Occupations étudiantes: interview
Occupations étudiantes: interview
Trois semaines se sont écoulées depuis loccupation par des personnes en formation dun ancien hôtel vide depuis six ans qui a fait trembler les propriétaires immobiliers. Nous avons recueilli les observations de Martin Boekhoudt, secrétaire de la CUAE.
Quelles sont les suites de cette occupation?
Premièrement, la satisfaction davoir logé plus dune soixantaine de personnes qui se trouvaient dans une situation précaire et/ou durgence. Nous navons néanmoins pas obtenu tout limmeuble, un étage restant affecté à lentraînement de chiens et autres par lentreprise de sécurité privée GPA. Cette activité est peu compatible avec le logement auquel la plus grande partie du bâtiment est vouée. Dautre part, le combat politique continue, notamment grâce aux plaintes qui ont été déposées à notre encontre par le propriétaire ainsi que par la société GPA.
Quel est le motif de ces plaintes?
Je tiens dabord à témoigner de mon étonnement quant au maintien de ces plaintes sachant que la situation de limmeuble est actuellement en pleine conformité avec la loi de part la signature dun contrat de prêt à usage avec le propriétaire. Par contre, les plaintes déposées, civiles comme pénales, sont nombreuses, ce qui témoigne dune nervosité certaine de la part du milieu des propriétaires immobiliers et de ses avocats. Notons quil sagit actuellement du cabinet de Bénédict Fontanet (à lavant-garde de la lutte anti-squat et administrateur de nombreuses sociétés immobilières dans le canton de Genève, ndlr). Le but de ses plaintes est évident, il sagit dintimider tout mouvement remettant en question lutilisation spéculative de locaux vides, bref de revendiquer le fait que le droit au logement est un droit supérieur à celui de la propriété privée.
Comment réagit la CUAE à ces attaques juridiques?
Il est clair pour nous que nous ne laisserons aucun-e des étudiant-e-s incriminé-e-s seul-e-s face à ces poursuites. Dautre part, nous profitons de largumentaire présenté par les avocats pour rebondir politiquement. Cest à dire que plusieurs points évoqués nétaient pas en notre connaissance auparavant. Le point le plus important est largument selon lequel notre action nempêchait pas seulement les forces de sécurité privées de faire usage des locaux pour entraîner leurs chiens, mais aussi la police (brigade dintervention), ainsi que les services des douanes.
Quest-ce que vous en concluez?
Nous sommes déjà scandalisés par le fait que des fonctionnaires soient présents dans cet immeuble sans aviser les autorités compétentes quil était inoccupé . Lorsque nous avions interpellé le responsable du DAEL1 sur les dispositions légales prévoyant la possibilité que lEtat puisse réquisitionner les bâtiments vides en situation de crise, il nous avait répondu quil navait pas les moyens de payer cinquante fonctionnaires pour vérifier si des immeubles étaient vides! Dautre part, nous nous interrogeons à propos des liens éventuels entre des propriétaires immobiliers et des services de lEtat ayant eu lusage de ces locaux.
Dautres éléments ont-il attiré votre attention?
Oui, le fait que, selon les avocats du propriétaire, nous allions à lencontre de lintérêt public de la république et du canton de Genève. Cet immeuble devant être transformé en hôtel pour cet événement fabuleux quest Telecom 2003. Il va de soi, quà la CUAE, nous avons une notion totalement différente de lintérêt public!
Quelles seront les actions futures de la CUAE?
Au vu des dernières informations que nous possédons au sujet de lutilisation de lhôtel California, ainsi que des revendications que nous avons portées – particulièrement le respect de la loi stipulant quen période de crise lEtat peut réquisitionner des locaux vides (rappelons quest considéré comme crise aux yeux de la loi un taux de vacance de 2% et quaujourdhui nous en sommes à 0,24%, soit un taux dix fois inférieur!) – il nous semble naturel que lEtat prenne des mesures énergiques pour pallier cette situation, ce quil na pas fait jusquà maintenant. En labsence dune position claire des responsables politiques quant à nos demandes, la CUAE réexaminera léventualité de mener de nouvelles actions répondant aux besoins des personnes en formation.
Propos recueillis par Catalina POZO
- Le chef du Département de lAménagement, de lEquipement et du Logement est le conseiller dEtat socialiste Laurent Moutinot.