Espagne: le gouvernement Zapatero recourt à l’armée pour briser une grève

Espagne: le gouvernement Zapatero recourt à l’armée pour briser une grève



Les 3 et 4 décembre, les
contrôleurs aériens espagnols ont déclenché
une grève « sauvage » contre
l’augmentation de leurs horaires de travail et la privatisation
de leur entreprise publique (AENA) décidées par le
gouvernement « socialiste » de Zapatero.

L’été dernier, les contrôleurs aériens
avaient été forcés de retirer un préavis de
grève devant la menace du gouvernement de faire appel à
l’armée. Cette fois-ci, ils ont donc décidé
de mener leur action sans préavis. La riposte du gouvernement,
s’inspirant du président états-unien Ronald Reagan
dans les années 80, a été brutale :
l’espace aérien a été immédiatement
militarisé, les tours de contrôle occupées par
l’armée, le premier niveau de l’Etat d’urgence
décrété et les grévistes
réquisitionnés en tant que « personnel
militaire », risquant ainsi, en cas de
« désobéissance »,
d’êtres jugés par des cours martiales ! Cette
grève s’est produite dans un contexte où,
après s’être réuni avec 37 grands patrons, le
gouvernement Zapatero a annoncé un nouveau train de mesures
d’austérité : réductions et
suppressions d’indemnités de chômage, privatisations
de plusieurs entreprises publiques et réductions des
impôts pour les sociétés capitalistes.

Zapatero fait le boulot de la droite

Ces 37 grands patrons et banquiers qui, quelques jours auparavant, ont
dicté à Zapatero les nouvelles attaques antisociales,
immédiatement adoptées par le gouvernement du PSOE, lui
ont également donné une consigne explicite : faire
le sale boulot de la droite afin de lui ouvrir le chemin du pouvoir.

    Et ce mandat est exécuté à la
lettre. Que le ministre de la police se retrouve à la tête
d’un cabinet de crise constitue tout un programme. Qu’un
conflit social soit résolu avec l’intervention de
l’armée constitue un sinistre présage. Le mouvement
ouvrier doit sérieusement soupeser la menace. Qui peut affirmer
que, demain, face à un nouveau conflit les transports publics,
les communications ou les raffineries – comme l’a fait
Sarkozy pendant le récent mouvement de grèves en France
– ne seront pas mis par décret sous juridiction
militaire ? Il ne s’agit plus d’un scénario
hypothétique : Zapatero a clairement annoncé
qu’il pouvait demander au Parlement la prolongation de
l’Etat d’alarme au delà des 15 jours prévus
par le décret royal. Les syndicats CCOO, UGT, USO et FSP avaient
prévus, pour les fêtes de Noël, des mobilisations de
protestation du personnel terrestre des aéroports contre la
privatisation de 49 % du capital d’AENA et les menaces
pour l’emploi et les conditions de travail dans le secteur
qu’elle représente. Que se passera-t-il alors ?
Est-ce que le refus de décharger la cargaison d’un avion
sera finalement assimilé à un acte
séditieux ?

Quel syndicalisme ?

Ce qui est clair aussi, c’est que la stratégie des
contrôleurs aériens est affaiblie par le corporatisme de
leur organisation syndicale. Tout syndicaliste de combat sait que
c’est dans la politique d’alliances que réside la
possibilité de vaincre à moyen terme. Cependant, les
contrôleurs n’ont pas suivi cette voie et ont oublié
deux éléments clés de
l’équation : les usagers et le reste des
travailleurs·euses d’AENA. Ils se sont retrouvés
isolés au moment décisif, constituant ainsi une cible
parfaite pour le lynchage médiatique et la répression.

    Il ne s’agit évidemment pas du fait
d’avoir organisé la grève de manière
« légale » ou non. La
législation du travail est souvent un chiffon de papier et le
produit des reculs du mouvement ouvrier. Le droit de grève est
une farce. Des millions de travailleurs·euses sont
empêchés de faire grève à cause de la
répression patronale.

    Les travailleurs·euses sont les premiers
intéressés à ce que la lutte des contrôleurs
aériens soit victorieuse, car dans un contexte comme le
nôtre, l’exemple d’une résistance
réussie, dans n’importe quel secteur, peut devenir un
exemple contagieux. Cela, les syndicats de classe et alternatifs, comme
la CGT ou CoBas, le savent parfaitement et ils ont immédiatement
démontré leur solidarité avec les
travailleurs-euses d’AENA. Le syndicalisme corporatiste, lui,
nous pousse au contraire vers la défaite.

    Dans l’immédiat, l’urgence est
à la riposte face aux nouvelles mesures
d’austérité décidées par le Conseil
des Ministres et aux méthodes utilisées par le
gouvernement pour briser la grève. Les principales organisations
syndicales, CCOO et UGT, devraient se mettre sur le pied de guerre en
fixant immédiatement une date pour une nouvelle grève
générale. Le 28 janvier, date à laquelle le
gouvernement veut approuver la contre-réforme des
pensions ? Pourquoi pas ! Mais il faut le savoir sans
tarder et ne pas l’organiser au-delà de cette date. Ce
n’est qu’en fixant l’attention sur un tel objectif,
celui de paralyser effectivement le pays, qu’on pourra faire
comprendre le caractère gravissime de l’attaque
gouvernementale contre les contrôleurs. Que personne ne se laisse
tromper par les discours sur leurs
« privilèges » ! Demain, ce
seront les conducteurs de bus qui seront désignés comme
des aristocrates, ou les enseignants, ou les chômeurs. Le
discours idéologique généré par le
gouvernement et par les médias doit être résolument
combattu car il contient le germe d’un tournant
profondément réactionnaire et peut aboutir à
l’écrasement de n’importe quelle lutte contre la
crise.

    Décréter l’Etat
d’alarme ? Oui, il faut le faire pour les dizaines de
milliers de familles qui sont sur le point d’êtres
expulsées de leur logement ; pour les centaines de milliers de
sans-emploi dépourvus de ressources : est-ce que
l’armée ira leur apporter des rations de
nourriture ?

Déclaration de Izquierda Anticapitalista,
7 décembre 2010.
Adaptation, titre et intertitres de notre rédaction.
Traduction française : www.lcr-lagauche.be