retraite; celui des femmes d’abord pour le ramener dans un
premier temps à 65 ans et celui de tout le monde ensuite, pour
repousser, dans la foulée, le droit à la retraite le plus
loin possible, à 67 ans ou plus.

L’assurance-chômage : actuellement en débat
aux Chambres, c’est une nouvelle réduction des prestations
qui est planifiée. Les jeunes en seront particulièrement
victimes, puisque le délai après la fin des études
pour pouvoir prétendre au chômage va s’allonger
à 6 mois (contre 5 jours actuellement); mais là encore,
tout le monde du travail est visé puisque  la durée
des prestations sera réduite, alors même qu’une
augmentation du taux de chômage est annoncée sur la
durée.

L’AI (assurance invalidité) : indépendamment
du vote du 26 septembre, la 6e révision de l’AI
prévoit de nouvelles baisses de rentes et le renvoi à
l’aide sociale de salarié·e·s en
incapacité travail qu’elle refuse de reconnaître.

Tout cela crée un sacré paquet d’attaques au niveau
de vie des salarié·e·s et explique la
présence de si nombreux manifestant·e·s le 19
à Berne.

Quelles actions après la manif ?

Devant le succès de la mobilisation, le journaliste de la TSR se
demandait samedi soir si cela annonçait un
« automne chaud » et un commentateur
s’interrogeait sur la sensibilité des parlementaires qui,
visiblement, peinent à prendre la mesure de la perte de
confiance de la population envers les autorités politiques.

    Face à un parlement et un gouvernement
fédéral qui répètent à l’envi
les arguments patronaux, la question est bien là: que faire
maintenant ? Le co-président de Unia, Renzo Ambrosetti, a
conclu son discours sur la place fédérale par
« nous avons pris un bon départ cet
après-midi ». Cela signifie qu’il compte
utiliser la pression du 19 dans le cadre des diverses
négociations et commissions qui traitent de toutes ces questions.

    Les miltant·e·s qui veulent un
mouvement ouvrier engagé, mobilisé, agiront au niveau des
régions et des entreprises; c’est là que la
mobilisation pourra porter. Le succès de la manifestation doit
avant tout être un appel à utiliser, au niveau
régional, toutes les opportunités pour renforcer le
rapport de force du monde du travail face au patronat et aux
autorités politiques, qui restent plus attentifs aux
équilibres budgétaires et aux baisses
d’impôts pour les riches qu’aux conditions de vie et
de travail de la grande majorité de la population.

    Cela implique des mobilisations fortes, un
engagement syndical sans concessions, la multiplication des actions,
des grèves, des protestations, chaque fois que c’est
possible…

Henri Vuilliomenet